Elles diffèrent selon que l'on se trouve dans un cas de
faillite ou de liquidation judiciaire.
A - La juridiction compétente en cas de
faillite et liquidation des biens du projet OHADA : Le tribunal
Le tribunal est l'autorité compétente pour
autoriser la continuation en cas de faillite en droit positif ivoirien et dans
la liquidation des biens du projet OHADA. Le tribunal rend sa décision
au moyen d'un jugement. En effet, l'article 470 du code de commerce stipule que
l'exploitation à la diligence des syndics devra être
autorisée par le tribunal.
Allant dans le même sens, l'article 113 de l'acte
uniforme du projet OHADA sur les procédures collectives stipule que la
continuation est autorisée par la juridiction compétente. Cela
signifie que c'est cette compétence est exclusivement dévolue au
tribunal, à l'exclusion du juge commissaire.
Dans le souci d'une bonne administration de la justice, le
tribunal compétent pour prononcer le jugement d'ouverture est
également celui compétent pour autoriser la poursuite. Pour
éclairer et aider le tribunal à prendre une décision
convenable, un rapport est établi par le juge commissaire. En effet, la
décision de poursuivre l'activité, parce que lourde de
conséquence, nécessite un examen particulier de la situation de
l'entreprise. C'est au juge commissaire que revient cette étude.
Celui-ci rend sa décision sous la forme d'un rapport motivé,
conformément aux dispositions de l'article 470 du code de commerce.
De même, l'article 113 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives stipule que `la juridiction compétente
statue sur le rapport du syndic'. L'institution du rapport est admis dans les
deux procédures que sont la faillite et la liquidation des biens
à la différence que dans la liquidation des biens, le rapport est
établi par le syndic et non par le juge commissaire.
Ce rapport doit préciser de façon
détaillée la situation financière de l'entreprise de
manière à ce que le tribunal puisse en avoir une idée
nette afin de se décider convenablement.
Il devra notamment fournir des renseignements sur
l'état actuel de l'entreprise mais également sur son état
futur, en examinant les pièces comptables (le bilan, le compte de pertes
et de profits) de même que tous autres documents utiles à cet
effet.
Le tribunal devra être à même de voir les
avantages et les inconvénients d'une continuation d'exploitation. Si
l'entreprise présente des signes de viabilité et qu'une telle
poursuite apparait opportune, le syndic et le juge commissaire devront le
signifier dans leurs rapports en justifiant leurs décisions.
L'établissement de ce rapport exige des connaissances
en matière économiques et comptables. Cela pose en pratique
quelques difficultés, vue la formation des juges commissaires et des
magistrats en général. Ces derniers sont formés à
l'Ecole de la Magistrature, selon un programme de formation qui ne comprend pas
d'enseignements en matière comptable, si bien que les magistrats n'ont
pas les qualifications techniques appropriées pour la réalisation
de tels rapports.
Il serait donc opportun de revoir le curriculum de formation
des magistrats et y adjoindre un volet relatif à la comptabilité.
Il serait également souhaitable d'instituer une magistrature
économique qui se spécialisera dans les questions à
caractère économique. C'est à ce prix que ces derniers
seront compétents et établiront de bons rapports.
Cette réalité a conduit les auteurs de la
réforme du projet OHADA à confier la rédaction du rapport
aux syndics qui sont des professionnels dans ce domaine. L'exigence du rapport
est une formalité substantielle sans laquelle le jugement
autorisant la continuation serait frappé de
nullité. Les règles en matière de procédures
collectives étant d'ordre public, la nullité sera absolue et
pourra être invoquée par toute personne intéressée.
Ce jugement ne pourra plus produire d'effets juridiques dans l'avenir et sera
anéanti pour le passé au cas où il aurait
été exécuté.
Cette sanction sévère traduit la
particularité et la délicatesse de la poursuite de
l'activité dont il faut s'assurer qu'elle n'aggravera pas la situation
de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle l'autorisation ne doit
être donnée que si la continuation est jugée opportune et
insusceptible d'accroitre le passif. Ce motif justifie également le fait
que le défaut de rapport soit sévèrement
sanctionné.
Le juge commissaire et le syndic n'établissent que le
rapport, la décision finale étant du ressort du tribunal.
B - L'Organe compétent en cas de liquidation
judiciaire (en droit positif ivoirien) : Le juge commissaire
Dans la procédure de liquidation des biens, la
continuation de l'activité est ordonnée par le juge commissaire
qui est seul compétent en ce domaine, à la différence de
la faillite et la liquidation des biens où la continuation est
ordonnée par le tribunal.
Cette différence d'autorités compétentes
est fondée sur le caractère «plus ou moins grave» des
procédures en présence.
En raison des effets fâcheux de la faillite et la
liquidation des biens, le législateur les a soumises à une
procédure judiciaire lourde et complexe, contrairement à la
liquidation judiciaire dont les effets sont relativement moindres. Aussi, la
liquidation judiciaire a-t-elle été soumise à une
procédure souple du seul ressort du juge commissaire.
L'article 6 de la loi du 4 Mars 188 relative à la
liquidation judiciaire stipule que le débiteur assisté peut
continuer l'exploitation avec l'autorisation du juge commissaire qui statue par
voie d'ordonnance.
Contrairement à la faillite, ce magistrat ne statue
pas sur rapport dument motivé. La loi précitée ne
prévoit pas l'établissement d'un tel rapport car les risques
d'aggravation du passif dans cette procédure sont beaucoup plus
réduits qu'en matière de faillite. Cependant, force est de
reconnaitre que le juge commissaire doit tout de même procéder
à l'examen des garanties de fonctionnement de l'entreprise. Il n'a
certes pas l'obligation de produire un rapport, mais il est tenu
d'apprécier l'opportunité d'une continuation. Celui-ci doit
mettre en relation les avantages et les inconvénients d'un tel projet
car la poursuite ne doit pas générer plus de pertes que de
profits.
Les rédacteurs du projet OHADA vont une fois de plus
rompre avec les solutions habituelles et apporter une innovation de taille dans
le redressement judiciaire.
Paragraphe II - Innovation du projet OHADA :
Continuation de plein droit en cas de redressement judiciaire
C'est l'article 112 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives du projet OHADA qui va énoncer le principe
de la continuation de plein droit en cas de redressement judiciaire. Cet
article stipule que «en cas de redressement judicaire, l'activité
est continuée avec l'assistance du syndic, sauf décision
contraire du juge commissaire.»
La poursuite de l'exploitation dans cette procédure
n'est subordonnée à aucune décision; elle se fait
d'office, sans discontinuité avec l'assistance du syndic. Point n'est
besoin qu'elle soit expressément autorisée5, elle se
poursuit dès le prononcé du jugement déclaratif de
redressement judiciaire indépendamment de l'avis du juge commissaire et
du tribunal.
Toutefois, lorsque la continuation de l'activité est
susceptible d'aggraver le passif de l'entreprise ou lorsqu'elle ne
présente pas d'intérêt ou est inopportune, le juge
commissaire qui exerce la surveillance de la procédure, peut s'opposer
à ce qu'elle soit
5 Yves GUYON, Droit commercial : Entreprises en
difficultés, redressement judiciaire, faillite, Paris, les cours de
droit, 1985à 1986, p. 214, in J-Cl., com., 1977, T. 8, «car qui dit
période d'observation dit espoir de redressement ; or sans poursuite
d'activité, le redressement serait impossible, du moins très
aléatoire. Par conséquent, poursuite d'activité et
période d'observation ne peuvent exister l'une sans l'autre>.
poursuivie. Si les raisons invoquées par le juge
commissaire en faveur de non continuation sont admises, celle ci sera suspendue
de façon exceptionnelle.
Cette innovation du projet OHADA, inspirée du droit
français actuel, fait de la continuation un principe dans le droit de la
réforme, contrairement au droit positif ivoirien ou elle demeure une
exception.
Le fondement de cette innovation réside dans des
raisons de commodité. En effet, l'on estime qu'il n'ya pas lieu
d'arrêter la continuation d'une entreprise qui présente des signes
de viabilité. Cette l'activité doit être maintenue et
poursuivie car elle peut générer des fonds.
Dans le redressement judiciaire, la continuation est
essentielle puisqu'elle vise à replacer le débiteur à la
tête de son entreprise après le concordat. Il importe donc que ce
dernier retrouve, autant que faire se peut, un instrument de travail et une
clientèle intacts.