3.5 - Cadre biologique
Pour appuyer s'il en était besoin, les
appréhensions des professionnels, un étudiant a
dévoilé une difficulté d'ordre physiologique, identifiant
une corrélation entre la fatigue physique et le déficit
d'attention : « La fatigue accumulée au
départ, (...), joue énormément sur
l'attention. » Arnaud pose alors la question de
l'intérêt de faire suivre le planning des étudiants
à celui des professionnels qui les forment invoquant le statut
particulier des étudiants puisqu'ils sont, effectivement, en situation
d'apprentissage et non en situation de travail.
En évoquant ces propos auprès des
professionnels, les réponses ont été vives et critiques
envers cet étudiant, invoquant des « il n'a pas fini de se
plaindre » ou des « de toute façon
maintenant c'est comme ça, ils ne veulent plus faire de
concession » dans un ensemble unanimement réprobateur.
Cependant, en conversant un peu plus longuement, la difficulté
principale évoquée par les professionnels sur leur exercice est
la fatigue. Cette fatigue est volontiers attachée à une
pénibilité du travail, un grand nombre de responsabilités,
une attention constante demandée, une disponibilité de tous les
instants... mais la difficulté des horaires n'est que rarement
évoquée. Ceci est étonnant au sens de remarquable quand on
sait que le travail sur deux horaires complémentaires entraine
assurément ce que pointe Arnaud quand il nous dit
qu' « il n'est pas normal entre 20 et 25 ans de faire une
sieste l'après midi pour récupérer » car
« nous nous levons (...) à des heures différentes
tout le temps. » Il semble s'exercer ici un déni total de
la fatigue pourtant ressentie par tous et ne pouvant résulter, en terme
biologique, d'aucun autre facteur qu'une dette de sommeil effective.
Pour tenter de comprendre ce déni il faut
peut-être analyser le cadre requis pour effectuer ce travail, saisir
pourquoi cette fatigue physique se doit de ne pas être placée au
centre des problèmes, laissant penser qu'il n'est pas convenable d'en
parler. En abordant le sujet avec les professionnels, ils ont d'ailleurs
été, pour la plupart, étonnés d'apprendre qu'ils
n'étaient pas seuls à pratiquer la sieste et que cette pratique
se retrouvait couramment dans leur communauté, comme si ce sujet
était presque tabou en-dehors de la fatigue autorisée suite
à des sorties entre amis ou en famille.
Le fait même qu'un seul des étudiants
interrogé nous ait parlé de cette fatigue physique semble abonder
dans le sens de ce tabou que chaque futur infirmier doit intégrer dans
son habitus professionnel alors même que, justement, la jeunesse de ces
étudiants devrait faciliter la récupération de ces
horaires à contre-sens de l'enseignement du respect des rythmes
biologiques effectués par les infirmiers auprès des patients.
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