La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.( Télécharger le fichier original )par Gérard MPOZENZI Université du Burundi - Licence en Droit 2003 |
CHAPITRE III : LE RAPPORT ENTRE LES TPI AD HOC ET LA JUSTICE PENALE ETATIQUELe rapport entre les TPI ad hoc et la justice étatique s'exprime en termes de concurrence de compétence entre les TPI ad hoc et les juridictions nationales ou en termes de primauté des premiers sur les secondes. La concurrence de compétence ayant déjà fait objet d'une analyse333(*), nous traitons ici le principe de primauté (III.1.I), l'incidence du principe (III.2.), les TPI ad hoc face à la souveraineté étatique (III.3.) et l'obligation faite aux Etats de coopérer avec les TPI ad hoc (III.4.). III.1. Le principe de primautéAprès avoir donné la signification du principe de primauté, l'analyse portera ensuite sur sa justification et son fondement juridique pour aboutir enfin sur les tempéraments apportés à ce principe. III.1.1. Signification du principeLe principe de primauté des TPI ad hoc signifie que le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international, ne dégage pas la responsabilité de celui qui l'a commis. L'articulation entre les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc et les juridictions nationales est définie par le Statut en termes de primauté des premiers sur les secondes et de compétence concurrente entre les premiers et les secondes334(*). Les deux Tribunaux pénaux internationaux ad hoc ont ainsi une « compétence concurrente » avec les juridictions nationales335(*). Par expression « compétence concurrente » il faut comprendre que les crimes visés par les Statuts des deux TPI ad hoc peuvent être réprimés aussi bien par des juridictions internes que par les Tribunaux internationaux ad hoc alors que, pour la CPI, l'idée de « complémentarité » évoquée dès le préambule et à l'article 1er du Statut procède plutôt d'une logique de subsidiarité de la répression internationale par rapport à la répression interne336(*). Dans le cadre de cette « compétence concurrente », les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc jouissent de la primauté sur les juridictions nationales337(*). En effet, l'article 9 §1 du statut du TPIY dispose : « Le Tribunal international et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex- Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991». L'article 9 §2 du même statut poursuit en indiquant : « Le Tribunal international a la primauté sur les juridictions nationales (...)». L'article 8 du Statut du TPIR procède de la même manière en reprenant la même règle. De ce qui précède, deux conséquences dont on peut faire découler une troisième se dégagent du principe de primauté : 1° l'autorité de la chose jugée par le Tribunal international s'impose aux juridictions de tous les Etats338(*), 2° à tout stade de la procédure, le Tribunal international peut demander aux autorités nationales de se dessaisir en sa faveur339(*), 3° le transfert des présumés criminels devant les Tribunaux internationaux ad hoc. Notons, à toutes fins utiles, que les juridictions nationales peuvent juger les auteurs de crimes de la compétence des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda si ces derniers n'interviennent pas pour imposer leur primauté. Ainsi, les jugements rendus par ces juridictions étatiques sont dotés de l'autorité de la chose jugée devant les TPI ad hoc, sauf dans le cas où les poursuites se seraient avérées sous une qualification d'infractions de droit commun. C'est le principe non bis in idem prévu par les Statuts des deux TPI ad hoc340(*). III.1.2. Justification du principe de primauté D'une part, le principe de primauté est justifié par le refus de l'impunité et, d'autre part, par la recherche d'une justice impartiale. * 333 Supra, p.14. * 334 BOUCHET- SAULNIER (Françoise), Dictionnaire pratique du droit humanitaire, 3ème éd., Paris, La découverte, 2006, p. 533. * 335Statut du TPIY, art. 9, §1 celui du TPIR, art. 8, §1. * 336 ASCENSION (H.), « Les tribunaux ad hoc pour l'ex- Yougoslavie et pour le Rwanda », in (sous la dir. de), ASCENSION (H.), DECAUX (E.), PELLET (A.), op. cit., p. 728. * 337ASCENSION (H.), « Les tribunaux ad hoc pour l'ex- Yougoslavie et pour le Rwanda », in (sous la dir. de), ASCENSION (H.), DECAUX (E.), PELLET (A.), op. cit., p. 728.. * 338Statuts : TPIY (art.10) ; TPIR (art.9 * 339 Art. 10 commun aux RPP des deux TPI ad hoc; Statuts : TPIY, art. 9 §2 in fine ; TPIR , art. 8 §2 in fine. * 340 Infra, p.74. |
|