7.1.2. Stratégies de type « non marchand
»
+ Polygamie
En agriculture traditionnelle, lorsqu'on parle du facteur de
production travail, la main- d'oeuvre familiale est le plus important.
Le plateau d'Abomey, du point de vue historique s'est
illustré, par la royauté qui le caractérise. Avoir
beaucoup de femmes était signe de prestige et de puissance. On
conçoit beaucoup d'enfants dans le but d'agrandir sa
collectivité, mais également pour assurer la production agricole
dans la mesure où, cette production devrait servir à nourrir non
seulement la famille, mais aussi le roi et sa suite.
33,67% des ménages enquêtés sont
polygames. Seulement 20 % des ménages enquêtés pensent
qu'il s'agit d'une stratégie de mobilisation de la main-d'oeuvre. On
retrouve au sein de cette catégorie les ménages âgés
qui représentent 30%, les ménages au milieu du cycle qui
constituent 45% et les ménages jeunes qui représentent 25%. Pour
les ménages âgés et ceux du milieu du cycle, il s'agit
là de l'attachement aux valeurs ancestrales. Un paysan nous a
déclaré :
Encart n°3
Ma mère était la 7ème
femme de mon père, et je suis le 4ème enfant de ma
mère. De tous les enfants de mon père, j'ai été le
seul à lui rester fidèle, c'est cela qui justifie d'ailleurs le
fait que j'ai hérité plus de terre que mes frères
aînés après sa mort. Aussi, très tôt je me
suis occupé de mes jeunes frères et soeur, aussi bien ceux issus
de ma mère que ceux issus des autres femmes de mon père.
Aujourd'hui grâce à moi, ils ne sont pas des délinquants ;
et si mon père n'était pas polygame ?
Voilà qui justifie bien le comportement des paysans. Dans
le cas des chefs de ménage jeunes qui s'adonnent à cette
stratégie, plusieurs raisons justifient ce comportement. On note
deux aspects de la question. Le premier aspect est celui
développé plus haut, les jeunes veulent être à
l'image de leur père. Le deuxièmement aspect est que certains
jeunes sont contraints d'épouser leurs marâtres après le
décès de leur père. C'est ainsi que très jeunes,
des producteurs sont contraints d'avoir plusieurs femmes. Un cas très
illustratif est celui d'un jeune de 33 ans à Tèzounkpa qui a 6
femmes dont 4 sont ces marâtres.
Cependant, la question de la survie de cette stratégie
reste posée. Dans cette forme d'accumulation, les jeunes actifs
agricoles du ménage sont assujettis. Ils sont contraints de travailler
uniquement dans le champ de leur père. Un jeune rencontré lors de
nos enquêtes nous a confié « mon père, il
m'utilise exagérément, je n'ai droit qu'au manger alors que mes
copains s'achètent des chaussures, des pantalons. Alors de temps en
temps, je laisse tomber le champ de mon père à son insu pour
aller faire le salariat ». Ce fait aura des inconvénients sur
la production du chef de ménage.
Dans un autre registre, face à la christianisation
très poussée de la région, plusieurs jeunes optent pour la
monogamie en conformité avec les perceptions de leur croyance
religieuse. Pour ces deniers, un enfant ne doit pas être maltraité
et la vie coûte chère pour qu'on se permette d'en avoir beaucoup.
La scolarisation des enfants est également un facteur qui
décourage les partisans de cette stratégie.
+ Appartenir à un groupe d'entraide
Les groupes d'entraide constituent une stratégie pour
le paysan de disposer d'une main-d'oeuvre importante pour l'exécution
des travaux agricoles dans un délai réduit. Cette
stratégie est développée par 22,22% de la population
enquêtée. Elle est une forme de motivation des paysans au moment
de la réalisation des travaux champêtres. Les paysans estiment que
seul au champ, on est ennuyé et vite gagné par la paresse alors
qu'entre copains on se dit des blagues et on ne voit pas le temps passé.
Ce qui est intéressant dans cette stratégie est qu'elle oblige
tous les participants à exercer la même intensité de
travail.
Les résultats du sous titre 6.1.2 montrent que
l'utilisation de l'entraide comme stratégie de mobilisation de
main-d'oeuvre diminue des ménages jeunes aux ménages
âgés. Biaou (1995) a abouti à la même conclusion dans
ces études sur le plateau Adja
|