Comme le soulignait Laurent KABORE (2002),
le Burkina Faso a de tout temps eu une politique éducative. En effet les
différents plans, les discours, les reformes ont toujours traduit une
vision a court, moyen et long terme. La reforme de l 'éducation de 1979
baptisée (( éducation pour le développement
communautaire » et la Loi n°013/96/ADP en sont des illustrations
puisqu'elles traduisent les contours idéologiques des décideurs
politiques de l'époque, fondés sur ce que doit être
l'école dans nos sociétés. De nos jours, le plan
décennal, considéré comme l'unique cadre d'intervention
dans l'éducation de base, traduit également et de faQon explicite
la vision du développement de l'éducation dans les dix
années a venir. Du point de vue des objectifs, le PDDEB décrit la
volonté politique d'atteindre 70% de taux brut de scolarisation et 40%
de taux d'alphabétisation en 2010. Aussi, la stabilisation des objectifs
de la lettre de politique humain durable de 1995 a travers le document du CSLP
est un autre indicateur de l'existence d'une politique éducative qui dit
explicitement accorder la priorité a l'éducation de base afin de
promouvoir un véritable développement durable et de
réduire significativement les inégalités en matiere de
scolarisation et d'alphabétisation entre provinces et du même
coup, la pauvreté.
Cependant, même s 'il y a une réelle
volonté de définir une politique éducative efficace par
les dirigeants, la mise en oeuvre de ces différentes politiques et
réformes ne peut s 'exonérer de toutes critiques. En effet, les
insuffisances de la politique éducative au Burkina se résument
entre autres en ce que, l'instabilité du personnel et des
décideurs ne permet pas de pérenniser les idées et visions
du développement de l'éducation. Aussi, les insuffisances des
ressources rendent difficile la mise en oeuvre d'un budget conséquent
pour l'éducation au Burkina Faso. Car malgré la reconnaissance du
role de l'éducation dans le développement économique et
social, les allocations budgétaires n'ont pas toujours accompagné
les attentes des ministeres en charge de l'éducation. A cela s'ajoute
l'insuffisance dans le renforcement des capacités en planification car
l'exécution d'une politique éducative dépend dans une
certaine mesure de la formation ou de la connaissance des acteurs de ce
processus de planification stratégique. Dans le contexte Burkinabe, la
formation complete en planification profite plus aux agents du niveau central
qu'aux acteurs de terrains.
Face a ces insuffisances, plusieurs voix se sont
levées pour formuler la nécessité d'une relecture des
politiques éducatives en Afrique, particulierement au Burkina Faso afin
de
favoriser la mise en place de politiques et
réformes tenant effectivement compte des réalités
socioculturelles et économiques.
Ainsi comme tant d'autres, Philippe HUGON
(1994) pense que les réformes des systemes scolaires doivent
intégrer le contexte de la crise économique et des politiques
d'ajustement. Pour l'auteur, elles doivent également prendre en compte
les transformations permettant de répondre aux défis du long
terme. L'échec de la planification volontariste et les résultats
limités de la régulation par le marché doivent conduire a
des pilotages des systemes complexes.
De son côté, Marie France LANGE
(2002) souligne que le fait que les pays d'Afrique francophone comme le
Burkina Faso ne peuvent dorénavant financer leur systeme éducatif
sans recourir aux bailleurs de fonds a des conséquences. Cette situation
a pour conséquence immédiate la dépossession de leur
autonomie en matiére de politique scolaire et leur soumission aux
diktats des bailleurs. Cette perte de décision en matiére
éducative produit divers effets. Le premier s'observe dans la mise en
place et la gestion des politiques scolaires. La programmation par étape
imposée par les bailleurs de fonds rend difficile l'élaboration
de politiques adéquates sur le long terme. Le deuxieme effet est induit
par le fait que la réussite doit Otre au rendez-vous de chacune de ces
étapes, car de ces réussites dépendent les futurs
financements. Les effets pervers de ce type de fonctionnement apparaissent
alors crOment car contraints de réussir pour justifier la bonne
utilisation des financements accordés, les pays investissent dans les
zones jugées scolairement propices. Ce qui a pour conséquence
immédiate, l'accroissement des disparités et l'abandon des zones
jugées scolairement difficiles. Un autre effet pervers de ces
financements sous conditions est que les évaluations des politiques
mises en oeuvre ne peuvent qu'etre globalement positives et des instructions
sont données dans ce sens aux différents agents du systeme
scolaire. L'élaboration de politiques publiques d'éducation
devient une nécessité mais en l'absence d'une description et
d'une analyse des ressorts et des conséquences de la dépendance
financiére, il parait difficile de proposer de nouveaux modes de
médiation entre donateurs étrangers, Etats et populations.
Renégocier ces rapports de pouvoirs peut permettre de redéfinir
le role des Etats dans la lutte contre les inégalités
scolaires.
Daniel BARRETEAU (1998), quant a lui met
l'accent sur les questions linguistiques qui dans la crise actuelle des
systemes éducatifs, restent essentielles dans la mesure oil il y a
appropriation du systeme éducatif par les premiers concernés que
sont les enseignants, les
éléves et les parents. La sous-
scolarisation et les échecs scolaires présents dans certains
pays, trouvent pour la plupart une explication dans le fait que les populations
rurales ont le sentiment d'une méconnaissance parfaite du systeme
éducatif moderne. L'école devait etre comprise par les parents.
Pour ce faire, il est impérieux de lutter contre un certain laisser-
aller dans les systemes éducatifs en veillant constamment a leur
rentabilité interne et externe, mais aussi de se méfier des
changements radicaux aux conséquences imprévues, de
généralisation hâtive en matiére de politiques
linguistiques et éducatives, de décisions concernant les statuts
des langues qui ne seraient pas acceptées par l'ensemble de la
population ou qui seraient ingérable compte tenu des moyens disponibles.
Ce n'est ainsi qu'on pourra sortir le débat sur les politiques
linguistiques et éducatives de "l'impasse" dans les termes de
BARRETEAU. En revanche, il serait souhaitable d'accorder une plus grande
considération aux langues nationales, de procéder a une extension
progressive et contrôlée des expériences et a une
optimisation des systemes éducatifs par un développement des
recherches en particulier sur le passage des langues premieres a la langue
officielle. Aussi, pour transformer les rapports entre école et milieu
rural, il faut revoir les méthodes d'apprentissage du francais afin de
mieux répondre aux compétences effectives et aux conditions de
vie des éléves et enfin replacer l'école dans son contexte
sociologique c'est-à-dire dans son milieu pour que les
éléves acquiérent la conscience d'une continuité
entre leur milieu de vie et le milieu scolaire.
Les idées de BARRETEAU corroborent celles d
'Abou NAPON (2002) pour qui, plutôt que de nier les
capacités des langues nationales a véhiculer le savoir
scientifique et la modernité, les autorités burkinabe doivent
permettre aux langues locales d 'avoir leur place dans notre systeme
éducatif en définissant une politique claire en matiére de
promotion des langues nationales. C 'est d 'ailleurs ce que pense André
BATIANA (2002) car les résultats de son étude comparative
montrent que l 'ensemble des résultats dans les écoles satellites
sont plus satisfaisants que dans les écoles classiques. Les atouts de
cette innovation pédagogique tiennent en trois facteurs principaux : l
'utilisation de la langue premiere de l 'enfant dans les premieres
années de la scolarisation, le fait que l 'enseignant soit issu du meme
milieu que l 'enfant et la fréquence élevée du suivi
pédagogique par les superviseurs.