Les actes de disposition sont des actes comportant transmission
de droits pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur du patrimoine.
Cette possibilité de réduction du patrimoine a
suscité de nombreuses questions relatives à l'opportunité
d'accomplir de tels actes pendant la continuation de l'exploitation.
C'est surtout à propos des ventes mobilières et
immobilières que des réserves ont été
émises. Au delà de ces ventes, c'est le sort des biens du
débiteur pendant la continuation de l'exploitation qui pose de nombreux
problèmes.
Ceci, parce que le législateur de 1807 n'a pas
expressément, du moins, fixé de
19 Cour suprême d'Abidjan, 08 Novembre 1974, R.I.D.
1975, I et II, P. 40, n° 3 Voir également, C. A., Abidjan, 08
Juillet 1977, R. I. D., III-IV, Page 164, n°470 Nancy, 26 Juin 1896, Gaz.,
Pal., 1896. 2. 520
Nancy, 26 Juin 1896, D. 1898, I, 559I
manière intégrale le régime précis
auquel doivent être soumis ces biens. Cette situation provoque un
embarras chez les praticiens.20
Si certaines dispositions fixent le sort des meubles, en
revanche, aucune ne concerne l'aliénation des immeubles.
Seuls traitent de cette question les articles 571 à
573 du code de commerce. Cependant, ils n'envisagent la liquidation des
immeubles qu'après l'union des créanciers.
1 - Les ventes mobilières
Le principe de l'aliénation des biens mobiliers a
été admis par les articles 470 du code de commerce qui stipule
que «la vente aura lieu pour les objets soumis à
dépérissement ou à dépréciation imminente ou
dispendieux à conserver».
La lecture de cet article nous fait remarquer que le
législateur autorise la vente des objets qu'il est difficile ou couteux
à conserver car, il y a plus d'avantage à les vendre qu'à
les maintenir.
La cour d'appel d'Alger21 va expliciter l'article
470 précité. Selon cette juridiction, les objets susceptibles
d'être vendus sont les objets soumis à
dépérissement, c'est-àdire, ceux qui sont
périssables dans un avenir proche, tel que les produits alimentaires. Il
s'agit également de tout ce qui est sujet à
dépréciation imminente, c'est-à-dire, susceptibles de
subir une perte de valeur immédiate et certaine. Ainsi, les objets
soumis à dépréciation future ne seront pas pris en compte
et seront insusceptibles d'être aliénés. Il s'agit enfin de
tous les objets dont la conservation est couteuse, tel un véhicule
inutile à la conservation du commerce et dont les frais d'assurance et
de garage continuent à courir.
La cour fixe ainsi l'urgence et le cout de conservation comme
critères de détermination des actes susceptibles d'être
aliénés. Ainsi, ne pourront être vendus que les meubles qui
présentent de telles caractéristiques.
20 Fernand DERRIDA: L'aliénation des immeubles
pendant la période préparatoire de la faillite et du
règlement judiciaire, JCP., 1958, 10863
21 Cour d'appel d'Alger, 1er Juillet 1958, JCP.,
1958, 10863
La loi de 1889 en son article 6 et le projet OHADA en son
article 52 al. 3 admettent de telles ventes dans la liquidation judiciaire et
le redressement judiciaire.
Si aucun problème ne se pose quant à
l'aliénation des biens mobiliers soumis à
dépréciation ou à dépérissement imminente ou
encore dispendieux à conserver, l'aliénation des objets autres
que présentant ces caractéristiques a soulevé des
difficultés. Celles-ci tiennent au fait qu'étant dans une
situation délicate, l'on ne veut procéder à la vente des
seuls biens qu'il urge de vendre. L'on veut éviter que la continuation
ne soit une période de liquidation des biens du débiteur.
Le problème ne se pose pas dans la faillite car le
législateur, par une disposition expresse qu'est l'article 486 al.
1er énonce que «le juge commissaire peut, le failli
dument entendu ou dument appelé, autoriser le syndic à
procéder à la vente des effets mobiliers ou marchandises»
autres que ceux cités précédemment. La cour d'appel de
Paris22 a énuméré certains biens mobiliers et
marchandises. Il s'agit selon elle aussi bien de meubles corporels
qu'incorporels comme par exemple les droits mobiliers, les valeurs
mobilières, les effets ce commerces, les créances et même
les éléments constitutifs du droit de créance tels que le
droit au bail, l'enseigne et l'ensemble des biens du fonds. La vente de ces
biens mobiliers se fait avec l'autorisation du juge commissaire, le
débiteur présent ou dument appelé23. Ces objets
mobiliers peuvent être vendus en dehors de toute urgence lorsque cette
vente présente un intérêt pour la masse. Il en serait ainsi
lorsque l'offre de vente permettrait de tirer des biens meubles, un prix
inespéré.
C'est dans la liquidation des biens que l'aliénation de
ces biens meubles (autres que ceux dispendieux à conserver ou soumis
à dépérissement ou a dépréciation) sera
contestée.
La chambre des requêtes de la cour de cassation
française24 va rechercher une solution à ce
problème en décidant que le liquidé judiciaire peut avec
la seule assistance du liquidateur et l'autorisation du juge commissaire,
vendre amiablement toute espèce de meubles et spécialement le
fonds de commerce si cela s'avère
22 C. A. Paris, 10 Juin 1963, Dalloz 1963, somm.,
102
23 Par lettre recommandée ou par sommation
d'huissier
24 Ch., des requêtes, 21 Juin 1933, D., Hebdo,
1933, 429
opportun. Cette décision de la chambre des
requêtes est celle adoptée par l'ensemble de la jurisprudence
française antérieure au décret français de 1955
(non applicable en Cote d'Ivoire) qui appliquait à la liquidation
judiciaire les dispositions de l'article 470 du code de commerce relatif
à la faillite. Ainsi la chambre des requêtes autorise donc dans la
liquidation judiciaire, la vente des objets mobiliers autres que ceux
dispendieux à conserver, soumis à dépérissement ou
à dépréciation, au moyen de l'article 24 de la loi du 04
Mars 1889 qui rend applicable à la liquidation judiciaire les
dispositions de la faillite qui ne sont pas modifiées par les
dispositions de la loi du 04 Mars 1889 sur la liquidation judiciaire.
Cette solution de la cour est contestée par certains
auteurs tels que Fernand DERRIDA25 qui soutiennent au contraire que,
de telles ventes sont contraires à l'esprit de la liquidation
judiciaire.
Nous pensons qu'il n'y a pas lieu de s'opposer
catégoriquement à l'aliénation de tels biens car à
certains moments, elle peut s'avérer avantageuse pour la masse.
C'est le cas d'une vente effectuée dans le but de
payer certains créanciers pour alléger ou supprimer un passif
hypothécaire, en capital et intérêts26
.Cependant, de telles ventes doivent s'effectuer sous le contrôle du
liquidateur et du juge commissaire, qui selon le cas, autorisera leur vente.
Dans le projet OHADA, l'article 147 réglementant la
liquidation judiciaire stipule que «le syndic poursuit seul la vente des
marchandises et meubles du débiteur». Cette formule large semble
admettre les ventes mobilières dans la liquidation des biens, à
la différence du redressement judiciaire où, le souci de
sauvetage de l'entreprise ne permet pas que le fonds de commerce soit
déprécié ou même vendu.
2 - Les ventes immobilières
En ce qui concerne les ventes immobilières, la solution
n'est pas clairement déterminée par le code de commerce qui ne
prévoit la vente qu'après l'Union.
25 . C. A. Alger 1 er Juillet 1958, JC.P. 1958. II. 10863, note
F. DERRIDA
26 Voir dans le sens de l'admission de telles ventes,
les observations de HOUIN, Trib., Com., Seine, 5 Février 1957, R. T.
D. Com, 1957, p. 720, n° 15
Faut-il admettre la vente d'immeuble en dehors de cette
hypothèse?
Dans la faillite, la jurisprudence française
antérieure à 1955 (encore applicable en Cote d'Ivoire), permet
l'aliénation des immeubles pendant la période d'observation.
En ce qui concerne la liquidation judiciaire, la solution est
plus critique car la loi de 1889 n'y fait point référence.
Pourtant fréquentes sont en pratique les circonstances dans lesquelles
l'aliénation des immeubles permettrait de procurer les finances
nécessaires à l'exploitation de l'activité.
En effet, la vente peut procurer des fonds qui permettraient
de faire redémarrer l'exploitation suspendue pour faute de moyens
financiers. Par ailleurs, alors que l'actif peut être consistant, un
immeuble peut menacer ruine ou se déprécier rapidement. La vente
de tels immeubles serait opportune s'il n'y a pas de fonds nécessaires
à sa préparation ou à son entretien. La jurisprudence
française27 antérieure à 1960 dans sa grande
majorité en avait permis l'aliénation, suscitant ainsi
l'approbation de la doctrine dominante.28
Cette position doctrinale se fonde sur des raisons
liées à des nécessités pratiques. Pour ces auteurs,
il n'y a aucune raison de faire une distinction entre les procédures de
faillite et de liquidation judiciaire car, si l'opération est admise
pour la faillite, elle doit l'être pour la liquidation judiciaire qui est
moins grave que la faillite.
Ainsi selon ces auteurs, l'article 573 al 4 du Code de
Commerce permettrait d'aliéner les immeubles pendant la continuation de
l'activité dans la liquidation judiciaire car, une telle vente est
entourée de toutes les garanties, parce que faite en présence du
juge commissaire, du débiteur et du liquidateur.
En droit positif ivoirien, cette question trouve une
réponse dans l'article 24 de la Loi de 1889 qui rend applicables
à la liquidation judiciaire les dispositions du Code de commerce
relatives à la faillite.
27 Trib. Verniers, 31 Juillet 1902, Dalloz P., 1903.
2. 425
28 THALLER, obs.,in Douai, 08 Aout 1894, Dalloz P., 1896, 2,
1
Percerou et Desserteaux, Lyon Caen et Renault après y
avoir été hostiles, se sont déclarés favorables a
l'aliénation des immeubles pendante la période
préparatoire.
En général, la vente des immeubles se
conçoit beaucoup plus aisément dans la faillite que dans la
liquidation judiciaire. L'inquiétude des auteurs qui s'y opposent est
fondée. Faut-il pour cela considérer ces ventes comme anormales ?
Nous pensons que cela dépend des circonstances qui se présentent
au débiteur. La vente des immeubles pourrait être envisagée
s'il apparait qu'elle est de nature à générer des
avantages particuliers. Le juge commissaire devra alors exercer son
contrôle sur l'opportunité d'un tel acte. Il faut toutefois
retenir que la vente immobilière doit revêtir un caractère
exceptionnel et n'être autorisée que dans des circonstances
particulières.
Le contrôle de la gestion de l'activité
s'effectue également à travers l'obligation de rendre compte
(Paragraphe II) et la possibilité d'engager la responsabilité
civile en cas de faute des organes de gestion (Paragraphe III).