1 - Le principe de l'exécution de tout le
contrat
Lorsque le syndic réclame l'exécution des
contrats, il a l'obligation d'assumer les prestations dont était tenu le
débiteur qu'il représente. Il doit donc respecter toutes les
conditions du contrat notamment, exécuter sa prestation telle quelle
résulte du contrat car, l'ouverture d'une procédure collective
n'est pas un cas de force majeure exonérant le syndic de sa
responsabilité en cas d'inexécution du contrat63.
Selon la cour de cassation, le syndic commet une faute contractuelle en
n'exécutant pas ses engagements.
Cette mesure vise à ne pas laisser le cocontractant
à la merci du syndic qui serait tenté de ne pas exécuter
ses obligations. En réclamant l'exécution du contrat, le syndic
prend l'engagement d'exécuter les obligations du débiteur. Ainsi,
dans le cadre de la vente il doit payer le prix; en cas de location, il doit
s'acquitter du montant du loyer.
Cette obligation de fournir la prestation due, ressort (dans
le contrat de bail) de l'article 450 al. 3 du code de commerce qui dispose que
le syndic doit maintenir l'affectation des locaux loués à l'usage
du commerce et de l'industrie, en exécutant au fur et à mesure
des échéances, toutes les obligations résultant du droit
de la convention dont le paiement du loyer.
C'est le contrat en cours qui est exécuté, il n'y
a ni novation, ni renouvellement
et ce sont donc les prestations
prévues au contrat qui s'appliquent. Le syndic ne peut
faire un choix
pour écarter les clauses qui lui paraissent inopportunes comme
par
exemple, une clause attributive de compétence et une clause
compromissoire64.
Il a également l'obligation
d'exécuter le contrat jusqu'à son terme normal, tel
qu'il a
été prévu à l'origine par le débiteur et son
cocontractant. Il ne saurait
prétendre que le contrat ne
présente plus d'intérêt pour la masse et demander sa
63 Cass., soc., 7 janvier 1955, Bull., Civ., 4, n° 151 in
Charles KOUASSI : Traité des faillites et liquidations Judiciaires, ed.,
SOCOGEC, 1987, p. 135, n°344 ;
voir aussi RIPERT et ROBLOT: Traité
élémentaire de droit commercial, L.G.D.J. ed., 1964, p. 415
§ 2996
64 C. A., Paris, 31 Janv., 1963, J.C.P. ,1963. 1. 13083 et
Cass., com., 17 janvier 1956, R.T.D. Com., 1956, 116, obs. HOUIN
résolution.
2 - Exception : Le non paiement des arriérés
antérieurs au jugement déclaratif
Le syndic est-il tenu d'exécuter les engagements
antérieurs au jugement d'ouverture ? C'est une question
d'actualité.
L'obligation pour le syndic d'exécuter les prestations
résultant de son option ne fait pas de doute. Cependant le
problème se pose lorsqu'il est question des obligations
inexécutées par le débiteur avant le prononcé d'une
procédure collective.
Certains créanciers de droits successifs notamment,
dans les locations de meubles et de fournitures d'électricité
65ont entendu subordonner la continuation du contrat au
règlement intégral de l'arriéré de leurs
créances.
L'intérêt de la question se situe dans le fait
que, s'il est admis que la masse doit prendre intégralement les
obligations inexécutées du débiteur, le syndic doit payer
ces arriérés avant la poursuite du contrat par le cocontractant.
Cela peut en réalité poser des problèmes si ce contrat
s'avère indispensable pour la poursuite de l'exploitation.
Deux intérêts sont en jeu : celui de la masse
représentée par le syndic et celui du cocontractant. Le code de
commerce et le projet OHADA permettent à la masse d'exiger
l'exécution des contrats en cours mais ne précisent pas davantage
l'étendue de l'obligation qui lui incombe; de sorte qu'il n'est pas
précisément déterminé si le syndic est tenu
d'exécuter les prestations que le débiteur n'a pas
honorées avant le jugement d'ouverture.
C'est la jurisprudence et la doctrine qui vont essayer de
répondre à la question. Certains auteurs comme Percerou et
Desserteaux66admettent que dans les contrats successifs notamment,
dans la location des meubles, la masse n'est pas seulement débitrice des
loyers à échoir mais, également de l'exécution des
obligations antérieures au jugement d'ouverture.
65
Cass. com., 19 octobre, 1970, Bull., civ.,
IV, n° 271
66 PERCEROU et DESSERTEAUX: Des faillites et Banqueroutes, de la
liquidation judiciaire, 2 ème ed., T., 2, n° 596
De même, dans les ventes de marchandises, ils
considèrent que la masse ne peut réclamer la livraison du solde
des marchandises en offrant de payer seulement le prix de celles-ci; à
moins que dans l'intention des parties, les différentes livraisons ont
pu être considérées comme des ventes distinctes. Ces
auteurs se fondent sur le caractère unique et indivisible de ces
contrats qui impliquent -selon eux- que les obligations antérieures
doivent être accomplies préalablement à l'exécution
des obligations résultant de la levée de l'option comme l'a
jugé la cour de cassation française67.
La jurisprudence française 68récente
a rejeté cette prétention en se fondant sur le principe de la
prohibition du règlement préférentiel et sur le respect de
l'égalité des créanciers qui implique que, les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture doivent produire
à la masse leurs créances pour le reliquat qui leur est dû.
Ainsi, le syndic n'a l'obligation d'accomplir que les prestations qui lui
incombent, à compter de la levée de l'option.
Il y a lieu d'abonder dans le même sens que la cour de
cassation car, le principe de la prohibition du paiement
préférentiel s'oppose à ce qu'un traitement de faveur soit
accordé au cocontractant; ce qui serait le cas si le paiement des
arriérés était admis.
La cour de cassation admet que l'obligation de produire
à la masse le reliquat des sommes dues au cocontractant ne peut
être écartée que, s'il existe entre les prestations
convenues au contrat une indivisibilité naturelle absolue. Ainsi,
l'indivisibilité contractuelle prenant sa source uniquement dans la
convention des parties et qui deviendraient très vite une clause de
style que certains professionnels particulièrement avertis
inséreraient dans tous leurs contrats, ne peut écarter cette
obligation car, elle ruinerait totalement le principe sus
énoncé.
L'application de cette réglementation pose des
problèmes concernant le crédit
67 Cass., Civ. ,2 Juillet 1924, D., P. ,1926. 1.95
68 Cass., com., 22 Janv., 1974, D., S., 1974, 514 note F.
DERRIDA
Cass., com., 22 Janv.,1974, Dalloz Sirey, 1974, 514, Gaz.,
Pal;1974, 1, 445, note LEGARCHER- BARON
bail, en raison de la nature particulière de ce contrat
69
L'on s'est également demandé si le syndic peut
prendre l'engagement de verser l'intégralité des loyers
arriérés. Si un tel accord n'est pas contraire au principe de
l'égalité entre les créanciers chirographaires et s'il ne
constitue pas un traité particulier, nul en vertu de la loi.
La cour de cassation n'a pas admis un tel raisonnement. Elle
a jugé et admis le principe selon lequel70 l'article 6 de la
loi du 4 mars 1889, en permettant au débiteur assisté du
liquidateur de poursuivre l'exploitation du commerce avec l'autorisation du
juge commissaire, autorise par là même ce dernier à
continuer les contrats antérieurement conclus et à prendre en
charge toutes les obligations qui en découlent.
Elle a également estimé en l'espèce que,
la poursuite du contrat de location de machines ressortit à la poursuite
de l'exploitation et l'engagement de payer les arriérés au
cocontractant ne peut dès lors être considérés, ni
comme un paiement anticipé, ni comme un traité
particulier71.
Pour éviter le rebondissement de la discussion, le
législateur français a
69 Certains auteurs estiment que le syndic n'a pas à
payer à titre préférentiel les mensualités avant
l'ouverture de la procédure même si l'option d'achat est
levée en fin de contrat. Pour d'autres, c'est la solution contraire qui
doit s'appliquer en raison de l'indivisibilité des prestations. Le Pr
Fernand DERRIDA tout en reconnaissant que le versement d'une partie seulement
de la somme convenue entraîne un déséquilibre total du
contrat conclu, soutient que même à l'égard du
crédit bail, le syndic ne doit payer que les sommes dues à
compter de son option; car dit-il cette observation n'est pas
étrangère aux autres contrats
70 La cour de cassation a cassé
l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 06 Janvier 1958 qui avait
reformé le jugement du tribunal civil de Saint Marcellin du 13 Nov.,
1956, Dalloz, 1957, note crit., F. Gore. La cour d'appel de Grenoble avait
imposé au syndic qui a opté pour la continuation d'un contrat, a
payer les arriérés dus au cocontractant, voir R. T.
D. Com., 1961. 163, n° 45, obs., Houin
ou encore, R. T.
D. Com., 1957, 457, n° 20, obs.,
HOUIN
71 Cass. , com., 22 Janv., 1974, D., 1974, p. 514
et suivant. Le Pr Fernand DERRIDA soutient que lorsque le syndic s'engage
à régler les créances antérieures, cet engagement
doit être respecté. La cour de cassation a confirmé cette
solution dans un arrêt en date du 6 Fév. 1957, Bull. civ., III,
n° 46, p. 38
En de multiples circonstances, le syndic peut être
amené à prendre de tels engagements ; il en est ainsi notamment
quand il veut préserver la valeur du fonds de commerce. Par exemple,
pour l'exploitation d'un bar et le maintien du rayon tabac. Si le syndic ne
s'engage pas à payer à la régie les fournitures faites
avant le jugement, celle-ci met fin à la licence qu'elle peut
révoquer unilatéralement et ad nutum. Pour préserver au
mieux la valeur du fonds, le syndic agit dans l'intérêt de la
masse en prenant à sa charge les prestations exécutées
avant le jugement.
clairement consacré la solution de la jurisprudence en
ces termes. "Lorsque le syndic ou le débiteur réclame la
continuation d'un contrat, le cocontractant doit remplir ses obligations
malgré le défaut d'exécution de ses engagements, il
n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au
passif".
Le législateur ivoirien pourrait faire de même afin
de mettre fin à ce débat.