Paragraphe I - Paiement immédiat des
créances de salaire
Ce principe du paiement immédiat des créances
de salaires est une garantie accordée aux salariés pour combler
les limites du privilège général qu'ils ont et qui, dans
la pratique, est très souvent inefficace. Il consiste à verser
très rapidement aux salariés et avant tout autre
créancier, la fraction de salaire indispensable pour vivre;
c'est-à-dire la fraction incessible et insaisissable.
Ce principe est appelé dans la pratique "super
privilège des salaires114".
114 Ce super privilège est perçu par certains
auteurs (DURAND et VITU) comme un prolongement, un renforcement du
privilège des salaires car il répond aux mêmes idées
et satisfait les mêmes besoins. Pour eux, ce sont certainement des
créances privilégiées soumises pour partie à un
paiement préférentiel. Le super privilège se
développe à l'intérieur du privilège
général des salaires. In Fernand DERRIDA, "Le Super
Privilège" des salariés dans les procédures de
règlement judiciaire et de liquidation des biens, Dalloz 1973, chron. V
P. 59
Voir aussi SAINT ALARY HOUIN (C), L'Efficacité des
sûretés garantissant les créances salariales, D., Soc.,
1987, P. 842.
Aussi protecteur que puisse être ce principe, il faut
préciser qu'il ne concerne que certaines créances (A)
et s'exerce de façon particulière
(B).
A - Les créances garanties
Elles s'apprécient à l'égard de leur nature
et de leur montant 1 - Nature des créances
Les créances garanties par ce paiement immédiat
sont énumérées par les articles L. 33-3, 33.4 du titre III
et du chapitre III du code du travail ivoirien.
L'article 96 de l'acte uniforme sur les procédures
collectives d'apurement du passif du projet OHADA qui admet le paiement
immédiat des créances de salaires se réfère au code
du travail quant à la détermination précise du contenu de
ces créances. Cet article L 33-3 al 2 précité, stipule
qu'il s'agit des rémunérations de toute nature. L'article L 33-4
al 1 er pour sa part stipule que ces rémunérations
comprennent non seulement " les salaires, les primes, commissions, prestations
diverses, indemnités de toute nature notamment celle pour inobservation
du préavis, ainsi que les indemnités de licenciement ou les
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de
travail.
Ainsi, seuls les créanciers titulaires d'un contrat de
travail ou d'apprentissage peuvent invoquer ce paiement immédiat qu'est
le super privilège des salariés. Le code du travail ivoirien a
admis comme créances privilégiées, les indemnités
dues pour résiliation abusive.
La doctrine française rejette la prise en compte de
telles créances dans la mesure où elles ne constituent pas des
accessoires du salaire mais représentent plutôt une
indemnité en responsabilité tendant à la réparation
du préjudice causé aux salariés.
Il n'y a pas lieu selon nous de retirer le caractère
super privilégié à une créance que la loi a
prévue comme telle. Ce serait marquer un recul sur le terrain du droit
social. En vertu des principes selon lesquels "il n'y a pas de privilège
sans texte" et "les privilèges sont de droit étroit", il y a lieu
de maintenir ces
indemnités pour rupture abusive du contrat de travail
comme créances privilégiées.
Lorsque ces créances sont déterminées dans
leur nature, il faut préciser qu'elles sont réduites quant
à leur plafond.
2 - Montant des créances
Les créances garanties s'appliquent à la
fraction insaisissable des sommes dues. L'institution de ce plafond correspond
à toutes les idées prises en considération pour fixer le
régime de ce super privilège: ne pas amputer les créances
privilégiées, éviter l'assèchement de la
trésorerie du syndic et surtout donner satisfaction aux besoins
alimentaires immédiats des salariés.
La fraction insaisissable représente la différence
entre les salaires et commissions dues, avec la portion saisissable
Cette portion saisissable étant fixée sur la
base du salaire annuel, il est nécessaire de déterminer ce
salaire annuel en tenant compte de tous les accessoires, puis d'en retrancher
la portion saisissable et de fixer enfin la portion insaisissable
115. Cette portion saisissable couvre les salaires effectivement
gagnés par les salariés et apprentis pour les 60 derniers jours
de travail ou d'apprentissage. Que faut-il entendre par "60 derniers jours de
travail" ?
Sont-ce seulement les jours précédents le
jugement déclaratif ou les jours qui précèdent la
cessation du travail même s'ils ne précèdent pas
immédiatement le jugement ?
Nous pensons qu'il y a lieu de prendre en compte les 60 derniers
jours qui précèdent la cessation du travail car cette solution
est plus favorable aux salariés.
La cour de cassation française 116 a
décidé qu'il s'agit des jours antérieurs au départ
du salarié même s'ils ne précèdent pas
immédiatement le jugement déclaratif.
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