Le droit des propriétés publiques à l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA( Télécharger le fichier original )par Morgan Reynaud Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011 |
b) La valorisation indirecte et non financière du spectre audiovisuel.Outre une valorisation financière intéressante pour l'État, une valorisation audiovisuelle, non financière a été rendue possible par l'optimisation de son usage en matière de communication audiovisuelle. Dans ce cas, le CSA n'est plus un simple accompagnateur de cette valorisation mais un réel acteur de celle-ci. Le passage à la TNT a ainsi entraîné la libération de fréquences dont certaines ont été attribuées à des chaînes nouvelles. L'offre gratuite est ainsi passée de six chaînes nationales à 18 chaînes. L'offre payante s'est également étoffée avec le passage à onze chaînes payantes. L'apparition de la nouvelle chaîne payante C foot172(*) dans les prochains mois renforce ce mouvement. Cette augmentation quantitative s'est accompagnée du conventionnement de nombreuses chaînes locales jusqu'alors limitées. Dans son rapport de 2009 précité, la DGTPE estimait que lors de l'extinction totale de l'analogique, on pourrait compter 12 multiplex, dont 10 seraient destinées à la seule communication audiovisuelle. Ces 10 multiplex pourraient, dans l'absolu, supporter jusqu'à 60 chaînes en SD (définition standard) ou 40 chaînes en HD (haute définition). Néanmoins, il existe des obstacles financiers, liés à l'équilibre du marché, qui empêcheront, pour un temps, une telle diversification de l'offre audiovisuelle. Ce problème est également mis en exergue par la question des canaux compensatoires qu'il ne convient pas de développer. Outre cette évolution quantitative, des évolutions qualitatives sont à noter. Premièrement, l'essor des chaînes locales permet de mieux prendre en compte les attentes de certaines personnes. La commission du dividende numérique, dans son rapport de juillet 2008, faisait de ce développement des télévisions et radios locales l'un des points d'exploitation audiovisuelle rendu possible par le dividende. Dans un rapport commandé par cette même institution173(*), la société d'audit considérait, qu'en 2007, malgré une faiblesse de l'offre télévisuelle locale, 29 de ces chaînes « couvraient 15% des individus équipés en télévisions, soit 7,1 millions de personnes, et touchaient une audience de 2,2 millions de spectateurs chaque semaine ». L'audience de ces chaînes, qualifiée de confidentielle, ainsi que leur budget faisait craindre la difficulté d'un véritable « décollage de l'audience ». Le Conseiller d'État Michel Boyon, actuel Président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, considérait, dans un rapport rendu au Premier ministre en 2003 que « le paysage de la TNT sera donc certainement favorable aux télévisions locales, mais uniquement lorsqu'elle sera largement déployée sur le territoire. Le meilleur moment pour le lancement de nombreux projets sera celui des phases finales du déploiement de la TNT, où les émetteurs en service permettront une desserte adaptée aux usages locaux, et où beaucoup de téléspectateurs seront équipés de décodeurs174(*) ». Le Conseiller d'État, dans ce rapport, ne dénombrait que neufs télévisions locales. Elles sont aujourd'hui 51 en métropole175(*) et 16 en Outre-mer. L'arrivée de la TNT a donc joué un rôle particulièrement important dans le développement de ces télévisions locales. Le Président du Conseil Supérieur de l'audiovisuel se déclarait assez confiant quant à l'avenir de ces télévisions locales dans Le Républicain Lorrain en date du 10 juin 2006. Qualitativement, le passage à la TNT a permis la diffusion de certaines chaînes en haute définition. Le confort pour les personnes équipées d'un téléviseur HD est donc renforcé. Cependant, la diffusion en HD, si elle consomme moins de ressource que la diffusion analogique, reste très gourmande en ressource spectrale. Aussi, si le CSA et le gouvernement semblent favorables à la diffusion en HD, il convient de s'interroger sur ce choix en ce qu'il consomme plus de spectre que le SD. Deux alternatives s'offriront ainsi au CSA, soit favoriser la HD pour le confort des téléspectateurs, soit encourager la création de nouvelles chaînes de télévision ou l'émergence de nouveaux services. Le passage au tout numérique permet également au CSA de mettre en oeuvre de nouvelles politiques en matière audiovisuelle. Ainsi en est-il des SMAD (services de médias audiovisuels à la demande). En effet, après avoir entendu plusieurs candidats lors d'une audition publique qui s'est tenue au siège du CSA le 23 mai 2011, l'instance de régulation a choisi d'attribuer un service de SMAD payant passant par voie numérique terrestre176(*). Un tel service permettra aux abonnés de choisir, dans le cadre d'une sorte de « banque de données », le ou les films qu'ils souhaitent regarder. Le procédé n'est pas révolutionnaire, dès lors que plusieurs offres ADSL, passant par internet, offraient cette possibilité. Cependant, en l'espèce, le service passe, non pas par internet, mais par le réseau hertzien commun. Or, une telle opération n'aurait pas pu voir le jour si la valorisation indirecte du spectre par le passage à la TNT n'avait pas eu lieu. D'autres évolutions pourraient être envisagées comme la télévision de « rattrapage » passant par la voie hertzienne ou la mise en place de services utilisant la même ressource (Informations liées aux programmes etc.). L'émergence du numérique facilite également la mise en place de certaines technologies de « l'accompagnement » permettant l'accessibilité du plus grand nombre à la télévision. En effet, le passage au numérique a facilité le sous-titrage des films et séries afin que les personnes sourdes ou malentendantes puissent accéder aux programmes. Le sous-titrage est présenté par le site gouvernemental tousaunumérique.fr comme étant de « bien meilleure qualité technique que ce qui existait en analogique » et « bien plus agréable [que pour l'analogique] d'ailleurs ». Mieux encore, et cette évolution est très peu relevée, le passage à la TNT a permis l'avènement de l'audiodescription, jusqu'alors réservée aux seuls programmes de ARTE177(*), permettant ainsi aux personnes aveugles ou malvoyantes d'accéder à certains programmes. La TNT a eu un véritable impact sur ce développement dès lors que, pour permettre l'audiodescription, il faut proposer un flux audio supplémentaire. Le CSA a lui même accompagné le développement de ces techniques d'accessibilité, et donc de valorisation indirecte du spectre178(*). Si en matière télévisuelle, la valorisation indirecte du spectre semble réussie et s'affirme de jour en jour, il n'en va pas de même en matière de radio. Ainsi, les radios numériques sont toujours en cours d'expérimentation179(*) et il est bien difficile de dire quand celles-ci verront le jour. Cependant, si le passage à la radio au numérique est aussi bien négocié qu'en télévision, les perspectives de développement sont comparables à celles connues à ce moment. Néanmoins, la crise économique et la difficulté de mise en oeuvre semblent, pour le moment, paralyser quelque peu cette innovation. L'autre difficulté est économique, certains grands groupes restant frileux quant à la viabilité du modèle économique de cette radio numérique. On a donc vu que le domaine public hertzien destiné à la communication audiovisuelle, s'il n'est pas directement valorisé par le Conseil, l'est indirectement, soit financièrement, soit en insufflant des modes de valorisation alternatifs comme la quantité ou la qualité des programmes. Le domaine public hertzien est donc, comme tout domaine, le siège d'une relative valorisation adaptée à sa spécificité ; il est en effet un bien immatériel et reste, malgré tout, le siège de l'expression d'une liberté fondamentale, d'où la difficulté de le valoriser. En tout état de cause, l'autorité en charge de la gestion et de la valorisation de ce domaine ne doit, en aucun cas, oublier que cette bonne gestion passe également par la conservation du domaine. * 172 Décision n° 2011-17 du 18 janvier 2011 autorisant l'association Ligue de football professionnel à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique, JORF 11 mars 2011. * 173 « Étude sur l'évolution des usages de la télévision, de la radio et de l'Internet et scénarios prospectifs sur l'évolution de ces usages » par BSConseil. * 174 « La télévision numérique terrestre. Rapport complémentaire établi à la demande du Premier Ministre » par Michel Boyon, février 2003. * 175 Chiffre au 1er avril 2011 et tableaux disponibles sur le site du Conseil Supérieur de l'audiovisuel à l'adresse suivante : http://www.csa.fr/infos/operateurs/operateurs_television_privees_loc.php. * 176 Communiqué de presse du 31 mai 2011 disponible sur le site internet du Conseil Supérieur de l'audiovisuel : http://www.csa.fr/actualite/communiques/communiques_detail.php id=133551. * 177 Quelques chaînes avaient recours à ce procédé, comme TF1, mais uniquement de manière ponctuelle et confidentielle. * 178 Notamment par la création d'un groupe de travail sur l'accessibilité, d'un « mini-site » dédié à ces questions sur le site du Conseil et par la stipulation, dans les conventions des chaînes, d'obligations ayant trait à l'accessibilité des programmes par les personnes handicapées. Pour un remarquable travail sur l'accessibilité des personnes handicapées aux programmes, voir le mémoire de Marion Corbel, « L'accessibilité des contenus audiovisuels aux personnes handicapées » . * 179 Décision du CSA du 11 mai 2011 : « Le Conseil a autorisé, d'une part, le Groupement des radios associatives de la métropole nantaise (GRAM) à prolonger, jusqu'au 5 décembre 2011, l'expérimentation de radio numérique aux normes T-DMB/DAB+ qu'elle mène dans les zones de Nantes et de Saint-Nazaire et, d'autre part, la société SANEF à prolonger, dans le cadre du projet RANUTER, l'expérimentation de radio numérique qu'elle conduit selon la norme T-DMB dans la zone de Rouen jusqu'au 31 juillet 2011 ». |
|