Chapitre 3
Résultats et analyse des données
« A mesure que la philosophie progresse, elle
retire la vie et l'activité aux objets et les laissent inactifs et
morts. On trouve qu'au lieu de se mouvoir volontairement, ils sont mus
nécessairement ; qu'au lieu d'agir ils pâtissent ; et la
Nature apparait comme une grande machine dans laquelle une roue est mise en
mouvement par une autre ; celle-ci par une troisième ; et
jusqu'où se poursuit cette succession nécessaire, le philosophe
l'ignore. » in Essai sur les facultés actives de l'esprit
humain, REID Thomas.
1 - Point de départ
de la recherche
Pour démarrer notre travail, nous avons d'abord
réalisé deux entretiens exploratoires, l'un auprès d'une
directrice d'IFSI et l'autre auprès d'une directrice de soins d'un site
de CHU. Au travers de ces entretiens, nous voulions aborder deux visions
différentes de la réforme au niveau des stages pour mieux
réaliser les enjeux de cette réforme et également ce
qu'elle mettait à jour en leur sein.
Les entretiens ont été non-directifs pour
laisser libre cours au développement d'aspects qui ne nous
étaient pas encore dévoilés et, à l'exception de
quelques relances placées dans le cheminement des enquêtés,
les entretiens ont été des monologues avec pour seul thème
d'approche une narration de ce qui a été mis en place dans le
cadre de la réforme sur le plan des stages cliniques. Ces entretiens ont
été très productifs et je remercie bien leurs auteurs pour
tout ce qu'ils nous ont apporté, autant en termes de précision
sur la réalité de la mise en place de la réforme que pour
les questions et réponses qui ont découlé de l'analyse de
ces entretiens. C'est l'analyse thématique des entretiens exploratoires
qui apporte le plus la preuve d'une dissonance entre volonté de
partenariat et manque de confiance envers ses partenaires (cf. annexe
n°8).
Ainsi, la directrice d'IFSI interrogée défend
avec vigueur la qualité actuelle de la formation dispensée par
les infirmières auprès des étudiants dans les stages
cliniques, « l'infirmière de proximité était
déjà responsable (...) elle a la capacité et les
compétences » mais dénonce par ailleurs le manque
de rigueur de son évaluation :
« l'appréciation était relativement rarement
extrêmement explicite, en fait il y avait des écrits mais qui
n'étaient pas nommés, il n'y avait pas de publication ni
rien. »
Le partenariat entre centre de formation et terrain de stage
quant à lui oscille entre une volonté de faire mieux et un espoir
perçu comme un Graal inaccessible. Ce partenariat va ainsi de l'envie de
« valoriser déjà un partenariat qui
existait » à l'énonciation d'une maxime que l'on
entend un peu comme une comptine que l'on réciterait sans vraiment
croire à ce qu'elle dit : « il faut vraiment que
cette complémentarité se mette en place. (...) Qu'il faut que
là, sur le début de l'année 2010, on ait vraiment, un
étayage qui soit beaucoup plus important qu'on ait vraiment quelque
chose qui se consolide et puis, j'vous dis, il faut vraiment qu'on se fasse
confiance les uns les autres et c'est vrai que.. »
Il est également à noter qu'autant du
côté du terrain la directrice des soins semble espérer la
construction d'un travail commun et énonce cette idéologie,
notamment pour la validation des stages pour laquelle elle affirme que
« le service va valider les compétences (...) en
partenariat avec les IFSI » alors que pour la directrice de
l'IFSI « c'est l'enseignant de suivi pédagogique qui va
valider le stage. » Alors même que le partenariat devrait
ici se faire dans les meilleures conditions, la directrice des soins ayant eu
la fonction de formatrice durant sa carrière, on constate que les a
priori et les préjugés restent prégnants et que la
confiance requise en la fonction pédagogique de l'infirmière
n'existe pas encore au sein de l'institut de formation qui a le regret de ce
qui aurait pu être mais ne sera pas : « l'idéal
aurait été qu'on puisse aller, qu'on puisse les emmener dans les
stages ... de voir venir en stage travailler avec eux pour faire une
activité, une matinée, un truc comme
ça. »
Qu'est ce qui pourrait permettre aux instituts d'avoir
confiance dans les compétences qu'ils vont désormais valider au
sein de la nouvelle formation infirmière ? Les stages cliniques
sont-ils lieux de dissonance perpétuelle pour les étudiants ou,
au contraire, permettent-ils une meilleure attitude réflexive ?
Quel rôle les professionnels ont-ils réellement au sein des
stages ? Nos questions se précisent et s'affinent pour mieux aller
observer.
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