Le droit des propriétés publiques à l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA( Télécharger le fichier original )par Morgan Reynaud Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011 |
III) La conservation du domaine public hertzien.La gestion du domaine public hertzien passe également par la conservation de ce domaine. Le Professeur Yolka, dans sa thèse, explique que la police de la conservation domaniale peut avoir deux objets : préserver l'affectation du bien en cause ou préserver son intégrité. Or, il apparaît, en matière d'utilisation des ondes, que ces deux impératifs sont pris en compte malgré une adaptation évidente et nécessaire. L'objectif de la présente partie sera de tenter de voir, dans les pouvoirs de sanction du CSA, une émanation d'une certaine police de la conservation de ce domaine tendant à en préserver l'intégrité (A) et l'affectation (B). A) La conservation de l'intégrité domanialeLe pouvoir de conservation domaniale du CSA porte donc en partie sur la nécessité de conserver l'intégrité du domaine public hertzien. Cette protection est assurée tant par des dispositions pénales (1) qu'administratives (2), la rareté des fréquences et leur caractère stratégique justifiant un dispositif complet de protection. Ceci étant, il ne faut pas avoir une acception trop restrictive de l'intégrité du domaine. En effet, s'il est incontestable que « l'usage sans titre n'a pas pour conséquence d'endommager les fréquences180(*) », il n'en reste pas moins que l'intégrité du domaine peut être atteinte par d'éventuels conflits entre les ondes « légales » et les ondes issues d'occupants sans titre du domaine public hertzien, et qui peuvent ainsi déboucher sur des brouillages. 1) La protection pénale du domaine public hertzien.Le domaine public hertzien fait, tout d'abord, l'objet d'une protection pénale prévue par la loi du 30 septembre 1986. Aussi, l'article 78 de cette loi prévoit-elle la liste des incriminations pénales liées à la mauvaise utilisation du spectre. Est, tout d'abord interdit le fait d'émettre « sans autorisation du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou en violation d'une décision de suspension ou de retrait prononcée sur le fondement des dispositions de l'article 42-1 ou sur une fréquence autre que celle qui lui a été attribuée » . Un tel article vient confirmer la prohibition des « radios pirates » qui n'auraient pas fait l'objet d'une autorisation de la part du Conseil. La logique de cette peine est renforcée par le troisième point du même article qui récrimine également le fait d'émettre sans avoir conclu avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel la convention prévue à l'article 33-1. Ces deux infractions sont punies de 75 000€ d'amende. Est punie de la même peine, toujours d'après l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986, le fait d'émettre en méconnaissance des dispositions concernant la puissance ou le lieu d'implantation de l'émetteur. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 octobre 1989 a, d 'ailleurs, confirmé la condamnation du gérant d'une radio ayant « usé de fréquences radioélectriques et installé des moyens de diffusion par voie hertzienne empruntant notamment le domaine public sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'Etat 181(*)». L'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry qui faisait l'objet du pourvoi considérait qu'était « coupable d'émissions irrégulières de radiodiffusion le prévenu qui implante un émetteur sans autorisation et émet avec une puissance supérieure à celle prévue au cahier des charges182(*) ». L'article 78 de la loi prévoit même que « dans le cas de récidive ou dans le cas où l'émission irrégulière aura perturbé les émissions ou liaisons hertziennes d'un service public, d'une société nationale de programme ou d'un service autorisé, l'auteur de l'infraction pourra être puni d'une amende de 150 000 euros et d'un emprisonnement d'une durée maximale de six mois ». Outre ces peines d'amende et d'incarcération, le juge peut, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 78, prononcer la confiscation des installations et du matériel nécessaires à l'émission. D'après la jurisprudence pénale, la personne physique ou morale qui fournit un programme à une entité qui émet en contravention des dispositions de l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986, se rend coupable de complicité183(*). Sur le plan de la procédure, l'article 78 est relativement précis. Les agents assermentés et habilités placés sous la responsabilité du Conseil en vertu du décret du 31 mars 1992 184(*), constatent, par procès verbal, les infractions récriminées par la loi de 1978. Les procès verbaux sont ensuite transmis, dans les cinq jours, au Procureur de la République. Une copie de ces procès-verbaux est adressée au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au dirigeant de droit ou de fait du service de communication audiovisuelle qui a commis l'infraction. Il appartient dès lors au Procureur de saisir le tribunal correctionnel compétent. La procédure peut également être différente dès lors que, de par l'article 42-11 de la loi de 1986, « le Conseil supérieur de l'audiovisuel saisit le procureur de la République de toute infraction aux dispositions de la présente loi ». Le Conseil a, par exemple, par une décision du 6 février 2007, saisi le Procureur près le tribunal de grande instance de Grenoble sur le fondement de l'article 42-11 de la loi pour l'informer « d'une émission sans autorisation, le 22 janvier 2007, sur la fréquence 108 MHz aux Adrets (Isère), d'un programme radio qui s'est identifié sous le nom de Web FM Radio 185(*)». La preuve des agissements en cause peut être apportée par tout moyen, y compris par des relevés autres que ceux réalisés par des agents assermentés par le CSA, dès lors que la jurisprudence pénale considère que « si les dispositions de l'article 78, alinéa 5, de la loi du 30 septembre 1986, complété par l'article 23 de la loi du 17 janvier 1989, confèrent aux agents du CSA ou placés sous son autorité le pouvoir de constater les infractions prévues par cette loi, ce texte n'exclut pas que celles-ci soient établies suivant les règles du droit commun et que leur preuve soit faite devant la juridiction répressive dans les conditions prévues par l'article 427 du Code de procédure pénale186(*) ». En tout état de cause, la procédure pénale prévue à l'article 78 telle que décrite ci-avant a été jugée compatible avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dès lors que son article 10, protégeant la liberté d'expression, « n'interdit pas de soumettre les entreprises [de communication audiovisuelle] à un régime d'autorisation 187(*)». Quoiqu'il en soit, le juge administratif est incompétent pour connaître de la régularité de l'acte par lequel le CSA saisit le Procureur de la République dès lors que cet acte n'est pas détachable de la procédure pénale susceptible d'être engagée à l'encontre d'un personne soupçonnée d'enfreindre les règles prévues dans la loi de 1986188(*). L'article 78 de la loi prévoit enfin des mesures conservatoires permettant, dès que l'infraction est constatée, que des officiers de police judiciaire saisissent les installations et matériels ayant servi à la commission de celle-ci dans les formes prévues au code de procédure pénale. On pourrait analyser la procédure ici décrite comme l'émanation d'une certaine police de la conservation du domaine public. En effet, la procédure décrite à l'article 78 de la loi de 1986 est très proche de la procédure ouverte dans les cas de contraventions de voirie routière prévue aux articles L2132-1 du CGPPP, L116-1 à L116-8 et R*116-1 et suivants du code de la voirie routière. En effet, ces deux procédures sont diligentées par le parquet après saisine de l'autorité compétente devant les juridictions pénales. De même, l'article R*116-2 du code de la voirie routière prévoit que constitue une contravention aux dispositions du code le fait, sans autorisation, d'empiéter sur le domaine public routier ou d'accomplir un acte portant atteinte à l'intégrité de ce domaine ou de nature à lui porter atteinte. Les similitudes entre ces deux régimes sont donc flagrantes dès lors que la seule occupation sans autorisation (sans titre) de ces deux domaines peut conduire à la condamnation pénale alors même qu'il n'y a pas d'atteinte effective à l'intégrité du domaine. Il convient donc d'analyser la procédure décrite à l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986 comme un régime de protection pénal du domaine public hertzien dont l'objet même est sa conservation ; au même titre que le régime de la contravention de voirie routière a pour objectif la conservation du domaine public routier. Outre ces dispositifs pénaux, l'article 78 offre d'autres possibilités au Conseil pour sanctionner directement les atteintes causées au domaine public par l'illégalité de leur occupation. * 180 J-Ph Brouant, « L'utilisation des fréquences de communication audiovisuelle et la domanialité publique » précité. * 181 Cass, crim, 4 octobre 1989, TDF, Req n° 86-96201 : JurisData :1989-004235. * 182 CA Chambéry, 29 octobre 1986, TDF, Req n°048534 : JurisData : 1986-048534. * 183 Cass, crim, 22 janvier 1991, Leclerc Req n°90-83362 : Bull Crim 1991 n°36 p 94 ; J Francillon, « Infractions relevant du droit de la communication audiovisuelle. Emissions de radiodiffusion sonore par voie hertzienne. Responsabilité pénale du fournisseur de programmes », RSC 1992.601 ; JCP G 1992, II, 21909, note T. Garé ; Gazette du Palais 7 août 1991 N° 219-220 p 16 ; JCP G 1991, 17 IV p 163 ; voir également : Cass crim, 11 avr. 1991, Req n° 90-81318 Dr. pén. 1991, n° 236, obs. J.-H. Robert. * 184 Décret n°92-320 du 31 mars 1992 fixant les conditions dans lesquelles les agents du Conseil supérieur de l'audiovisuel et ceux placés sous son autorité peuvent être assermentés, JORF 1er avril 1992. * 185 http://www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=122212. * 186 Cass, crim, 25 juillet 1990, Req n° 90-81178 : Bull crim, Août 1990 n°294 p 743 ; JCP G 1990 N°47 IV p 380 ; Gaz Pal, 8 mai 1991, n°128 p 7. * 187 Cass, crim, 11 avril 1991, Req n°90-82233 : JurisData n° 1991-003455. * 188 CE, 22 mai 1991, Association Promotion régionale au travers de la communication, Req n° 101903 :Gaz Pal, 28 août 1991 n°240 p 25 ; Gaz Pal, 1er mars 1992, n°61 p 4 ; CE, 21 avril 2004, Association Fréquence Mistral , Req n°266674, inédit. |
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