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La continuation de l'activité de l'entreprise dans les procédures collectives d'apurement du passif

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par Zilhy Maryvonne Alice Dadié-Dobé épouse Yoro
Université d'Abidjan Cocody - DEA  1995
  

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Paragraphe Il - Restriction du privilège du bailleur

En droit commun, le bailleur bénéficie d'un privilège mobilier spécial qui garantit le paiement des loyers.

Ce principe est énoncé par l'article 2102 du code civil qui étend ce privilège aux meubles garnissant les lieux loués.

Dans le cadre des procédures collectives, ce privilège sera aménagé relativement au montant des créances privilégiées.

En droit commun, le privilège du bailleur couvre tous les loyers échus et à échoir pendant la durée du bail, lorsque celui-ci est conclu par acte authentique ou à une date certaine. Il s'agit des contrats établis par un officier public dont les affirmations font foi jusqu'à inscription de faux et des contrats dont la date ne peut être contestés par les tiers car, celle-ci étant garantie par un titre juridique.

Lorsque ce contrat est résilié, le bailleur peut voir le total de ces loyers lui être payés en priorité; ce qui présente des inconvénients pour la continuation. En effet, faits en général pour une longue durée, les contrats de bail sont enregistrés et les loyers sont souvent élevés; d'où une production privilégiée du bailleur pour des sommes considérables. Ce privilège porte sur tous les objets mobiliers garnissant les

lieux loués. Pour un débiteur civil, ce mobilier ne représente qu'une partie de la fortune. Au contraire, pour un local industriel ou commercial, il comprend le matériel et les marchandises, c'est à dire les éléments les plus importants du fonds de commerce79.

Aussi dans le désir d'augmenter le crédit chirographaire des commerçants, la Loi du 12 février 1872 applicable en droit ivoirien et incorporée au code de commerce, a-t-elle restreint ce privilège du bailleur. L'article 550 al 1er du code de commerce et l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889 rendant applicable à la liquidation judiciaire les dispositions sur la faillite, disposent que "si le bail est résilié, le propriétaire d'immeubles affectés à l'industrie ou au commerce du débiteur aura privilège pour les deux dernières années de location échues avant le jugement déclaratif et pour l'année courante, pour tout ce qui concerne l'exécution du bail" (par exemple les accessoires de loyers, eau).

Les deux années échues privilégiées se calculent en prenant pour point de départ la date à laquelle a commencé le bail. Si par exemple, le bail a commencé le 1er janvier 1980 et que le jugement d'ouverture intervient le 1er janvier 1984, les deux années privilégiées sont celles qui se placent entre le 1er janvier 1982 et le 1er janvier 1984. L'année courante est le temps qui s'écoule entre le dernier anniversaire du commencement du bail avant la résiliation et la date de résiliation.

Si le bail n'est pas résilié, le bailleur, une fois payé de tous les loyers échus, ne pourra pas exiger le paiement des loyers en cours ou à échoir, si les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues, ou si celles qui lui ont été fournies depuis la faillite ou la liquidation judiciaire sont jugées suffisantes. Il faut comprendre que si le bail n'est pas résilié et que les meubles garnissant les lieux loués sont enlevés, le bailleur pourra exercer son privilège comme au cas de résiliation, et en outre pour une année à échoir à partir de l'expiration de l'année courante, que le bail ait ou non date certaine selon l'article 550 du code de commerce et l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889.

79 RIPERT et ROBLOT: Traité élémentaire de droit commercial, T2 , 13 ed., L.G.D.J., p. 1207, N°3266

Dans le projet OHADA, ce délai est beaucoup plus réduit qu'en droit positif. En effet dans la réforme, ce délai est relatif aux douze derniers mois selon l'article 98 de l'acte uniforme sur les procédures collectives qui stipule que "si le bail est résilié, le bailleur a privilège pour les douze derniers mois de loyers échus avant la décision d'ouverture ainsi que pour les douze mois échus ou à échoir postérieurement à cette décision".

SECTION II : LE CONTRAT DE TRAVAIL

En cas d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif, les salariés de l'entreprise sont les plus touchés. Très souvent, ils perdent leur emploi et se retrouvent au chômage, au détriment de leur famille. En raison de cet aspect social, il est apparu nécessaire, voire urgent de les protéger, d'autant plus qu'ils subissent les conséquences d'une situation dont ils ne sont pas forcément responsables. Aussi, a-t-il été institué le maintien de plein droit des contrats de travail en cas de poursuite de l'activité d'une entreprise en faillite ou en liquidation judiciaire.

Désormais, ces procédures collectives ne sont pas considérées comme des cas de force majeure exonérant l'employeur. Celui ci est tenu de maintenir les contrats de travail en cours (Paragraphe I).

Il peut toutefois apparaître que le maintien en fonction de tout le personnel soit difficile en raison des difficultés économiques que connaît l'entreprise. Le syndic ou le débiteur assisté peuvent procéder à des licenciements. La faillite ou liquidation judiciaire sera dans ce cas un motif économique de licenciement (Paragraphe II).

Paragraphe I - La faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas un cas de force majeure

Pour justifier les licenciements qu'ils effectuaient, les employeurs assimilaient la faillite ou la liquidation judiciaire à un cas de force majeure. Ce motif a été rejeté par le code du travail ivoirien (en son article L-1615) qui stipule que les contrats de travail ne peuvent être "rompus" pour cause de faillite ou liquidation judiciaire (A) mais qu'au contraire, ils sont maintenus de plein droit (B).

A - Absence de rupture du contrat de travail pour cause de faillite ou liquidation judiciaire.

Un débiteur en faillite ou liquidation judiciaire ne peut se prévaloir de ce fait pour licencier son personnel ipso facto, car l'ouverture d'une procédure collective n'est pas un cas de force majeure.

La notion de force majeure s'entend des faits et événements provenant d'une cause étrangère non imputable au débiteur qui ont mis un obstacle à l'accomplissement complet et régulier de ses obligations. Une telle notion qui s'applique en général aux contrats, ne saurait en aucun cas s'adapter à la faillite ou liquidation, dans la mesure où celles-ci proviennent du fait personnel du débiteur et souvent de sa faute. C'est pourquoi le code du travail ivoirien en son article L-16-5 dispose que "la cessation de l'entreprise, sauf en cas de force majeure, ne dispense pas l'employeur de respecter les règles établies. La faillite et la liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de force majeure".

Le code du travail ivoirien a codifié la position de la doctrine et la jurisprudence française dominantes. En effet, la cour d'appel de Rouen 80a jugé que "la faillite ne délie pas le débiteur de ses engagements, qu'elle ne constitue pas un cas de force majeure mais qu'elle résulte dans l'espèce jugée, de l'inconduite et de la vie de désordre du débiteur; que même dans le cas où elle a pour cause le malheur, on ne saurait dire qu'avec une plus grande prudence, une prévoyance plus pénétrante qu'on ne l'aurait pas évitée".

La faillite ne présente pas les caractères d'une force supérieure à laquelle la volonté humaine est absolument impuissante à résister. Ainsi, la mise en liquidation judiciaire ne rompt pas le contrat de travail en cours81.

Dans le projet OHADA, ce principe ressort indirectement de l'article 110 de l'acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif qui ne prévoit les licenciements que lorsqu'ils ont urgents et indispensables.

80 C. A., Rouen, 27 août 1873, D. 1876. II. p. 62-63

81 Ch . req. 27 avril 1937, D., 1937, P. 330

On peut dire que le principe est le maintien des contrats de travail et l'exception, le licenciement lorsqu'il est urgent et indispensable.

B - Maintien de plein droit des contrats de travail

Le jugement de déclaratif de faillite ou de liquidation judiciaire n'éteint pas d'office le contrat de travail. Lorsque la continuation de l'exploitation est décidée, ces contrats subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Ce principe ressort de l'article L -11-8 du code de travail qui stipule que "s'il survient un changement d'employeur, personne physique ou morale, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise".

Dans le projet OHADA, ce maintien des contrats n'est pas expressément prévu. Toutefois par l'interprétation à contrario de l'article 110 de ce projet- qui prévoit les licenciements dans des cas particuliers-, nous pouvons déduire que le principe en la matière est le maintien des contrats de travail.

La cour de cassation française 82 a affirmé ce principe en décidant que "dès lors qu'une entreprise continue à fonctionner sous une direction nouvelle, les salariés de cette entreprise sont liés automatiquement à leur nouvel employeur sans aucune solution de continuité, quelque soit la modification survenue dans la situation de l'employeur.

Selon cette juridiction, l'admission de l'employeur au règlement judiciaire (liquidation judiciaire en droit positif ivoirien) suivie de l'autorisation de continuation de l'exploitation donnée par le juge commissaire, a placé la masse dans une situation identique à celle de tout nouvel employeur reprenant la direction d'une entreprise dont l'activité est restée la même. La masse est donc légalement tenue de reprendre à sa charge les contrats de travail.

S'il est vrai que le syndic ou le débiteur assisté est tenu de maintenir les

82 Cass., Soc., 7 Juillet 1961, J. C. P., 1961, II, 12287 bis

contrats de travail, il faut préciser qu'en raison des difficultés que rencontre l'entreprise, le syndic ou le débiteur peut être autorisé à procéder à certains licenciements.

Paragraphe Il - Admission de la faillite ou de la liquidation comme motif économique de licenciement

Le législateur, conscient des réalités économiques des entreprises en difficulté a admis que des licenciements soient effectués. Il s'agit des licenciements pour motif économique tirés de la cessation des paiements.

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