La conclusion d'un contrat de location-gérance
nécessite que soient remplies certaines conditions relatives au bailleur
et au locataire-gérant.
conditions relatives au bailleur ont été
assouplies et celles relatives aux garanties et à l'indépendance
du locataire-gérant ont été renforcées.
A - Assouplissement des conditions relatives à
la durée d'exploitation du bailleur
La location-gérance est un mode de gestion
exceptionnel, par rapport à la gestion directe exercée par le
syndic ou le débiteur assisté du liquidateur. Ce caractère
exceptionnel résulte du fait que, contrairement à la gestion
directe faite au nom et pour le compte de la masse, la gestion indirecte est
effectuée par une tierce personne, physique ou morale. En
général, on n'y a recours lorsque l'exploitation directe
paraît extrêmement difficile, voire impossible. Les conditions de
droit commun relatives à la durée d'exploitation de
l'activité du bailleur seront aménagées tant en droit
positif que dans le projet OHADA, lorsque le bailleur est en cessation de
paiement.
En droit commun, la location d'un fonds de commerce n'est
possible que si le propriétaire :
- a été commerçant pendant cinq
années ou a exercé pendant une durée équivalente
les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique ;
- a exploité pendant deux années au moins en
qualité de commerçant le fonds mis en gérance.
Le bailleur doit donc avoir exercé pendant sept ans
son activité avant de pouvoir mettre son fonds de commerce en
gérance. Ce long délai ne va pas sans créer de
difficultés. En effet, cette condition ne favorise guère la mise
en gérance des entreprises, c'est pourquoi l'article 9 de la Loi de 1972
en a restreint le champ d'application, en décidant que les conditions
relatives à la durée d'exercice de la profession et à la
durée d'exploitation ne s'appliquent pas à la location-
gérance passée par des mandataires de justice chargés
d'administrer un fonds de commerce.
Désormais, un commerçant en cessation de
paiements ayant exercé ou exploité son activité pendant un
délai inférieur à 7 ans pourra donner son fonds de
commerce en gérance libre. Le projet OHADA, abondant dans le même
sens que le droit positif ivoirien stipule en son article 115 al 4 que les
conditions de durée d'exploitation du
fonds de commerce par le débiteur pour conclure le
contrat de location gérance ne reçoivent pas application.
Ces aménagements sont la manifestation du désir de
sauvetage des entreprises par le législateur.
Si les conditions relatives au bailleur ont été
aménagées, il n'en n'est pas ainsi en ce qui concerne le
locataire gérant. Les conditions relatives à ce dernier ont
été renforcées par rapport au droit commun de la location
gérance.
Le locataire-gérant doit présenter des garanties
ou avoir une indépendance vis-à-vis de la masse. Les tribunaux
apprécient avec beaucoup de rigueur ces conditions.
1 - Les garanties offertes par le
locataire-gérant
Cette condition n'est pas expressément prévue
par le code de commerce et la Loi Ivoirienne de 1972 précitée.
Cependant, elle doit être sous entendue car, les tribunaux ne peuvent
décider d'un acte aussi grave sans prendre de précautions et
exiger des garanties de la part du locataire-gérant.
Le projet OHADA va expressément stipuler les
conditions relatives à ces garanties en son article 115 al 3 qui dispose
que le locataire gérant doit présenter des garanties suffisantes
ou une indépendance à l'égard du débiteur
représenté par la masse. Ces mesures, inspirées du droit
français en vigueur ont été reprises dans le projet OHADA,
pour éviter le renouvellement des errements anciens dans lesquels le
locataire --gérant n'était que le prête-nom du
débiteur.
Ce dernier, sous la couverture du contrat de location continuait
ses opérations commerciales.33
La notion de garantie a été
précisée par la jurisprudence et la doctrine
française. Selon M. F. SOINNE - BARRAT34,
les garanties qu'offre le preneur ou locataire doivent indiscutablement exister
à l'égard de la masse des créanciers. Cette garantie
à l'égard de la masse est fonction de la nature du contrat en
présence. Selon cet auteur, si le contrat ne met à la disposition
du gérant aucun bien fongible, s'il n'y a aucune vente à terme du
stock, il n'y a aucun risque de dépréciation du fonds de commerce
par le gérant.
Il est certain dans ce cas que le risque encouru est infime,
celui ci se situant simplement au niveau du paiement de la redevance. Par
contre, si les redevances sont payables après un certain délai,
si les stocks sont vendus avec un prix payable à terme, il se pose la
question de la solvabilité et de la crédibilité du
gérant.
Avant la location-gérance, le preneur doit
présenter des signes de solvabilité et de
crédibilité pour que la masse puisse lui faire confiance.
2 - L'indépendance du locataire-gérant
Ce principe est posé par l'article 115 al 3 de l'acte
uniforme qui stipule que "lorsque le locataire-gérant n'offre pas de
garanties suffisantes, il peut, au contraire présenter une
indépendance suffisante à l'égard du débiteur ".
Cette indépendance signifie que le locataire-gérant doit se
distinguer du débiteur et exercer son activité en son nom propre
et à ses risques et périls. Il ne doit, en aucun cas, exercer son
activité sous le couvert du débiteur.
La jurisprudence française 35 a admis
l'idée selon laquelle les créanciers faisant partie de la masse
peuvent participer à la gérance de l'entreprise dans une
société d'exploitation parce que la lecture de l'article 27 de la
Loi française du 13 juillet 1967 (équivalent de l'article 115 al
3 du projet OHADA) n'impose au juge, que la seule vérification de
l'indépendance du preneur au regard du débiteur. Cette
jurisprudence pourrait inspirer le Juge Ivoirien dans l'application future du
projet OHADA, en raison de la similitude de textes. Le principe de
l'indépendance aura pour
34 Dalloz 1974, 44° cahier, chronique XLXI, page
62 à 65
35 Tribunal de grande instance de Bethune, jugement
inédit du 6 février 1974, in M. F., SOINNE-BARRAT: Les conditions
de la location gérance dans les procédures collectives
d'apurement du passif, Dalloz 1974, chronique XLXI, page 62.
conséquence que le débiteur ne pourra exercer
aucune fonction de direction dans une entreprise qui se proposerait de prendre
le fonds de commerce.
Nous pouvons citer à titre d'exemple, les fonctions
d'administrateur et de Président Directeur général s'il
s'agit d'une société anonyme, ou des fonctions de gérant
s'il est question d'une société à responsabilité
limitée. Dans ces hypothèses, la charge de la preuve incombe
à ceux qui invoquent le caractère dépendant de
l'éventuelle gérance. 36
Il semble même qu'il faille aller plus loin en affirmant
la nécessité d'écarter toute proposition émanant
d'entreprises dans lesquelles le débiteur possède directement ou
par personnes interposées des intérêts importants. Ce fut
le cas dans un arrêt de la cour de cassation37 où, a
été qualifié d'irrégulier et inopportun, un contrat
de location-gérance conclu au profit de l'un des créanciers; de
même que la gérance exercée par une société
d'exploitation à constituer. Dans ce cas, le créancier reprenait
le stock à un prix non précisé et moyennant des paiements
échelonnés devant être effectués à des dates
non indiquées. La cour a estimé que le manque de précision
du prix et des dates de paiement ne permettait pas de déterminer quel
serait le véritable preneur et si celui ci offrirait les garanties et
l'indépendance suffisantes à l'égard du
débiteur.
La rupture de l'égalité entre créanciers
viendrait du défaut de détermination du prix qui créerait
un avantage au profit de ce créancier et au détriment des
autres.
L'appréciation de cette condition
d'indépendance se fait par les tribunaux en fonction des
modalités contractuelles en présence. Lorsque ces conditions sont
réunies, le contrat de location-gérance est conclu.
La durée de cette exploitation n'est pas
expressément fixée par le droit positif actuel. Cependant, nous
pensons que celle-ci sera fonction de l'existence ou non d'un concordat.
Lorsqu'un concordat a été conclu, l'exploitation sous forme de
gérance libre durera jusqu'à la fin de la continuation de
l'exploitation.
36 M. F.SOINNE- BARRAT, article précité, in Dalloz
1974, chronique XLXI, p. 63
37 Cour de cassation, 15 Décembre 1971,
J.C.P., 1972, N° 17284, note DELPECH
Si le concordat n'est pas formé, la gérance libre
pourra durer autant que les circonstances et l'intérêt des
créanciers et du débiteur le permettent.
Le projet OHADA va préciser cette durée. Selon
l'article 115 al 5 de l'acte uniforme sur les procédures collectives, la
location-gérance est fixée sur deux ans au maximum. Cette
période peut être renouvelée et durer au-delà de
deux ans si le locataire-gérant satisfait à ses obligations et ne
c o m p r o m e t p a s l e s i n t é r ê t s d e l a masse e t d
u d é b i t e u r . Cette périodicité a été
fixée comme moyen de contrôle de l'activité du
locataire-gérant.
Au total, toutes les fois qu'il apparaît que cette
indépendance n'est pas réalisée, la gérance doit
être écartée. Ce sera le cas, s'il apparaît que le
gérant est en fait l'homme de paille du débiteur.
Le contrôle s'exerce également sur les effets de la
location-gérance.