Le droit des propriétés publiques à l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA( Télécharger le fichier original )par Morgan Reynaud Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011 |
â) Concurrence et interaction des droits.A la lecture de ces règles strictes, on voit bien la différence entre le droit commun129(*) et le droit audiovisuel des concentrations. Tandis que le premier conduit à une analyse économique des chiffres d'affaires des différentes sociétés en présence, le second ne se fonde que sur l'étude du nombre des autorisations de diffusion et sur la composition capitalistique des titulaires. Cette distinction peut s'expliquer par la divergence de finalité entre ces deux droits. En effet, le code de commerce a comme but de créer un environnement propice à la libre concurrence. Pour la loi de 1986, cet environnement n'est pas la finalité mais le moyen d'aboutir à la conservation de la pluralité éditoriale, corollaire nécessaire de la liberté de communication audiovisuelle. Visant à éviter la constitution de monopoles ou d'oligopoles, ce dispositif peut être comparé aux lois « anti trust » américaines130(*) ou aux dispositifs européens131(*) et nationaux132(*) réglementant les concentrations pour les entreprises « communes ». Cependant, là encore, les visées ne sont pas les mêmes. Alors que toutes ces lois ont pour objectif de protéger la libre concurrence au bénéfice du consommateur en évitant les abus de position dominante133(*), la loi de 1986 protège l'affectation du domaine public hertzien, à savoir, la liberté de la communication audiovisuelle. La libre concurrence est donc, en quelque sorte, le garant de la liberté de la communication audiovisuelle, et donc de l'affectation du domaine public hertzien. Plus encore, la libre concurrence assure la protection d'une liberté fondamentale conventionnellement134(*) et constitutionnellement135(*) garantie qui ne peut s'accommoder d'une expression univoque. Cependant l'application du droit audiovisuel de la concurrence n'empêche pas celle du droit commun. Aussi, la loi de 1986 prévoit-elle l'intervention conjointe de l'autorité de la concurrence et du CSA en matière audiovisuelle. Le CSA est tout d'abord chargé, en vertu de l'article 17 de la loi de 1986, « d'adresser des recommandations au Gouvernement pour le développement de la concurrence dans les activités de radio et de télévision ». L'alinéa 2 de ce même article habilite le CSA « à saisir les autorités administratives ou judiciaires compétentes pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques ». On entend par là que le Conseil peut, si besoin, saisir l'Autorité de la concurrence pour avis. Le dernier alinéa de l'article 41-4 précise en outre que le CSA « peut saisir pour avis l'Autorité de la concurrence des questions de concurrence et de concentration dont il a la connaissance dans le secteur de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande ». Les procédures de concertations sont, de plus, réciproques, ce qu'organise la loi de 1986. Ainsi, en plus des consultations facultatives prévues par l'article 17, l'article 41-4 prévoit des modalités de saisines mutuelles obligatoires. Dès lors, l'Autorité de la concurrence est tenue de recueillir l'avis du CSA sur les pratiques anticoncurrentielles dont elle est saisie dans les secteurs de la radio, de la télévision et des SMAD. Le Conseil a alors trois mois pour lui transmettre ses observations. Ceci étant, le CSA n'est pas tenu de répondre aux sollicitations de l'Autorité. Réciproquement, le Conseil est tenu de saisir l'Autorité de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles dont il a connaissance dans les secteurs de la radio, de la télévision et des services de médias audiovisuels à la demande. Ces pratiques anticoncurrentielles peuvent prendre diverses formes (abus de position dominante, ententes etc). L'article 41-4 prévoit que cette saisine peut être assortie d'une demande de mesures conservatoires, telles que prévues par l'article L464-1 du code de commerce. On voit donc l'importance qu'a pris le droit de la concurrence dans le droit de l'audiovisuel, d'autant plus qu'une telle diffusion est qualifiée de prestation de service au sens des articles 56 à 62 du TUE136(*). Mais outre l'intérêt économique d'une telle importance, l'impact du droit de la concurrence dans la gestion du domaine public hertzien a, justement, pour objectif d'en protéger l'affectation. En s'astreignant à un régime rigoureux de respect de la concurrence et de transparence en la matière, l'État a favorisé l'existence de la liberté de communication audiovisuelle dès lors que celle-ci ne peut exister, en fait, sans une relative pluralité des éditeurs. Or, les systèmes anti-concentrations et l'impact du droit de la concurrence ont précisément pour objectif d'empêcher l'uniformisation des contenus audiovisuels ; au risque, à défaut d'une telle réglementation, d'aboutir à la mort de la liberté de communication pour cause d'uniformisation capitalistique et donc éditoriale. Outre une gestion nécessaire à la sauvegarde de son affectation, le domaine public hertzien peut faire l'objet d'une relative valorisation qu'il convient également d'évoquer. * 129 Titre III du Livre IV du Code de Commerce. * 130 Voir notamment le Sherman antitrust Act du 2 juillet 1890 et le Clayton antitrust Act du 15 octobre 1914. * 131 Pour la prohibition des abus de position dominante : article 102 TFUE ; Pour le détail des règles européennes liées aux fusions-acquisitions : Règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises («le règlement CE sur les concentrations»). * 132 Articles L430-1 et suivants du code du commerce. * 133 Et non pas les positions dominantes ou les monopoles... * 134 Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. * 135 Article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. * 136 CJCE, 30 avril 1974, Sacchi, n° 155-73 : Recueil de la Jurisprudence de la Cour. 1974, p. 409 ; puis Directive n°89/552/CEE TVSF (télévision sans frontière) du 3 octobre 1989. |
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