1 - Les actes de gestion courante
Le code de commerce de 1807 dans ses dispositions relatives
à la faillite ne
10 Cass., Civ., 23 Mars 1868, D., 1868. 1. 369
11 Cass., Civ., 29 Mai 1969, Bull., civ., 1969. 3.
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mentionne pas expressément l'organe compétent
pour accomplir les actes de gestion courante. Cependant, dans la mesure
où toute la gestion de l'activité est de la compétence du
seul syndic, nous pouvons déduire que ce dernier a également
compétence pour accomplir ces actes de gestion courante.
Dans la liquidation judiciaire au contraire, ce pouvoir revient
au débiteur assisté de son liquidateur.
A la différence de la liquidation judiciaire en droit
positif ivoirien, le projet OHADA va innover en matière de redressement
judiciaire et permettre au débiteur seul d'accomplir les actes de
gestion courante. En effet, l'article 52 al. 2 de l'acte uniforme relatif aux
procédures collectives stipule que «le débiteur peut
valablement accomplir seul les actes de gestion courante entrant dans
l'activité habituelle de l'entreprise conformément aux usages de
la profession».
Cette mesure est destinée à éviter la
paralysie de l'entreprise que provoquerait l'exigence de l'assistance effective
du syndic pour chacune des opérations nécessitées par l
gestion courante. Le débiteur pourra désormais effectuer des
actes de gestion courante dans le redressement judiciaire sans l'assistance du
syndic.
Dans la liquidation des biens, la lecture de l'article 53 al.
2 de l'acte uniforme sur les procédures collectives, nous permet de
déduire que l'accomplissement des actes de gestion courante est de la
compétence du syndic.
Au total, il convient de retenir qu'en droit positif
ivoirien, c'est le syndic et le débiteur assisté de son
liquidateur qui ont compétence pour accomplir les actes de gestion
courante.
Dans le projet de réforme, notamment dans le
redressement judiciaire, c'est le débiteur seul qui accomplit ces actes
de gestion courante. Toutefois, ces actes sont accomplis par le syndic dans la
liquidation des biens.
Il est toutefois regrettable de constater que ni le code de
commerce ni le projet OHADA ne définissent la notion d'actes de gestion
courante. C'est la cour de cassation française qui en donne les
critères d'identification. En effet, dans un arrêt (par lequel
elle tranchait un litige12 qui avait opposé
les deux sections de la 3ème chambre de la cour d'appel de
paris),13 cette juridiction a jugé qu'un acte qualifié
d'acte de gestion courante devait présenter les critères
suivants: correspondre à l'activité ordinaire de l'entreprise,
être de moindre importance et conforme aux modalités de paiement
habituellement pratiquées.
En premier lieu, les actes de gestion courante doivent
correspondre à l'activité ordinaire de l'entreprise de sorte
qu'une opération étrangère à cet objet ne puisse
être valablement admise. Dans l'espèce jugée, la cour a
estimé que le fait d'acheter des matériaux constitue une
opération conforme à l'objet d'une société de
sablage et d'émaillage. Il a également été
décidé que l'achat de perruques est conforme à
l'activité d'un coiffeur en liquidation.
En second lieu, il faut prendre en compte l'importance de
l'opération réalisée. Celle ci ne doit pas être
d'une trop grande importance car elle risque d'être
considérée comme dépassant le cadre d'un acte de gestion
courante.
Dans l'arrêt précité, 14la cour
de cassation a estimé que la commande de 21700 francs était de
peu d'importance par rapport au chiffre d'affaires de plusieurs millions de
francs réalisés annuellement. Sur ce fondement, il a
été refusé le caractère d'opération courante
à l'achat d'un lot important de perruques par un modeste coiffeur en
liquidation.15
Ces solutions se justifient car il ne faut pas oublier que la
continuation de l'activité est une période transitoire. Le
débiteur ne doit se limiter qu'aux actes strictement nécessaires
et de cout raisonnables.
En troisième lieu, il faut également que
l'opération ne comporte pas de modalités exceptionnelles, non
conformes aux usages habituels de la profession.
12 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
13 C. A., Paris, 06 Juillet 1979, Dalloz, 1980, inf.,
rap., P., 405
C. A., Paris, 12 Nov.,, 1979, Dalloz, 1980, inf., rap., P;
405
14 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
15 Trib., commercial de Lyon, 25 octobre 1972, in
Rev., Jur., com., 1973, 123
En application de ce principe, il a été
jugé qu'est conforme, aux usages de la profession, une clause courante
de résiliation et de remplacement dans les marchés conclus par
certaines collectivités.16
Enfin, les modalités de paiement doivent être
celles qui sont habituellement pratiquées. Dans l'arrêt
précité17, la cour de cassation entérinant la
décision de la cour d'appel de Paris, a estimé que cette
condition était remplie, car le paiement des matériaux par lettre
de change18 était conforme aux usages ordinaires de la
profession. Lorsque ces différents critères sont remplis, les
actes accomplis peuvent être qualifiés d'actes de gestion
courante. Au titre des actes de gestion courante, nous pouvons citer l'achat,
la vente de marchandise et la conclusion de nouveaux contrats.
Le juge ivoirien pourrait s'inspirer de ces critères et
raisonnements dans son appréciation des actes accomplis par les organes
de gestion pendant la continuation de l'activité de l'entreprise. Ces
critères énoncés par la cour de cassation laissent
beaucoup de souplesse pour déterminer si une opération est
courante.
Cependant, il est nécessaire que les tribunaux usent
de prudence et interprètent restrictivement la notion
d'«opération courante~. Ceux-ci devraient veiller à ce que
sous ce couvert, ne se cachent des opérations qui dépassent les
limites des actes de gestion courante.
2 - Les actes d'administration
Ils se définissent comme étant des actes qui ont
pour but la gestion normale d'un patrimoine en conservant sa valeur et en le
faisant fructifier.
Ils se distinguent des actes de disposition, dans la mesure
où ces actes d'administration tendent à maintenir les droits dans
le patrimoine et ne peuvent, de ce fait entrainer leur transmission. C'est au
syndic que revient l'accomplissement de tels actes dans la procédure de
faillite et la liquidation des biens.
Dans le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire,
l'assistance du syndic et du
16 Rouen, 11 Avril 1975, Rev., Jur., com., 1977,
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17 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
18 Pour les paiements par chèque, voir C. A.,
Paris, 12 Nov., 1971, Rev., Jur., com., 1972, 14
liquidateur sont indispensables à l'accomplissement de
tels actes, lorsque ceux-ci s'avèrent indispensables à la
continuation et à la conservation du patrimoine du débiteur.
Ainsi, les organes de gestion pourront ils souscrire un
contrat d'assurance pour assurer les biens de l'actif, notamment le fonds de
commerce contre un éventuel incendie. Ils pourront payer les loyers,
ester en justice pour certaines actions qui ne sont pas
considérées comme des actes conservatoires. Le débiteur
failli ne peut valablement exercer de telles actions. Il en a été
jugé ainsi par la cour suprême ivoirienne19. En effet,
un commerçant déclaré en faillite et condamné
à payer à un salarié des sommes d'argent, s'est seul
pourvu en cassation contre un arrêt de la cour d'appel qui lui faisait
grief. La cour supreme a rejeté son pourvoi en se fondant sur l'article
443 al. 1er du code de commerce qui stipule qu'à compter du
jugement déclaratif de faillite, «toute action mobilière ou
immobilière ne peut être intentée ou suivie que par le
syndic».