Cette régularité s'apprécie
généralement par rapport aux règles relatives à la
formation des contrats. Dans le cadre de notre étude, elle concerne les
pouvoirs du débiteur assisté et du syndic.
1 - Les créances accomplies dans la limite des
pouvoirs du syndic ou du débiteur assisté
Les créances contractuelles qui
bénéficient de la priorité de paiement sont celles
conclues par le syndic ou le débiteur assisté dans le respect de
l'étendue de leurs pouvoirs. Cette étendue de pouvoirs
s'apprécie différemment selon que le débiteur dessaisi est
représenté par le syndic ou est assisté du liquidateur.
Dans l'hypothèse de la faillite, le débiteur est
frappé de dessaisissement et est représenté par le syndic
qui agit à sa place et assure la gestion de l'exploitation.
Le syndic est l'interlocuteur entre le débiteur et ses
cocontractants. Les risques de voir ce débiteur effectuer des actes en
dehors de ses pouvoirs sont limités car il est dessaisi de
l'administration et de la disposition de ses biens.
Seront donc déclarées régulières,
les créances résultant de contrats passés entre le syndic
agissant dans l'intérêt de la masse et dans les limites des
pouvoirs qui lui sont accordés et ses cocontractants. Il ne faut pas
oublier que la continuation est une période transitoire durant laquelle
le syndic ne doit accomplir que les actes nécessaires à
l'exploitation.
Au contraire, seront déclarées
irrégulières les créances résultant de contrats
qu'il ne peut accomplir qu'avec l'autorisation du tribunal105, du
juge commissaire106.
Dans la liquidation judiciaire ce sera pareil. Seront
déclarées irrégulières les créances naissant
d'actes que le débiteur liquidé ne peut accomplir seul mais avec
l'assistance de son liquidateur107.
Dans la liquidation des biens et le règlement
judiciaire du projet OHADA, le même principe sera appliqué et les
actes que le débiteur aurait accompli en dehors des actes conservatoires
et de gestion courante que là reconnaît la Loi seront
déclarés irréguliers. Les créances en
résultant ne seront donc pas prioritaires parce que nées
d'activité irrégulière. Le cocontractant aurait dû
se renseigner sur l'étendue des pouvoirs du débiteur
assisté et du syndic avant de s'engager.
2 - Le sort des créances nées d'une
activité irrégulière
Ce sont en général les créances
nées d'activités exercées dans la limite des pouvoirs des
organes de gestion mais nées d'un défaut d'autorisation. La
solution consiste à déclarer dans ce cas, l'exploitation
irrégulière. Les dettes nées de cette continuation
irrégulière sont des dettes hors procédures ou hors la
masse. Elles seront déclarées inopposables à la masse des
créanciers.
L'article 115 de l'acte uniforme sur les procédures
collectives du projet OHADA stipule "ne sont déclarées
créances contre la masse que celles qui sont nées d'une
activité régulière du débiteur ou du syndic".
En droit français, le défaut de décision
régulière est pallié parfois par le recours à la
théorie de l'apparence lorsque les tiers ont pu légitimement
croire en une continuation régulière de l'exploitation.
La chambre sociale de la cour de cassation française
108 dans un arrêt où une
105 Par exemple, consentir à une location
gérance
106 La vente des effets mobiliers et marchandises selon
l'article 486 al 1 er ou l'accomplissement d'une transaction.
107 Par exemple, exercer des actions en justice qui n'ont pas
valeur d'actes conservatoires, procéder au recouvrement des effets et
créances exigées selon l'article 6 al ter du code de commerce.
108 Cass., soc., 28 oct., 1971, R.T.D. Com., 1973, 910, obs.
HOUIN
Cass., soc., 6 mai 1975, D.,S., 1975, 559 note A. HONORAT
entreprise eu liquidation des biens avait poursuivi son
activité commerciale après le prononcé du jugement
déclaratif de liquidation des biens sans y avoir été
régulièrement autorisé -et cela, jusqu'à la date de
l'appel en justice-, a condamné le syndic qui assiste le
débiteur, à payer les sommes de dommages et intérêts
dus à un salarié embauché pendant cette activité
irrégulière et licencié. La cour a fondé sa
décision sur le fait que le syndic avait en fait approuvé la
continuation dans la mesure où, au lieu d'utiliser les moyens que la loi
met à sa disposition pour contraindre le commerçant
liquidé à cesser son exploitation, il a laissé le
débiteur poursuivre la sienne.
Cette théorie de l'apparence est en général
protectrice des salariés et pourrait inspirer le juge ivoirien dans la
résolution des espèces qu'il aura à juger.