L'interprétation des conventions fiscales( Télécharger le fichier original )par Sabrine Arbi Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis - Mastère spécialisé droit fiscal 2009 |
Paragraphe 2 :les instruments« Le processus d'interprétation moderne reconnait l'interaction des divers traités et autres textes pertinents, ainsi que des dispositions de chaque instrument. En d'autres termes, la lecture d'un instrument considéré dans son ensemble est souvent éclairée par des textes comparables. Le « contexte » d'un traité au sens de l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités peut donc englober un certain nombre de documents connexes y compris des textes énonçant ce qu'il est convenu d'appeler un « droit indicatif ». »200(*) Les instruments « ne sont pas considérés, aux fins de l'interprétation, comme des travaux préparatoires, mais comme un élément de la règle générale d'interprétation. »201(*) Les instruments font partie du contexte tel que le prévoit l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. L'interprétation par le biais des instruments est soit unilatérale, mais devant être accepté par les autres Etats contractants, soit collective ou concertée c'est-à-dire opérée par toutes les parties au traité. Les déclarations interprétatives fournissent un cas concret de ces instruments. L'interprétation authentique ultérieure à la conclusion des conventions fiscales justifie mieux les critiques. Sous-section II: l'interprétation authentique ultérieure à la conclusion de la convention fiscale L'article 31 paragraphe troisième de la Convention de Vienne sur le droit des traités est dans sa teneur « Il sera tenu compte, en même temps que du contexte : a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions ; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établie l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité ; c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties... »202(*) L'interprétation authentique ultérieure a lieu soit via des accords ultérieurs (Paragraphe 1) soit via les règles pertinentes de droit international (Paragraphe 2). Paragraphe 1:les accords ultérieurs « L'interprétation d'un traité doit tenir compte des accords ultérieurs entre les parties au sujet de l'interprétation de ce traité ou de l'application de ses dispositions. Quelle qu'en soit la forme ou l'origine, ces accords contribuent à préciser le sens du traité et à en déterminer la portée. Néanmoins la Convention de Vienne a mentionné l'accord qui se dégage de la pratique ultérieure. »203(*) L'interprétation ultérieure est soit explicite soit implicite. S'agissant de l'interprétation explicite c'est-à-dire via des accords « Ce procédé n'est pas facile à manier, il implique des négociations plus ou moins délicates et exige de part et d'autre un désir d'entente, même au prix d'un certain sacrifice, l'ambiguïté étant souvent dans l'intérêt de l'une ou l'autre des parties. De plus, ce procédé devient plus compliqué quand il s'agit d'un traité multilatéral. »204(*) Le professeur Yasseen souligne les difficultés pour l'aboutissement à ces accords interprétatifs et la nécessaire bonne volonté des Etats afin d'y arriver. L'éminent professeur, avec honnêteté scientifique, s'empresse de relativiser ses propos rappelant les bienfaits incontestables de « l'interprétation par accord » du fait qu'elle obligatoire c'est-à-dire ayant « une force identique à celle du traité initial »205(*) et générale c'est-à-dire ne se limitant pas à « un cas déterminé, elle s'applique à tous les cas concrets visés par la norme dont elle précise le sens et détermine la portée. » 206(*) Les accords ultérieurs ne sont pas nécessairement écrits, il peut s'agir de déclaration interprétative. Les accords écrits peuvent prendre la forme de protocoles tels que le protocole additionnel à la convention fiscale entre la Tunisie et la République Hellénique signée le 31 octobre 1992 ratifié par le décret n°2009-2336 du 12 aout 2009.207(*) Les échanges de lettres représentent aussi un exemple d'accord ultérieur. Il est possible de se référer à l'échange de lettres entre la France et la Tunisie en date du 29 mai 1985 relatif aux difficultés d'application de la convention fiscale franco-tunisienne dans ses articles 11 et 19.208(*) Il est possible de citer également l'échange de lettres entre les autorités compétentes française et les autorités compétentes espagnole concernant l'interprétation de l'article 26-3 de la convention franco espagnole du 10 octobre 1995 en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune au regard des accords préalables de fixation des prix de transfert.209(*) L'interprétation est à ne pas confondre avec la modification ; c'est ici le point culminant de la discréditation de l'interprétation authentique : mettre l'application et l'interprétation d'une convention entre les mêmes mains au risque d'une transformation masquée des dispositions conventionnelles. Le professeur Yasseen explique la différence entre l'interprétation et la modification « Par nature, cet accord (l'accord interprétatif) ne devrait être que déclaratif. Ce n'est pas parce que les parties n'ont pas le pouvoir d'apporter des modifications au traité, puisque leur pouvoir est incontestable dans ce domaine, mais parce que la confusion de l'interprétation et de la modification, même quand il s'agit des parties aux traités, est une source de difficultés, le statut juridique de l'interprétation n'étant pas identique à celui de la modification. »210(*) Les conventions fiscales sont modifiées par des avenants tel que l'avenant du 4 décembre 2009 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat du Qatar amendant la convention du 4 décembre 1990 en vue d'éviter les doubles impositions et l'accord sous forme d'échange de lettres du 12 janvier 1993, signé à Doha le 14 janvier 2008.211(*) L'interprétation implicite se déduit de la pratique ultérieure des Etats contractants. La formule du professeur Yasseen est intéressante à ce sujet « Appliquer le traité, cela suppose l'avoir compris, donc interprété. La pratique suivie dans l'application du traité a, par conséquent, pour fondement un certain sens accepté par ceux qui la suivent. Or, plus que personne, les Etats sont à même de comprendre le sens du traité qu'elles ont conclu, ce qu'ils ont vraiment voulu. »212(*) La pratique est par définition subséquente au traité puisqu'elle a trait à son application.213(*) La doctrine moderne est favorable au recours à la pratique ultérieure.214(*)L'illustre professeur Charles de Visscher déclare « La valeur très généralement reconnue à ce critère tient à son caractère objectif. »215(*) L'utilisation de la pratique ultérieure est soumise à des conditions de concordance, de communion et de constance.216(*) La pratique ultérieure est un élément de la
règle générale d'interprétation non un moyen
supplémentaire d'interprétation.217(*) « C'est
pourquoi la pratique ultérieure peut jeter une lumière sur ce que
les parties ont voulu lors de la conclusion du traité, mais elle peut
être en plus révélatrice d'une interprétation qui
s'accommode d'une intention commune naissante mettant en relief un nouvel objet
et un nouveau but au traité et elle peut même aller jusqu'à
établir l'accord des parties pour modifier le
traité. »218(*) Le professeur Yasseen, arguant des
mérites de la pratique ultérieure lointaine, ajoute
« La pratique ultérieure même lointaine ne cesse
pas d'exercer un rôle efficace dans l'interprétation. Elle peut
exercer un but vague ébauché dans le texte et
révéler quelquefois le sort d'un but initial : son
développement, son déclin, et même son remplacement par un
autre but. »219(*)
* 200 200 Pentassuglia (G) « Minorités en droit international : une étude introductive », Editions du conseil de l'Europe, 2004, p.116. http://books.google.com/books?id=iE2EWe9-IA8C&printsec=frontcover&dq=minorit%C3%A9s+en+droit+international&source=bl&ots=S3GaED6c9p&sig=q7J7UqbF6ImaGPWzJialfFnqaDQ&hl=fr&ei=x2efS_WcN5WTjAe3tMnVDQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CBEQ6AEwAg#v=onepage&q=&f=false * 201 201 Yasseen, op cit, p. 38. * 202 202 Voir Duval, ibid, p. 1210. * 203 203 Yasseen, op cit, p. 44. * 204 204 Ibid. * 205 205 Ibid, p.45. * 206 206 Ibid. * 207 207 http:// www.cnudst. rnrt. tn/ jortsrc/2009/ 208 http://www.droit-afrique.com/images/textes/Tunisie/Conv.fiscales/Tunisie%20-%20Conv.fisc.France.pdf 209 http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2005/14aipub/cadr14ai.htm
* 208 * 209 * 210 210 Yasseen, ibid, p. 45. * 211 211 http://www11.minefi.gouv.fr/boi/boi2009/14aipub/cadr14ai.htm * 212 212 Yasseen, ibid, p. 47. * 213 213 Ibid. « Il s'agit d'une pratique qui ne peut être que subséquente à la conclusion du traité puisqu'elle concerne l'application de celui-ci. Cette pratique ne devrait pas être confondue avec les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu. » * 214 214 Ibid. * 215 215 Ibid. * 216 216 Ibid, pp. 48 et 49. « La pratique ultérieure doit être concordante, commune et d'une certaine constance. Tout d'abord, d'une certaine constance. Cette condition est nécessitée par l'idée même de « pratique ». Une pratique est une suite de faits ou d'actes, elle ne peut en général être concrétisée par un fait ou un acte isolé, ou même par quelques applications éparses. Concordante et commune, certes, ces deux conditions sont indispensables à la conception même d'un accord. Dans son projet provisoire, la commission du droit international a dit « toutes les parties » mais, dans son projet final, elle a omis le mot « toutes » et ce n'était pas pour moins souligner que la pratique doit être commune, mais pour donner plus de souplesse au processus de la formation de l'accord. En omettant le mot « toutes », la Commission n'a pas voulu modifier la règle. Elle n'a omis le mot « toutes » que pour éviter une méprise possible, qui ferait croire que chaque partie doit individuellement avoir suivi cette pratique, alors qu'il suffit qu'elle ait accepté. » Et l'acceptation d'une partie pourrait être « déduite de la réaction ou de l'absence de réaction de cette partie à l'égard de cette pratique ». Certes, « la valeur de la pratique ultérieure varie suivant la mesure où elle traduit les vues communes aux parties sur le sens des termes ». » * 217 217 Ibid, p.49. * 218 218 Ibid. * 219 219 Ibid, p. 50. * 220 220 Ibid, p. 62. « Le traité ne se situe pas dans le vide, il s'insère dans l'ordre juridique international et il en dépend. Dès sa conclusion jusqu'à son extinction le traité est « régi par le droit international ». La volonté étatique dont il est l'émanation s'exprime dans le cadre et à la lumière de ce droit tel qu'il existe à l'époque de la conclusion du traité. Aussi est-il juste de faire appel au droit international en vigueur à cette époque pour préciser le sens et déterminer la portée que le traité avait lors de sa conclusion. Mais l'évolution du droit international peut avoir un effet sur le droit international ; des règles nouvelles peuvent étendre ou restreindre les dispositions, elles peuvent même mettre fin à ces dispositions ou à certaines d'entre elles. Le traité peut donc ne peut pas être, au moment de son interprétation, ce qu'il était au moment de sa conclusion. Or, si interpréter n'est pas modifier, l'interprétation doit quand même tenir compte de toute modification dont le texte à interpréter pourrait être l'objet. D'où la nécessité, pour interpréter le traité, de l'examiner à la lumière du droit international au moment de cette interprétation. L'interprète a donc tout d'abord pour tâche de déterminer le traité tel qu'il est au moment à ce moment là, à moins naturellement que l'objet de l'interprétation dans le cas d'espèce ne soit le traité tel qu'il a été conçu au moment de sa conclusion. » * 221 221 Ibid. * 222 222 Makhlouf, ibid, p. 34. * 223 223 Jestin (K) « Vers un renforcement de l'arbitrage comme mode de résolution des conflits en droit fiscal ? Analyse comparée France-Etats-Unis », jurisdoctoria, n°2, 2009, p. 73. http://www.jurisdoctoria.net/pdf/numero2/aut2_JESTIN.pdf * 224 224 Grosjean Legrand (M) « De l'Alternative dispute resolution aux modes alternatifs de règlement des conflits ? Etude comparée », mémoire de recherches, Université Lyon II Lumière, 2005, p.3. http://www.village-justice.com/articles/IMG/pdf/Memoire_ADR_MARC.pdf * 225 225 Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, ibid, p. 40. * 226 226 Manual on effective mutual agreement procedures, annexe 3- MEMAP Glossary, OECD, 2007, p. 51. http://www.oecd.org/dataoecd/19/35/38061910.pdf * 227 227 « Selon la définition de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) les prix de transfert sont « les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. » Ils se définissent plus simplement comme étant les prix des transactions entre sociétés d'un même groupe situées et résidentes d'Etats différents : ils supposent des transactions intragroupes et le passage d'une frontière. Il s'agit finalement d'une opération d'import-export au sein d'un même groupe, ce qui exclut toute transaction à l'international avec des sociétés indépendantes ainsi que toute transaction intragroupe sans passage de frontière. Les entreprises sont concernées non seulement pour les ventes de biens et de marchandises, mais également pour toutes les prestations de services intragroupes : partage de certains frais communs entre plusieurs entreprises du groupe (frais d'administration générale ou de siège), ou mise à disposition de personnes ou de biens, redevances de concession de brevets ou de marques, relations financières, services rendus par une entreprise du groupe aux autres entreprises... Les prestations de service non rémunérées et les mises à disposition gratuites de personnel ou d'éléments incorporels entre entreprises associées sont également concernées s'il s'avère qu'elles auraient dû être rémunérées, conformément au principe de pleine concurrence. », « Les prix de transfert Guide à l'usage des PME », DGI, ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 2006, p.6. http://www.lexisnexis.fr/pdf/DO/transfert.pdf. M. Gharbi donne une définition étroite des prix de transfert, elle est dans sa teneur « la délocalisation des bénéfices, au moyen d'un transfert indirect de bénéfices d'une entreprise d'un Etat à haute pression fiscale vers un Etat de moindre pression fiscale. Ce transfert indirect de bénéfices se réalise généralement par le biais de la technique dite des « prix de transfert ». », Gharbi, op cit, p. 19. * 228 228 L'article 9 (2) du Modèle de l'OCDE dispose « Lorsqu'un Etat inclut dans les bénéfices d'une entreprise de cet Etat- et impose en conséquence- des bénéfices sur lesquels une entreprise de l'autre Etat contractant a été imposée dans cet autre Etat, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par l'entreprise du premier Etat si les conditions convenues entre les deux entreprises avaient été celles qui auraient été convenues entre des entreprises indépendantes, l'autre Etat procède à un ajustement approprié du montant de l'impôt qui y a été perçu sur ces bénéfices. Pour déterminer cet ajustement, il est tenu compte des autres dispositions de la présente convention et, si c'est nécessaire, les autorités compétentes des Etats contractants se consultent. », ibid, p. 30. * 229 229 Züger (M) « Arbitration under Tax Treaties : Improving Legal Protection in International Tax Law », IBFD, doctoral series, n°5, 2OO1, p.11. http://books.google.com/books?id=8aQW6TlMaWEC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false * 230 230« Le concept d'impérium est difficile à définir. Il demeure dans sa formulation latine car sa traduction serait trop périlleuse tant il est il est polysémique. Ce qu'il faut retenir ici c'est une acception large du terme impérium au sens de pouvoir d'imposer que l'on retrouve alors chez le juge comme chez l'arbitre. Peut-être serait-il plus convenable de parler de pouvoir juridictionnel, toutefois ce n'est pas la solution qui sera admise car ce qui sera mis en exergue dans ces développements, ce n'est pas tant la recherche par les utilisateurs de MARC d'un traitement en dehors d'une juridiction au sens d'institution, d'organe « ayant l'aptitude à rendre des décisions de justice (tribunal, cour, conseil) » mais la résolution amiable, négociée, bref non imposée, de leur différend. », Grosjean Legrand, op cit, p. 50. * 231 231 Ibid. * 232 232 Ibid, p. 51. * 233 233 Ibid. * 234 234 Ibid. * 235 235 Züger, op cit, p. 11. |
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