7.3.2. Facteurs influençant l'allocation de la
main-d'oeuvre salariée
+ Spéculation
Dans l'optique de voir si l'utilisation de la main-d'oeuvre
salariée est conditionnée par la culture cotonnière,
l'hypothèse selon laquelle les producteurs de coton utilisent plus de
main-d'oeuvre salariée que les non producteurs de coton a
été testée. Pour tester cette hypothèse, le calcul
de la quantité de main-d'oeuvre (Homme-jour) engagée par chaque
groupe de producteurs était nécessaire. Ce calcul a
été fait à l'aide du tableau de conversion de Norman en
équivalent-homme des temps de travaux (voir tableau n°25).
Tableau n°25 : Equivalent-homme des
temps de travaux
Opérations culturales
|
Hommes
|
Femmes
|
Enfants Hommes et Femmes
|
|
(15 - 64 ans)
|
(15 - 64 ans)
|
(7 - 15 ans)
|
65 ans
|
Préparation de la terre
|
1
|
0,75
|
0,5
|
0,5
|
Semis
|
1
|
1
|
1
|
0,5
|
Sarclage
|
1
|
0,75
|
0,5
|
0,5
|
Récolte
|
1
|
1
|
0,5
|
0,5
|
Source : Coefficient de Norman à
nos observations de terrain juillet - septembre 2005
Le calcul des superficies emblavées pour les
différents groupes montre qu'il y a une grande différence entre
les superficies emblavées par les producteurs de coton (312,18ha) et les
non producteurs de coton (151,47ha). Ceci nous a conduit à ramener la
quantité de maind'oeuvre salariée utilisée par chaque
producteur à la superficie qu'il a emblavée. Pour ce faire nous
avons retenu la formule suivante :
qi
sc + sac
qi = la quantité de main-d'oeuvre salariée
exprimée en homme-jour.
sc = la superficie (ha) emblavée pour la culture de
coton.
sac = la superficie (ha) emblavée pour les autres
cultures.
Le test t de Student réalisé pour comparer les
moyennes au niveau des deux groupes présentent les résultats du
tableau ci-après.
Tableau n°26 : Résultats du
test t de Student
Moyenne différence ddl t (Student)
(homme-jour) moyenne
Producteurs de coton 26,77 (#177; 30,92)
5,52 44 1,197 (ns)
Non producteurs de coton 21,25 (#177;26,44)
Source : Données de
l'enquête de terrain juillet - septembre 2005 ( ) = écart type ns
= n'est pas significatif
9 Boisson obtenue à partir de la distillation du vin de
palme
De l'analyse de ces résultats, il ressort qu'il n'y a
pas une différence significative entre la quantité de
main-d'oeuvre salariée utilisée par les producteurs de coton et
les non producteurs de coton.
Ce constat est le fait de plusieurs raisons. Les
ménages producteurs de coton disposent plus d'actifs agricoles dans leur
ménage (cf. tableau n°13). Ceci est confirmé par l'analyse
de variance réalisée (ANOVA) pour comparer le nombre d'actifs
entre les catégories de producteurs.
Tableau n°27 : Résultats du test
ANOVA
Nombre moyen ddl F (Fisher)
d'actif
Cotonculteurs 4,08 (#177; 3,15)
1 3,945**
Non cotonculteurs 3,15 (#177; 1,49)
Source : Données de
l'enquête de terrain juillet - septembre 2005 ( ) = écart type
** = significatif au seuil de 5%
Aussi, le ratio S/W des producteurs de coton est-il
supérieur (cf. tableau n°13) à celui des non producteurs de
coton. Cela voudrait dire que les actifs des ménages producteurs de
coton travaillent plus que ceux des ménages qui ne cultivent pas le
coton.
De plus en plus, les paysans non producteurs de coton se
retournent vers la culture du soja. Le prix parfois élevé (cf.
tableau n°10) du produit et sa courte durée de cycle production
(3,5mois) par rapport au coton (4 mois) encouragent certains producteurs
à adopter cette culture. Les paysans considèrent le soja comme
étant un fertilisant, il faut alors bénéficier de ses
arrières effets pour un bon rendement des autres cultures surtout
vivrières. Ils pensent aussi que ses feuilles constituent un bon
fourrage pour les animaux. Or, il est établi par Bonnefond et al.
(1984), puis Napporn (1991) cités par Aho et Kossou (1997) que le
soja nécessite la même quantité de main-d'oeuvre que le
coton de la préparation du sol jusqu'à la
récolte. Ceci justifie également le fait que la
différence de moyenne entre les quantités de main-d'oeuvre
salariée utilisées par les deux groupes ne soit pas
significative.
Le choix de l'utilisation de la main-d'oeuvre salariée,
pour les travaux dépend d'un certain nombre de facteurs qui ne sont pas
liés à la culture du coton. Une estimation de la fonction de
production pourrait bien lever l'équivoque.
+ Statut socio-économique du
ménage
Comprendre les facteurs qui interviennent dans l'allocation de
la main-d'oeuvre salariée pour lever ses contraintes est
nécessaire. Connaître ces facteurs permettra aux chercheurs de
comprendre les relations entre ouvriers et producteurs.
En effet, Houngbo (1996) pense que la quantité de
main-d'oeuvre investie sur une parcelle par un ménage dépend
entre autre facteur : la taille du ménage, le nombre de personnes
travaillant réellement, le temps de travail de chaque membre sur la
parcelle, la capacité physique (état de santé) de chaque
membre, l'existence et la disponibilité des activités agricoles.
Pour Biaou (1995), l'utilisation de la main-d'oeuvre salariée est
liée à deux facteurs : la disponibilité financière
et l'existence d'une contrainte de main-d'oeuvre due surtout à
l'allocation de la main-d'oeuvre pour d'autres activités peut-être
plus rémunératrices (activités extra-agricoles et
para-agricoles).
Pour mettre en exergue ces facteurs, l'hypothèse
testée est la suivante: la quantité de main-d'oeuvre
salariée investie sur une parcelle est positivement influencée
par le statut socioéconomique du ménage. Le statut
socio-économique du ménage est identifié par rapport
à un certain nombre de facteurs propres au producteur, liés
à la parcelle et liés à la main-d'oeuvre salariée.
L'analyse de régression est utilisée pour tester
l'hypothèse.
1' Modèle théorique
Dans la formulation du modèle d'analyse, les variables
retenues pour chaque groupe de facteurs sont les suivantes :
- les facteurs propres au producteur : sexe, âge, niveau
d'instruction, taille du ménage, principale activité du chef de
ménage, revenu du ménage, l'origine et le hameau ;
- les facteurs liés à la parcelle : superficie
totale emblavée ;
- les facteurs liés à la main-d'oeuvre
salariée : disponibilité ou non de la main-d'oeuvre
salariée.
Le modèle théorique est le suivant :
Y =F (SEX, AGE, ORIG, NINTRU, TAILM, PRIACTIV, REV,
SEBLA, DISMOS, HAM)
Y : est la quantité de main-d'oeuvre
salariée investie sur un champ par un paysan. C'est une variable
continue exprimée en homme-jour.
SEX : elle est mesurée au niveau binaire
et se rapporte au sexe du chef de ménage. Elle prend la valeur 0 si
c'est une femme et 1 si c'est un homme.
AGE : elle est ordinale et se rapporte à
l'âge du chef de ménage. Elle prend la valeur 0 si l'âge est
compris entre 20 et 44 ans, 1 si 45 à 64 ans et 2 si supérieur
à 64 ans.
HAM : c'est une variable ordinale qui
désigne le hameau. Elle prend la valeur 0 si c'est Tèzounkpa, 1
si c'est Asségon et 2 si c'est Kindogon.
ORIG : elle indique les relations de
parenté qui lient le chef de ménage et le gohonon. L'autochtone
sera dans ce cas celui qui a le même ancêtre (père fondateur
du hameau) que le gohonon. Tous les autres seront considérés
comme des allochtones. Elle est une variable binaire et prend la valeur 0 si
c'est un allochtone et 1 si c'est un autochtone.
NINTRU : c'est le niveau d'instruction du
chef de ménage. C'est une variable mesurée au niveau ordinal.
Elle prend la valeur 0 si le chef de ménage est analphabète, 1
s'il est instruit jusqu'à un niveau primaire et 2 s'il est instruit
jusqu'à un niveau secondaire.
TAILM : c'est la taille du ménage. Elle
est continue.
REV : cette variable continue qui indique le
revenu annuel du ménage. Il est exprimé en francs CFA.
SEBLA : c'est la superficie totale
emblavée par un ménage. C'est une variable continue
exprimée en ha.
DISMOS : c'est la disponibilité de la
main-d'oeuvre salariée. C'est une variable ordinale qui prend la valeur
0 si non disponible, 1 si moins disponible et 2 si plus disponible.
PRIACTIV : elle désigne la principale
activité du ménage. C'est une variable binaire. Elle prend la
valeur 0 si c'est l'agriculture et 1 si c'est une autre activité.
Deux formes fonctionnelles ont été estimées.
Celle dite semi-log et celle dite double log de Cobb-Douglas.
- Forme semi-log :
Y = áo + á1 SEX + á2AGE + á3ORIG +
á4NINTRU + á5 lnTAILM + á6PRIACTIV + á7 lnREV +
á8 lnSEBLA + á9 DISMOS + á10 HAM + e1
- Forme double log
lnY = âo + â1 SEX + â2AGE + â3ORIG +
â4NINTRU + â5 lnTAILM + â6PRIACTIV + â7 lnREV +
â8 lnSEBLA + â9 DISMOS + â10 HAM + e2
Dans ces deux modèles e1 et e2 désignent les termes
d'erreurs, áo et âo sont les termes constants et ái et
âi sont les paramètres de régression à estimer.
Selon Cobb-Douglas, les âi peuvent être
interprétés comme les élasticités du produit par
rapport aux facteurs correspondants. L'estimation des paramètres
ái et âi est faite par la méthode de « stepwise
». Seules les variables significatives à au moins 5% qui sont
retenues dans le modèle.
v' Résultats empiriques
Le test de signification des deux modèles prouve que
ceux-ci sont globalement significatifs et ceci au seuil de 1 %. Toutefois les
résultats économétriques montrent que le coefficient de
détermination ajusté (R2 ajusté) est de 45,95% pour le
modèle semi-log et 62,21% pour le modèle double log. Dans le
premier modèle, les 45, 95% de la variation de la main-d'oeuvre
salariée sont expliqués par les variables explicatives incluses
dans le modèle tandis que 62,21% des variables de la quantité de
main-d'oeuvre salariée sont imputables aux variables explicatives dans
le modèle de Double log. Pour ce faire, nous préférons
utiliser la forme log-log pour faire nos analyses. Le modèle obtenu est
présenté dans le tableau n°28.
Tableau n°28 : Résultats de
la régression multiple
Variable dépen- Variables explicatives
dante SEX AGE NINTRU HAM lnREV lnTAILM lnSEBLA C R2
F
Y -0,939 0,998 0,342 0,360 0,314 0,283 0,849
4,25 62,21% 11,38*
(-2,20)** (2,79)*
(1,99)* (2,22)* (1,99)**
(-1,20)ns (3,71) **
(2,21)**
Source : Données de
l'enquête de terrain juillet - septembre 2005
( ) = statistique de t
(ns) = n'est pas significatif
* = significatif au seuil de 1%
** = significatif au seuil de 5%
Au total, l'origine, la principale activité du
ménage, la taille du ménage, la disponibilité de la
main-d'oeuvre salariée n'influencent guère l'allocation de la
main-d'oeuvre salariée.
Le sexe, l'âge, le niveau d'instruction du chef de
ménage ainsi que le revenu, la superficie emblavée et le hameau
du ménage sont les facteurs qui déterminent à des
degrés donnés l'allocation de la main-d'oeuvre
salariée.
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