Le syndic et le liquidateur judiciaire 29peuvent
voir leur responsabilité civile engagée en cas de faute dans
l'exercice de leur fonction. Ces fautes de gestion résultent soit d'un
défaut de surveillance, d'une négligence, d'une imprudence ou
encore d'un dépassement de pouvoirs.
Cette action en responsabilité repose sur le principe
de l'obligation de gestion de l'activité "en bon père de
famille.". C'est-à-dire que la gestion doit être faite avec
prudence et diligence. En général, la responsabilité du
liquidateur résulte d'une négligence, d'un défaut de
surveillance dans la gestion du débiteur qui reste à la
tête de l'entreprise. Celle du syndic représentant le
débiteur, résulte en général, de l'exercice de ses
fonctions sans conformité avec les règles prévues à
cet effet. C'est l'exemple d'un syndic qui transige ou renonce à un
droit donné sans l'autorisation du juge commissaire.
Toutefois, pour que leur responsabilité soit
engagée, il faut qu'une faute personnelle précise soit retenue
contre eux. La jurisprudence a une tendance très marquée à
retenir la responsabilité 30personnelle du syndic ou du
liquidateur lorsque les créanciers de la masse ne peuvent se faire
payer. Il en est ainsi, lorsque pendant la continuation de l'activité,
le débiteur --assisté- génère des créances
à l'issue d'actes de gestion dépassant les pouvoirs que lui
confère la loi.
Dans certains cas, le liquidateur pourra voir sa
responsabilité engagée car il a le devoir de surveiller non
seulement la comptabilité de l'entreprise mais aussi la gestion de cette
dernière. Sur ce point, il a été jugé qu'un
administrateur au règlement judiciaire, (équivalent du
liquidateur dans la liquidation judiciaire en droit positif ivoirien) a fait
preuve d'une imprudence prolongée en laissant une société
débitrice continuer son activité commerciale sans avoir jamais
demandé au tribunal d'y mettre fin alors que l'exploitation était
sans issue. Le liquidateur ne doit donc pas se borner à attendre que lui
soit délivrée une autorisation
29 La sanction appliquée au débiteur est
l'inopposabilité à la masse des actes qu'il aurait passés.
Ces actes demeurent valables entre lui et ses cocontractants.
30 Cass., com. ,1er Sept., 1967, R.T.D. com. ,1968. 397, voir
aussi cass., com., 25 janv. ,1971, D., 1971 ,Somm., 105; Dijon, 15 oct., 1971,
R.T.D. com., 1973. 373, n°37, obs., HOUIN, l'aliénation des
immeubles pendant la période préparatoire.
préalable à la surveillance mais doit assurer
exercer une surveillance effective sur les actes et les répercussions
financières des actes passés par le débiteur.
En d'autres occasions, la cour de cassation a
31refusé de retenir cette responsabilité, lorsque le
syndic a pris la précaution d'informer les fournisseurs de la situation
réelle du débiteur et qu'en dépit de ce fait, ceux ci ont
contracté avec le débiteur.
Commentant cet arrêt, le Pr. DERRIDA souligne que cette
décision doit rassurer les syndics et liquidateurs qui, -en raison de la
sévérité manifestée à leur égard par
les tribunaux- sont systématiquement hostiles à une continuation
de l'exploitation par le débiteur lui-même, lui
préférant une location gérance qui n'est pas toujours
possible. Ainsi, lorsque le syndic prend la précaution d'informer les
fournisseurs habituels de la situation du débiteur, leur prescrivant
même d'exiger des paiements comptants, aucun reproche ne peut lui
être adressé.
Il est vrai que malgré ces précautions, le
débiteur peut, à l'insu du liquidateur souscrire des contrats
auprès de nouveaux fournisseurs et obtenir un crédit
immérité. Dans ces hypothèses, la responsabilité du
liquidateur ne pourra être engagée car ces fournisseurs auraient
dû se renseigner sur ce nouveau client qu'est le débiteur. En
réalité, une surveillance active et régulière
permet le plus souvent au liquidateur de découvrir ces activités
occultes.
Et, à supposer que le débiteur parvienne
à les lui dissimuler, aucune faute ne pourra lui être
imputée. Les actes que le débiteur aura accomplis à son
insu seront valables entre lui et ses cocontractants mais, seront inopposables
à la masse.
En définitive, ce qu'on attend du liquidateur, c'est
d'informer de façon précise les tiers qui traiteraient avec le
débiteur et par dessus tout, une surveillance suffisante de
l'activité de ce débiteur pour qu'il y soit mis fin le plus
tôt possible par les autorités judiciaires, avant que celle ci ne
devienne déficitaire.
Dans un arrêt du 23 Février 1972,32 la
cour d'Appel de Colmar a exonéré
31 Cass.,com., 2 Juillet 1974 ,D.,S. ,1975, P.
DERRIDA
32R.T.D. Com., 1973,
375, n°38
un administrateur (liquidateur en droit positif ivoirien) de
toute responsabilité. Il résulte des faits de cet arrêt,
qu'un débiteur avait- sans autorisation- repris son activité et
loué du matériel à une entreprise. par la suite, ce
débiteur n'a pu payer ses dettes. Aussi l'entreprise a-t-elle traduit
l'administrateur en justice pour défaut de paiement des dettes du
débiteur. Cette entreprise reprochait à l'administrateur d'avoir
manqué à sa mission de contrôle et de surveillance en
laissant le débiteur reprendre son activité. La cour d'Appel a
rejeté cette demande et constaté:
*Qu'il s'agissait d'une activité nouvelle et non pas de
la continuation de l'ancienne activité;
*Que l'exercice du devoir de surveillance se faisait dans
l'intérêt de la masse.
En l'espèce, le loueur de matériel ne faisait
par partie de la masse parce que sa créance résultait d'une
activité nouvelle. Cet arrêt vient marquer les limites du devoir
de surveillance du liquidateur.
En effet, le liquidateur n'a l'obligation d'agir que dans
l'intérêt de la masse. Il n'a pas à protéger les
tiers qui eux sont en principe informés de la situation du
débiteur par la publicité donnée au jugement
déclaratif. Si le débiteur entreprend une activité
nouvelle, le liquidateur n'a pas à les prévenir des dangers
qu'ils encourent en contractant avec le débiteur.