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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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TROISIEME PARTIE

DECLARATIONS INTERPRETATIVES, PIS-ALLER ET VUES

PROSPECTIVES

CHAPITRE PREMIER : PREFACE

Pour rechercher à la question des déclarations interprétatives une solution qui soit en accord avec le sens de l'évolution générale du droit international et les principes qui s'en dégagent, il faudrait avant tout évoquer brièvement cette évolution avec les réflexions qu'elle a inspirées aux juristes. Ensuite, il faudra tirer les leçons qui s'en dégagent pour nous, et particulièrement les considérations qui s'imposent désormais pour la question des déclarations interprétatives. Tout cela sera le but de cette introduction qui constitue nécessairement un tour d'horizon dépassant les cadres strict de notre sujet.

SECTION I- APERCU DE L'EVOLUTION RECENTE DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

A- Point de départ : le droit classique

1) Les sources

Toutes les règles qui régissent aujourd'hui les relations internationales ont leurs bases historiques dans le droit international classique qui fut à son apogée à la fin du XVIIIème siècle. Il s'est formé peu à peu entre des nations faisant partie de ce que le moyen âge connaît sous le nom de chrétienté. Ces mêmes pays ont participé au grand remous d'idées de la renaissance et ce sont inspirés des doctrines du XVIIIe siècle. Dans ce monde, connu aussi sous le nom de cercle culturel occidental, était alors appliqué un ensemble de règles basées sur une morale chrétienne commune, règles dont la validité n'était nullement remise en question par leurs sujets, même si leur

portée et leur fondement philosophique faisaient l'objet d'âpres discussions entre l'école positiviste et celle du droit naturel. Les règles du droit classique se distinguaient par leur homogénéité dérivant de leur base idéologique et morale commune. Grâce à cela, elles étaient appliquées avec une certaine régularité, même si elles contrecarraient quelques fois des intérêts particuliers. Elles avaient, aux yeux de ceux qui les invoquaient, un caractère d'universalité facile à comprendre quand on se représente qu'à ce moment la domination du monde non européen par les nations européennes atteignit une ampleur sans précédent. Grâce au colonialisme et la puissance supérieure des nations européenne, le droit classique semblait régir le monde entier.

1) L'élargissement du champ d'application

Cependant, cette domination était quelque peu illusoire dans la mesure où c'étaient les puissances colonisatrices qui traitaient entre elles pour se partages des colonies ou qui imposaient leur façon de voir aux pays non colonisés. C'est seulement au siècle dernier que le droit classique, ou plutôt ce qui en issu, fut appliqué par les nations européennes. Sur le continent américain, des pays nouveaux prirent naissance qui, en tant qu'anciennes colonies étaient peuplés d'une majorité d'émigrants d'origine européenne. Un pays asiatique comme le Japon, semi-asiatique comme la Turquie ou même, dans une certaine mesure, la Russie tsariste avec ses vastes territoires asiatiques et ses intérêts puissants du côté occidental, traitaient désormais sur un pied d'égalité avec les nations européennes. Tous ces pays ont adopté naturellement le droit classique comme étant celui qui était universellement appliqué.

De pair avec l'agrandissement de son champ d'application territorial, va la naissance d'un nombre insoupçonné de sujets nouveaux soumis dorénavant au droit international. La révolution des communications internationales, dans toute l'acception du terme, créa une quantité extraordinaire de questions à liquider. Il fallait s'occuper de la circulation internationale des biens et des idées par des moyens

toujours nouveaux que mettaient au point une technique en progression constante. Mais c'est notre siècle qui a certainement apporté les plus grands changements à l'ancien état de choses. Ils concernent avant tout les efforts d'organisation internationale, la naissance d'idéologies nouvelles et une profonde transformation de la politique internationale. Les deux guerres mondiales ont provoqué l'éclatement total ou partiel d'anciens empires qui étaient soit des associations d'Etats européens, soit des empires coloniaux. De ce fait, le nombre de pays nouveaux admis à traiter sur un pied d'égalité avec les Etats européens n'a cessé de croître. En même temps, pour couper court aux innombrables conflits qui risquaient de faire naître ce morcellement du monde en petites nations, on créa des organisations internationales comme foyers de discussions en vue de régler toute dissension.

B - L'apparition des règles nouvelles et du principe de nationalité

1) La formation des Etats

La création de ces pays nouveaux se faisait selon le principe de nationalités qui exigeait la réunion de toute population formant un groupement ethnique, culturel et historique dans un même Etat. Il est évident que cela favorisait le sens de la communauté, d'autant plus que cette reconnaissance d'être un Etat national était souvent acquise à la suite d'une longue lutte et de sacrifices communs. Tout cela ne manquait pas d'avoir des répercussions profondes sur les relations internationales et, par là, sur le développement du droit des gens qui se voyait de plus en plus en plus confronté aux problèmes entièrement nouveaux.

Une dernière évolution très importante vient de se dessiner ces dernières années seulement. En effet, jusqu'ici, la société internationale avait une structure atomique à base de différents Etats qui s'alliaient tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, afin de réaliser des objectifs essentiellement nationaux. A présent, on assiste à la formation d'une société moléculaire qui divise le monde en quelques petits groupes de puissances concentrées généralement autour d'un pays important.

Ces groupes sont plus ou moins homogènes et visent la réalisation d'intérêts et d'objectifs communs à leurs adhérents. En outre, les liens entre les membres de ces groupes sont souvent renforcés par une idéologie commune ou le fait d'appartenir à un monde culturel identique. Ce développement compromet fortement le principe de l'égalité de tous les sujets de droit qui est un des fondements du droit international classique.

2) L'inflation des règles nouvelles et la modification des règles anciennes.

Les profondes transformations de la vie internationale ont eu un double effet sur le développement du droit classique. D'une part, on assiste à la création d'un nombre impressionnant de règles nouvelles à caractère administratif ou technique qui s'occupent de problèmes neufs, inconnus du droit classique. D'autre part, on constate une importante modification de l'interprétation et de l'application de celles qui ont subsisté. Les règles nouvelles concernent tout d'abord les problèmes posés par le développement des communications internationales. C'est dans ce domaine qu'on trouve le plus grand nombre de règlements. Leur élaboration correspond en général à un besoin universel et ne touche que de peu aux intérêts jugés vitaux par les différents Etats. On y trouve très peu de conflits et le développement du droit international se fait d'habitude d'une façon saine et utile. En outre, les problèmes nouveaux ne pouvaient être prévus lors de la naissance du droit classique, de sorte que ce développement peut largement se faire en marge des principes. Un second groupe de règles nouvelles est formé par les tentatives de s'organiser sur le plan international. Ce sont des statuts de différents organisme et leurs efforts en vue d'acquérir une influence quelconque dans le déroulement des relations internationales. Ici, l'oeuvre est beaucoup plus douteuse. Une tendance à considérer certains désirs plus ou moins utopiques comme des faits actuels a provoqué la création d'un nombre impressionnant de règlement qui restent partiellement ou complètement en marge de l'actualité internationale. Nous avons ainsi en apparence, une imposante législation internationale qui consiste largement dans un camouflage des conflits et problèmes

réels. Cet état de choses n'a guère favorisé le respect du droit international à une époque où les dures réalités font plus que jamais la loi. Beaucoup de personnes sont ainsi amenés à voir dans le droit international, une survivance désuète du passé qui n'a plus aucune utilité réelle dans l'évolution des relations internationales.

Un troisième groupe de règles est plus ou moins lié au second. Il s'occupe de réglementer les conflits internationaux qui n'ont pu être évités. Un pareil règlement s'est imposé le jour ou les progrès techniques ont complètement bouleversés la notion de guerre. Malheureusement, les règles élaborées, pour indispensables qu'elles soient, ont subi l'esprit utopique qui règne trop souvent dans les organisations internationales. Pour être bien faites, elles sont généralement restées inappliquées, sans oublier le fait que l'absence d'un pouvoir supérieur coercitif sur le plan international rend difficile de les imposer aux parties belligérantes.

Si l'élaboration des règles nouvelles se solde par un échec au moins partiel, le sort des règles formant le droit classique n'a guère été meilleur. Tout ordre juridique, pour être efficace, a besoin d'un fondement moral et même, jusqu'à un certain point, d'une base idéologique qui le justifie aux yeux de ses sujets et renforce ainsi son application. Un tel fondement est plus indispensable encore au droit international qui ne connaît pas la possibilité de renforcer une réglementation par la puissance d'un pouvoir superposé aux sujets de droit. Or, ce qui précède montre justement que nous assistons à l'effondrement complet de bases morales et idéologiques du droit international classique. Non seulement il est appliqué par les Etats qui n'ont jamais fait parti du cercle des culturel occidental chrétien, mais les nations même qui en font partie se détachent plus ou moins de son idéologie commune pour s'adonner à des principes nationalistes.

Par conséquent, les Etats ne reconnaissent, pour la plupart aux règles du droit international d'autre raison d'être que leur application pendant un temps assez long. Alors, il ne faut guère s'étonner de leur façon cavalière de les interpréter et de les appliquer. C'est une conséquence tout à fait logique du développement d'idées en ce début de siècle que chaque Etat, se croit non seulement justifié, mais surtout obligé de les interpréter certaines dispositions normatives selon ses principes nationalistes

et, s'il en a une, selon son idéologie particulière. Il n y a pas, dès lors, de quoi s'étonner si nous constatons une inflation considérable de la pratique des déclarations interprétatives unilatérales dans le champ conventionnel. La tendance à ne pas respecter le droit international a en même temps pour effet de renforcer le retour des relations internationales vers le principe de la politique de force, retour qui est surtout causé par la formation de blocs très puissants. Si dans une société internationale atomique, il est souvent beaucoup plus difficile de prévoir toutes les répercussions d'un acte de force, il devient plus simple de mesurer l'importance des facteurs en concurrence lorsque les éléments à considérer sont en nombre restreint. En même temps, l'accumulation de puissance à un niveau jusqu'ici inconnu, donne à ces blocs une conscience accrue de leur capacité et les incite à ne pas tenir compte des règles de droit qui forment un obstacle à leurs ambitions.

C- Les perspectives d'avenir

1) Risques de désagrégation

Si l'on veut rendre compte des possibilités de développement futur du droit international, droit qui nous apparaît comme étant en pleine déliquescence, il faut se rappeler les caractéristiques particulières du droit des gens. La société internationale est caractérisée par une égalité théorique plus ou moins réelle de ses membres auxquels ne s'oppose aucun pouvoir supérieur. Dès lors, toute règle de droit doit renoncer à vouloir s'imposer par coercition et ne peux espérer être appliquée qu'en raison de son utilité ou de son acceptation par les sujets de droit international. Toute évolution du droit international ne peut donc être efficace si elle ne se base pas sur l'acceptation implicite ou explicite de ses sujets. Les déclarations interprétatives n'auront plus alors leur raison d'être- ce qui veut dire qu'elle doit correspondre à une morale internationale qui, vu l'opposition irréductible entre les morales nationales et les aspirations d'une société internationale, devra se former en marge de celle là. A notre sens, les hypothèses suivantes se dessinent alors pour un développement futur.

a) Faute d'une base nouvelle, le droit des gens se dissout complètement et nous retournons à un état plus ou moins anarchique des relations internationales. Cette possibilité suppose le renforcement de la tendance actuelle vers la formation d'un tout petit nombre de superpuissances, soit par intégration des nations qui les composent, soit par la naissance de fédérations supranationales localisées - le Conseil de l'Europe par exemple. Avec aussi peu de sujets, les relations internationales n'auront plus un besoin absolu de règles, et leur détermination par les seuls facteurs de puissance réciproque semble possible.

b) L'importance croissante des communications internationales et l'interdépendance de plus en plus forte fini par aboutir à une nouvelle morale internationale, peut être très rudimentaire, mais suffisante pour servir de base à de nouveaux principes régissant les relations internationales. Ce pourrait être le cas si une épreuve de force entre les blocs de puissance en compétition amenait à leur éclatement et rétablissait, sous forme différente peut être une structure plus atomique de la société internationale.

2) L'élargissement du champ d'application

Une compétition entre puissances pourrait également se solder par la victoire totale de l'un d'eux, surtout si, grâce à une idéologie commune de ses membres, il présente une telle cohésion qu'il ne s'intègre pas devant l'absence d'un adversaire sérieux. Dans ce cas, une morale internationale en accord avec cette idéologie victorieuse pourrait imposer les règles d'un droit nouveau. En dépit de toutes les apparences défavorables à un tel développement, il se pourrait qu'un organisme supranational universel autre ou en remplacement de l'O.N.U vît le jour qui, fort de son pouvoir législatif, imposerait des règles selon lesquelles devraient se dérouler désormais les relations internationales. Ce serait la fin du droit des gens qui deviendrait le droit public d'un Etat universel.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams