5 - Traitement des
données
Ce travail de recherche ne s'est pas construit de
manière continue avec un temps donné pour chaque étape, de
l'engrangement théorique au recueil puis à l'analyse des
données. Intégrer la théorie s'est fait autant au moment
de l'angoisse de démarrage de la recherche qu'à la construction
des outils de l'analyse. Ainsi avons-nous utilisé chaque moment pour
faire un retour sur notre posture de recherche, et l'analyse s'est
également construite pas à pas, évoluant et s'affinant
à mesure que le travail sur le terrain progressait. Nous sommes partie
du terrain pour construire cette recherche, aussi la posture inductive
s'explique-t-elle naturellement. Mais, si les débuts de ce type de
démarche pouvaient laisser envisager qu' « un seul appel
à l'expérience peut suffire, et le résultat peut
être enregistré sous la forme d'une proposition
générale, qui est confiée à la mémoire ou au
papier et de laquelle on n'a plus ensuite qu'à syllogiser »
(Mill, 1866, 224) nous avons, nous, préféré garder ce
principe de va-et-vient entre le terrain et l'analyse :
« observer le monde, penser ce que l'on a vu, et retourner observer
le monde »(Becker, 2002, 234). Comme nous l'avons exposé
précédemment à la lumière de la microsociologie de
Goffman, la principale difficulté qu'il a fallu surmonter a
été la prise de posture épistémologique qu'il nous
a semblé opportun de conserver pour rendre compte de ce que nous avions
pu observer via notre recueil de données.
« La conclusion, dans une induction, est
tirée des faits apportés en preuve, et non de ce que ces faits
ont été reconnus suffisants ; j'infère que mon ami
marche auprès de moi, parce que je le vois, et non parce que je constate
que mes yeux sont ouverts et que la vue est un moyen de
connaissance » (Mill, 1866, 232). Difficile retour sur l'observation
en terme de conservation de l'objet que l'on regarde, il nous faut garder
à l'esprit que nous ne voyons que ce que nous nous sommes donnée
la peine de pouvoir observer, et nous devons accepter de faire le deuil de tout
ce que nous avons perdu en faisant le choix de voir une chose plutôt
qu'une autre.
Rentre compte de la réalité sera donc rendre
compte de ce qui fait que les faits semblent réels aux acteurs, à
un moment donné et dans des circonstances particulières, tout en
gardant à l'esprit que « La totalité des faits actuels
est l'infaillible résultat de tous les faits passés, et, plus
immédiatement, de tous les faits existant le moment d'avant. »
(Mill, 1866, 415) L'utilisation du concept de cadre de Goffman qui nous
explique que nous disposons de cadres qui nous permettent de définir les
situations et que ces cadres sont, le plus souvent, mobilisés sans en
avoir conscience, « même si aucun de nous ne saurait dire
pourquoi », (Goffman, 1991, 21) nous a permis de mieux rendre compte
de l'expérience de chacun. Ces cadres nous permettent de faire face
à la plupart des situations, des plus banales à ce qu'il y a
de bizarre dans la vie sociale et, comme Goffman, nous nous occupons
« de l'expérience individuelle de la vie sociale. »
(id, 22) Alors que cette approche nous permet de faire le lien avec les apports
bourdieusiens, nous reconnaissons, dans notre travail actuel, la limite de nos
données, une limite qui ne nous autorise pas à aller
conquérir les structures sociales mais qui nous permet néanmoins
de rendre compte de l'expérience de formation vécue par les
infirmiers de leur premier stage à leur maturité professionnelle.
C'est le but que nous avons cherché à atteindre dans ce travail
et nous présentons donc en suivant les résultats et analyses qui
nous ont été révélés au travers du point de
vue déterminé par l'ensemble de ces techniques et méthodes
utilisées.
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