La continuation de l'exploitation est une période
transitoire qui implique une gestion. Celle ci peut, contrairement aux
espérances placées en elles, aggraver la situation
économique et financière de l'entreprise.
Dans le souci d'éviter une tette situation et surtout
en raison des intérêts mis en jeu par la continuation
(intérêts de l'entreprise, des cocontractants et des
salariés), il va apparaitre nécessaire d'exercer un
contrôle permanent sur toute la gestion de l'activité. C'est
pourquoi, cette gestion ne sera plus confiée au seul débiteur
mais, à des organes de gestion de la procédure que sont le syndic
et le liquidateur qui viendront soit représenter, soit assister le
débiteur dans la gestion, qui prend dans ce cas, le vocable de gestion
directe de l'exploitation (Section I).
On pourra également envisager de confier la gestion de
l'entreprise à un tiers, ce qui peut présenter des risques, c'est
pourquoi, un contrôle de l'activité de ce tiers sera
effectué (Section II).
Le fait de confier l'activité à des organes de
gestion ne suffit pas à prémunir l'entreprise contre les risques
d'empirement de la situation de l'entreprise. C'est pourquoi, même
à ce niveau, le contrôle sera exercé. En effet,
l'étendue de leur pouvoir sera circonscrite pour éviter des abus
(Paragraphe I).
Les organes de gestion seront astreints à une
reddition de compte de leurs activité devant le juge commissaire
(paragraphe II) et leurs responsabilité pourra
être engagée en cas de faute de gestion dans l'exercice de leurs
fonctions (paragraphe III).
Paragraphe I - Etendue des pouvoirs de gestion des
organes de la procédure
C'est au syndic et au débiteur assisté de soit
du syndic ou du liquidateur que revient la charge de la gestion de
l'exploitation. Ceux-ci ont la possibilité d'accomplir des actes
conservatoires, des actes de gestion courante, des actes d'administration et
des actes de disposition nécessités par la continuation de
l'exploitation de l'entreprise.
Les actes conservatoires sont des actes qui ont pour objet de
sauvegarder un droit. Ils maintiennent le patrimoine du débiteur en
l'état. Lorsque dans la gestion de l'entreprise l'accomplissement
d'actes conservatoires s'impose, le syndic ou le débiteur assisté
du liquidateur peuvent les accomplir seuls.
Dans le cadre de la faillite, l'article 490 al 1 du code de
commerce stipule que «à compter de son entrée en fonction,
le syndic est tenu de faire tous les actes nécessaires à la
conservation du des droits du débiteur failli contre ses propres
débiteurs>,. Cette formule large, donne pourvoir au syndic
d'accomplir des actes en vue de conserver les droits du failli, donc
d'accomplir des actes conservatoires dans la
liquidation des biens.
Ce raisonnement n'est pas le même dans le projet OHADA,
inspiré du droit français. Dans la procédure de
liquidation des biens du projet OHADA, il est reconnu au débiteur le
pouvoir d'accomplir des actes conservatoires. L'on permet en effet au
débiteur d'accomplir de tels actes parce que ceux ci ont pour but de
maintenir son patrimoine et non pas de l'appauvrir. Ce faisant, le gage des
créanciers se trouve ainsi consolidé, le débiteur
n'affectant nullement son patrimoine par de tels actes.
Cette différence d'organes compétents en droit
ivoirien et dans le projet OHADA est due au fait qu'en droit de la faillite, le
débiteur est présumé de mauvaise foi et incompétent
à gérer ses propres affaires, c'est pourquoi le syndic agit
à sa place.
Pour Ripert et Roblot, ces actes étant permis aux
incapables, ils ne sauraient être interdits au débiteur, qui n'est
pas un incapable. 9
Malgré cette disposition de l'article 490 al. 1 du
code de commerce, nous pensons que le caractère utile de ces actes doit
permettre au débiteur d'accomplir des actes conservatoires.
Dans la liquidation judiciaire en droit ivoirien, l'article 4 de
la loi du 4 Mars1889 donne compétence au débiteur et au
liquidateur pour accomplir de tels actes.
Cet article distingue 2 catégories d'actes :
· Certains relèvent de la compétence du
seul liquidateur. C'est l'hypothèse de l'article 4 al 1er de
la loi précitée qui stipule que, «dans les vingt quatre
heures de leur nomination, les liquidateurs sont tenus de requérir les
inscriptions d'hypothèque sur les immeubles des débiteurs du
liquidé et l'inscription de l'hypothèque légale de la
masse sur les immeubles du débiteur.
· D'autres actes énumérés par
l'article 6 de la même loi sont accomplis par le débiteur avec
l'assistance du liquidateur.
9 Ripert et Roblot: Traité élémentaire de
droit commercial, T.2, LGDJ., 12 ème, ed. 1990, page 471, n°
3082
Cette division des actes conservatoires en deux
catégories ne nous parait pas justifiée car les actes
conservatoires quelle que soit leur forme visent un seul et même
objectif, conserver la valeur du patrimoine du débiteur, au profit des
créanciers et du débiteur. Partant de là, il n'y a pas
d'actes conservatoires qui soient plus «graves» que les autres au
point de nécessiter pour le débiteur qui les accomplit,
l'assistance de son liquidateur. L'on devrait permettre au débiteur
d'accomplir les actes conservatoires sans distinction.
Cette disposition de la loi de 1889 a suscité une
controverse doctrinale en France; c'est la raison pour laquelle les
rédacteurs du projet OHADA n'ont pas retenu cette distinction entre les
actes conservatoires. En effet, l'article 52 al 2 de l'acte uniforme OHADA
stipule que le débiteur peut accomplir valablement seul les actes
conservatoires. Cette solution est la même que celle en vigueur en France
où, la loi de 1967 n'a pas reproduit cet article 6 de la loi de 1889.
Au total, il faut retenir que les organes de gestion ont
compétence pour accomplir les actes conservatoires nécessaires au
maintien du patrimoine du débiteur et utiles à la poursuite de
l'activité.
Entre autres actes conservatoires, nous pouvons citer
l'interruption d'une prescription, pratiquer une saisie
-arrêt10des biens d'un créancier du débiteur,
faire sommation à un débiteur de payer sa dette,11ou
faire inscrire une hypothèque.
En plus des actes conservatoires, les organes de gestion
accomplissent des actes de gestion courante et des actes d'administration
nécessaires à la continuation.