Elles ont pour but de ne pas laisser le cocontractant
à la merci du syndic ou du débiteur assisté lorsque
ceux-ci ne s'exécutent pas. Le cocontractant dispose de trois moyens de
protection:
· L'exception d'inexécution ou le droit de
rétention;
· Il peut également mettre fin au contrat en
demandant la résolution du contrat ;
· Aux termes de cette résolution, des dommages et
intérêts peuvent lui être octroyés.
1 - L'exception d'inexécution
Elle résulte d'une transposition en droit commercial
de ce principe qui existe en droit civil. C'est un moyen offert au
cocontractant en présence d'un contrat synallagmatique dans lequel,
chaque partie s'est engagée en vue d'obtenir de l'autre,
l'exécution de la contre prestation promise en retour. L'obligation de
l'un ayant sa cause dans celle de l'autre, si l'un des cocontractants ne
remplit pas ses engagements, le but poursuivi par l'autre partie ne peut plus
être atteint et, par conséquent, son obligation devient sans
cause.
Dans les contrats synallagmatiques, les deux obligations
doivent être exécutées simultanément, trait pour
trait72. Chacune des parties n'est en droit
72 Jean Carbonnier, Les obligations, T., 4,
Thémis, Droit, P. U. F., page 304, n° 84
d'exiger la prestation qui lui est due, qu'autant qu'elle offre
d'exécuter la sienne.
Ainsi, le syndic ou le débiteur assisté ne
peuvent exiger la prestation à eux due, que s'ils exécutent la
leur. Réciproquement, le cocontractant peut se refuser à
exécuter sa prestation tant que son partenaire n'offre pas lui
même d'exécuter la sienne. Ce refus se manifestera par une
exception, (au sens procédural du terme, l'exception de contrat non
accompli) conséquence de l'interdépendance des obligations dans
les contrats synallagmatiques
Ce principe a une origine jurisprudentielle. Cependant, il a
été codifié par le projet OHADA dans son article 108 al 2
qui stipule que, "lorsque le contrat est synallagmatique et que le syndic n'a
pas fourni la prestation promise, l'autre partie peut soulever l'exception
d'inexécution".
Cette exception d'inexécution n'entraîne qu'un
ajournement de l'exécution des obligations et non leur disparition; de
sorte que si le syndic s'exécute, le contrat reprendra son cours normal.
Lorsque l'obligation du cocontractant a pour objet la livraison d'une chose,
l'exception se traduit par l'exercice du droit de rétention. Par
exemple, le vendeur peut refuser de livrer la marchandise puisque
l'acquéreur en état de cessation des paiements ne peut payer le
prix. Le cocontractant usant du droit de rétention ne peut vendre
l'objet retenu.
Au lieu de soulever cette exception, le cocontractant peut
préférer sortir de ce contrat qui bat de l'aile et le faire
disparaître définitivement. Aussi l'article 1184 du code civil lui
ouvre-t-il une action en justice aux fins de résolution.
2 - La résolution judiciaire
Elle est présentée par les textes comme le
résultat d'une condition résolutoire dont les contractants
auraient tacitement convenu dans tout contrat synallagmatique, chacun
étant censé ne s'être engagé à la condition
que l'autre ne manquerait pas à ses engagements. Le cocontractant qui ne
peut pas rester définitivement engagé dans le contrat en se
contentant d'user défensivement de l'exception d'inexécution
peut, s'il veut se dégager, assigner l'autre partie en
résolution; parce que la résolution ne résulte pas de la
renonciation tacite du syndic ou du débiteur assisté à la
continuation du contrat.
La résolution judiciaire est fondée sur
l'inexécution par le débiteur de ses obligations. Cette
inexécution est assimilée à une faute.
Lorsque la résolution est prononcée, elle a un
effet rétroactif. En principe, le contrat est considéré
comme n'ayant jamais été conclu, il cesse de produire des effets
dans l'avenir.
Toutefois, dans les contrats à exécutions
successives, la résolution ne produit d'effets rétroactifs que
sous réserve des règles spéciales en matière de
procédure collective. Ainsi par exemple, dans les ventes
d'objets-mobiliers, le cocontractant ne peut pas revendiquer les marchandises
qu'il a déjà livrées.
Il doit plutôt restituer les acomptes qu'il a
reçus. Dans ces contrats, la résiliation ne produit d'effet que
pour l'avenir. Le cocontractant, notamment le salarié ou le bailleur
demeure créancier pour les salaires ou les loyers échus
antérieurement au jugement déclaratif mais également pour
ceux qui ont couru depuis ce jugement déclaratif.
Le cocontractant qui agit en résolution peut demander des
dommages et intérêts. 3 - L'octroi de dommages et
intérêts
L'ouverture d'une procédure collective ne constitue
pas en principe, un événement de force majeure exonérant
le débiteur de sa responsabilité en cas d'inexécution du
contrat. Le défaut d'exécution du syndic ou du débiteur
assisté, constitue une faute contractuelle73. Le
cocontractant qui agit en résolution, peut réclamer des dommages
et intérêts pour le préjudice qui lui est causé par
cette résolution74.
73 Cass., soc., 7 Janvier, 1955, Bull., civ., 1955,
4, n° 151
74 La jurisprudence a toujours accordé des dommages et
intérêts à l'acquéreur obligé de demander la
résolution de son contrat en cas de faillite du vendeur. Elle les a
accordés également au bailleur en cas de faillite du locataire,
qu'il s'agisse d'un bail d'immeuble ou de la location de choses
mobilières.
Cass. civ., 15 janvier 1900, D. 1901. 1. 25 note LACOUR
Cass. civ., 15 janvier S. 1900. 433 note LYON-CAEN
Ce principe, énoncé par la jurisprudence
française est consacré par l'article 109 al 1 du projet d'acte
uniforme sur les procédures collectives. Cet article précise
également que le montant de ces dommages et intérêts doit
être produit au passif de la masse et au profit du cocontractant qui
devra donc produire sa créance à la masse. Dans ce cas, il entre
en concours avec ces créanciers.
Une clause contractuelle du contrat résolu ou
résilié peut fixer forfaitairement ce montant. Lorsque la
résolution du contrat intervient alors que le cocontractant avait
reçu des acomptes pour des prestations qu'il n'a pu honorer, il a
l'obligation de les restituer immédiatement sans possibilité de
les compenser avec les dommages et intérêts à lui dus pour
la résolution ; dans la mesure où il n'est pas encore
statué sur ces dommages et intérêts.
Cependant, la juridiction saisie de l'action en
résolution peut prononcer cette compensation entre les dommages et
intérêts et l'acompte reçu par le cocontractant.
Le tribunal peut également autoriser ce dernier
à différer la restitution de ces acomptes jusqu'à ce qu'il
ait été statué sur les dommages et intérêts.
La compensation entre ces deux créances est admise dans la mesure
où elles naissent du même contrat; même si elles ne
présentent pas les conditions requises pour la compensation
légale avant le jugement déclaratif.
La jurisprudence a étendu la notion de
connexité à d'autres hypothèses. Ainsi dans un
arrêt, 75 la cour de cassation déclare compensables une
dette de nature contractuelle et une dette de nature délictuelle. En
l'espèce, une société a été traduite en
justice par le syndic d'un entrepreneur, pour le paiement des travaux
effectués à son profit avant l'ouverture de la procédure.
La chambre commerciale lui a reconnu le droit de compenser sa dette avec la
créance de dommages et intérêts dont elle se
prétendait titulaire, en raison de vols commis à son
détriment par les préposés de cet employeur. La cour s'est
fondée sur le motif que ces dettes étaient nées à
l'occasion du même contrat qui en avait été la condition
nécessaire.
C.A. Paris, 21 avril 1934, Gaz. Pal. 1934. 2 . 134
75 Cass., com., 2 Juillet 1973, Dalloz, 1974. 427,
note J. GHESTIN, C. A. Paris, 27 Juin 1975, D., 1975, somm., 114
CHAPITRE II : REGIME SPECIAL DU MAINTIEN DE L'EXECUTION
DE
CERTAINS CONTRATS
En dehors du régime général de maintien
des contrats en cours, existent des réglementations originales
concernant certains contrats, eu égard à leur importance et au
souci du législateur de protéger certains créanciers. Ces
contrats sont maintenus mais des aménagements leur seront
apportés.
Ils sont nombreux mais nous en étudierons deux en
montrant les particularités qu'ils renferment. Ce sont le contrat de
bail (SECTION I) et le contrat de travail (SECTION
II).
SECTION I : LE CONTRAT DE BAIL
Le droit des procédures collectives restreint et
modifie considérablement le droit du bailleur. En effet, le
législateur a estimé que la location d'immeuble est très
utile à la masse, surtout pendant la continuation du commerce. C'est la
raison pour laquelle il favorise le maintien du contrat de bail en
réduisant les droits du bailleur dans la faculté d'obtenir la
résiliation du bail (paragraphe I) et dans l'exercice
du privilège du bailleur (paragraphe II).
Paragraphe I - La restriction du droit de
résiliation du bailleur Elle se caractérise par:
· l'absence de résiliation de plein droit;
· l'aménagement des conditions de résiliation
après le jugement d'ouverture A - Absence de
résiliation de plein droit
L'ouverture d'une procédure collective d'apurement du
passif n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail
affecté à une exploitation commerciale.
L'article 450 du code de commerce relatif à la
faillite et la liquidation judiciaire, par application de l'article 24 de la
Loi du 4 mars 1889 admet le principe de la non résiliation de plein
droit. Elle permet ainsi au syndic de notifier au bailleur son intention de
poursuivre le contrat dans un délai de huit jours, à compter de
la date de dépôt au greffe de l'état des créances.
C'est donc au syndic ou au débiteur assisté du liquidateur qu'il
revient d'opter pour la continuation du contrat.
Le bailleur ne peut pendant ce délai de
réflexion demander la résiliation du contrat de bail. Pour
laisser au syndic le temps d'opter en connaissance de cause entre la poursuite
et la résiliation du bail, l'article 450 al 3 suspend toutes les
voies d'exécution du bailleur sur les meubles servant
à l'exploitation du commerce ou de l'industrie du failli.
Le projet OHADA admet également ce principe dans son
article 97 qui stipule expressément que "l'ouverture de la
procédure collective n'entraîne pas de plein droit la
résiliation du bail des immeubles affectés à
l'activité professionnelle du débiteur y compris les locaux
dépendant de ces immeubles servant à l'habitation du
débiteur ou de sa famille".
Le souci du droit positif ivoirien et de la réforme
OHADA est le même: permettre la continuation de l'exploitation dans les
locaux de l'entreprise. Une rupture brusque du contrat de bail affecterait
cette poursuite, en dispersant la clientèle; ce qui compromettrait
inéluctablement les objectifs projetés.
La jurisprudence française l'a réaffirmé
dans un jugement du tribunal civil de la Seine 76qui a
décidé que, «la déclaration de faillite du preneur ne
constitue pas une cause de résiliation du bail des locaux où
s'exploite le fonds de commerce».
B - Aménagement des conditions de
résiliation agrès le jugement d'ouverture
Si la résiliation de plein droit n'est pas admise, il
faut souligner que l'on admet au contraire, la possibilité pour le
bailleur de demander la résiliation dans des délais
précis, contrairement au droit commun. En effet en droit commun, le non
paiement des loyers est un motif de résiliation du bail par le
propriétaire qui à cet effet, peut saisir le tribunal sans
délai.
Le droit de la faillite n'ignore pas cette règle mais
en a modifié la procédure à l'avantage du syndic ou du
débiteur assisté, en limitant le droit du bailleur de demander la
résiliation à un délai précis. C'est l'article 450
du code de commerce qui prévoit cette durée. Selon cet article
(qui s'applique également à la liquidation judiciaire en vertu de
l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889), lorsque le syndic a notifié
76 Trib., civ., de la Seine, 5 Février, 1948,
Dalloz, 1948. 198
son intention de poursuivre le bail au propriétaire,
ce bailleur peut former sa demande en résiliation dans les quinze jours
suivant la notification faite par le syndic. Sa demande en résiliation
ne peut être introduite avant cette période de quinze jours. Ce
délai est impératif et il doit être respecté par le
bailleur. Au cas où il ne le respecterait, il sera réputé
renoncer à se prévaloir des causes de résiliation
déjà existantes à son profit.
L'article 97 al 3 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives du projet OHADA stipule que le bailleur qui
entend faire constater la résiliation pour des causes
postérieures à la décision d'ouverture, doit introduire sa
demande dans le délai de quinze jours à dater de la connaissance
de la cause de résiliation.
La résiliation pour cause postérieure à
la faillite est prononcée lorsque les garanties offertes par le
locataire (représenté par le syndic agissant au nom de la masse)
sont jugées insuffisantes par la juridiction compétente, pour
garnir le privilège du bailleur.
La notion de garantie insuffisante a été
précisée par la jurisprudence française.
Dans un arrêt, la cour d'appel de Montpellier
77 a jugé qu'il appartient au juge de rechercher si le
locataire présente ces garanties légales. Ainsi a-t-elle
décidé que, le fait pour un locataire de garnir les locaux du
fonds de meubles, de rayonnages et une installation électrique,
propriétés du preneur, le fait qu'il entend y reconstituer son
commerce et donner au fonds la destination prévue au bail, le fait qu'il
ait avisé la banque qu'il déposait le montant d'une année
de loyers, constitue des garanties offertes au bailleur.
Dans un autre arrêt, le tribunal civil de Nantes
78 va refuser de prononcer la
77 C.A. Montpellier 2 Nov. 1927 D.H. 1928 P. 95
78 Trib., civ., de Nantes, 1 Février 1956, Dalloz,
1956, P. 247. Le tribunal a jugé que le fait pour le propriétaire
d'invoquer le non paiement des loyers depuis deux ans, la fermeture du magasin
dépourvu du matériel, de marchandises et de
déprédations dans les lieux ne saurait obtenir la
résiliation, alors que les deux premières raisons qu'il invoque
peuvent l'être dans presque tous les cas de faillite et aboutiraient
à une résiliation automatique des baux; qu'elles n'ont de valeur
que lorsque viennent s'y ajouter de légitimes craintes de voir la
situation se prolonger en cas de continuation.
résiliation lorsque le syndic a obtenu d'un tiers,
l'engagement de se porter enchérisseur à un prix
déterminé, en cas de licitation du fonds et du droit au bail,
d'observer les clauses et conditions du bail quant aux réparations. Pour
le tribunal, ces mesures constituent des garanties assurant le
propriétaire du paiement des loyers en retard. La jurisprudence
apprécie avec beaucoup de rigueur l'insuffisance ou non des garanties
exigées.
L'alinéa 4 de l'article 97 du projet OHADA stipule
que, la demande de résiliation pour cause antérieure au jugement
d'ouverture doit être introduite dans le deuxième mois suivant la
deuxième insertion au journal d'annonces légales. Les causes de
résiliation antérieures au jugement sont en
général, les non paiement des loyers échus avant cette
date. Le bailleur aura à introduire sa demande dans le délai sus
indiqué.