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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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SECTION II- LA JUSTIFICATION DES SOLUTIONS DE PIS-ALLER

A- La nécessité de telles solutions

Quelle que soit le cours que prendra finalement le développement du droit international, celui-ci ne se dessinera que dans un avenir plus ou moins lointain. Pour le présent, nous sommes indiscutablement dans une période transitoire entre les deux ordres juridiques dont l'ancien perd de jour en jour l'efficacité et dont le nouveau reste une inconnue. Pendant tout le temps que durera ce stade, il faudra se contenter de tâtonnements, tout en essayant de limiter autant que possible, par un empirisme sain, les inconvénients qui s'attachent inévitablement à toute oeuvre de transition.

Malgré l'état d'incertitude qui caractérise le droit des gens, il faut trouver sans tarder une solution aux questions toujours plus nombreuses qui se posent à l'instar des déclarations interprétatives unilatérales. La vie internationale se déroule sans se soucier des difficultés qui se posent pour sa réglementation. L'évolution ininterrompue des rapports interétatiques exige des mesures immédiates. Evidemment, nous semble t-il, une solution actuelle en ce qui concerne les déclarations interprétatives, compte tenu de ce que les deux dernières conventions relatives aux droit des traités n'ont pas solutionné la question, ne pourra être que passagère et provisoire en attendant qu'une évolution provisoire ou passagère se dessine plus clairement. C'est ce résultat d'un tâtonnement plus ou moins efficace que nous appelons solution de pis-aller. Des besoins se font jour auxquels le droit classique ne peux suffire. La pratique tâche de les régler tant bien que mal et la doctrine essaie d'en déduire les principes nouveaux46(*). L'issue plus ou moins convaincante de ce processus constitue la solution de pis-aller. Elle n'est d'ailleurs jamais définitive, mais se développe à mesure que la nécessité pratique dont elle née prend de l'ampleur et se précise.

Les solutions de pis-aller son inévitables. A moins d'être utopiste, on ne peut inventer de toutes pièces un droit nouveau et, sauter ainsi d'un seul élan une longue

évolution à venir. Il semble au contraire, que cette évolution, sera elle-même conditionnée en partie par des solutions transitoires de pis-aller, lesquelles la favoriserons ou la retarderont. Tout dépendra de leur capacité à régler les questions qu'elles traitent. Une évolution ne peut s'accomplir sans bases et celles-ci ne seront pas jetées d'un seul trait, pas plus que le droit ne naîtra en un seul jour.

B- Les conditions de validité de telles solutions

Nous venons de voir pour quelles raisons les solutions de pis-aller s'imposent. Il est clair qu'elles n'auront de justification que leur capacité de suffire au but pour lequel elles ont été conçues. De là, découle un ensemble de conditions sans lesquelles elles ne sauraient être valables.

1) Ne pas prétendre être définitive

Tout d'abord, aucune solution de pis-aller ne doit prétendre être définitive. Elle ne peut convenir qu'à un stade dans l'évolution de la question qu'elle concerne, question qui s'amplifiera peut être ou au contraire disparaîtra. Il en découle à la fois une limitation et une simplification de la tâche à accomplir. Limitation en ce sens que seuls sont à considérer les facteurs d'une évolution proche et plus ou moins assurée. Simplification du fait que la solution peut s'inspirer uniquement des éléments connus de la question et doit pas contenir des échappatoires en vue des problèmes à venir.

2) La solution doit être pratique

Puisque le droit des gens ne dispose d'aucune autorité efficace pour la rendre obligatoire, une règle doit s'imposer par elle-même, en écartant des complications et sans créer des sources de controverses nouvelles. Pour réaliser cette condition, la solution doit d'abord être simple. Il faut qu'elle puisse couper court aux conflits par un principe unique et non par une casuistique compliquée. Plus embarrassante que la

question à régler. Elle doit aussi s'adapter dans la mesure du possible au régime auquel elle s'incorpore. Cette adaptation ne pourra jamais être entière puisque la solution porte sur un problème qui dépasse le cadre de l'institution classique au sein de laquelle il se pose. Cependant, en évitant d'introduire trop de principes opposés et contradictoires dans une institution unique, la solution aura les plus grandes chances de succès. Elle renforcera en même temps une institution déjà chancelante.

3) La solution doit se garder d'une rigueur excessive

Puisque la solution de pis-aller concerne une question en pleine évolution, elle doit, malgré son caractère passager, se garder d'une rigueur excessive. On ne peut tout de même pas changer de solution à chaque instant. Seule une certaine stabilité peut assurer une évolution saine du droit des gens. C'est pourquoi une solution de pis-aller doit contenir un minimum de souplesse qui la rend apte à subir le changement normal de circonstances. Par contre, il serait inopportun, de renoncer en fait à toute solution sous le couvert d'une fausse souplesse. Quand tout le problème peut revivre à l'intérieur de la « solution », grâce à des prévisions pour circonstances particulières, celle-ci est aussi dangereuse que tout autre de droit qui camoufle un conflit en proclamant sa suppression. Les organismes internationaux ont déjà trop péché en ce sens.

4) Risques inhérents

Le plus grand risque que court toute solution de pis-aller est certainement de vouloir jeter d'ores et déjà les bases complètes d'un « droit nouveau ». En proposant un principe général, comme l'a fait le professeur Alain Pellet dans ses développements très intéressants relatifs aux déclarations interprétatives47(*), elle peut s'attaquer aux questions même les plus disparates. Tous ces développements à notre sens sont encore dans leur stade primitif pour qu'on puisse déjà imaginer les lois de l'évolution future.

C- Les conclusions qui s'imposent quant aux déclarations interprétatives

La déclaration interprétative semble typique d'une évolution qui doit aboutir à une solution de pis-aller et non autre chose. Il apparaît clairement que les relations internationales en ce moment font naître dans la conclusion des traités des problèmes que le droit classique n'est pas en mesure de résoudre. Certaines tentatives comme celle de la théorie de la clausula rebus sic stantibus, ou celle de l'engagement contractuel de se réunir au bout d'un certain moment pour réviser le traité conclu, malgré leur utilité incontestable, pour apporter l'assouplissement nécessaire au régime des traités se sont révélées insuffisantes. Dès lors, deux questions se posent : la pratique des déclarations interprétatives constitue t-elle une solution de pis-aller acceptable ? Si oui, dans quelles conditions cette solution seras vraiment efficace ?

* 46 La Commission de droit international oeuvre dans ce sens.

* 47 In Troisième rapport sur les réserves aux traités, op.cit.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe