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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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SECTION II- LES CONSEQUENCES DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES SUR LES RELATIONS CONVENTIONNELLES

A- Sur la nature et les effets des déclarations interprétatives unilatérales

1) L'étendue de l'effet des déclarations interprétatives

Ce que nous avons vu jusqu'ici à propos de l'évaluation et de l'admissibilité des déclarations interprétatives nous a montré que même si celles-ci s'apparentent aux réserves, elles ont leurs caractéristiques propres. Elles sont des actes juridiques unilatéraux qui visent, grâce à l'interprétation qu'elles proposent, à sauvegarder une position juridique, à empêcher la cristallisation d'une pratique ou au contraire à l'y aider. La question qui se pose dès lors est celle de savoir comment es-ce que tout cela peut passer. Nous avons constaté que le jugement sur l'admissibilité des déclarations interprétatives prend la forme d'un acte unilatéral par lequel l'Etat objectant refuse que le contenu de la déclaration interprétative lui soit opposé. Bien évidemment, tout

cela est possible compte tenu de ce que la nature inorganique des relations internationales et du droit international implique une structure axée sur le consentement réciproque des Etats. On ne saurait donc opposer le contenu d'une déclaration interprétative à un Etat qui a déclaré s'opposer à cette interprétation34(*).

En outre, il faut souligner que la structure même de la convention de Vienne se base sur la dynamique consensuelle, même pour les déclarations interprétatives unilatérales. En effet, si la convention de Vienne a adopté une méthode objectiviste axée sur la valorisation du texte, elle a aussi admis qu'on puisse interpréter la disposition d'un traité d'une manière conforme à ce qui résulte de l'examen d'autres instruments formés par les parties aux traités. L'article 31.1 indique qu'un traité doit être interprété « suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte », et, encore, on tiendra compte de « tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

2) Les déclarations interprétatives et les Etats parties.

La convention de vienne admet donc une interprétation qui tient aussi en compte la volonté des parties contractantes telle qu'elle se reconstruit à partir de plusieurs éléments du contexte. Il doit s'agir premièrement d'instruments rédigés « à l'occasion de la conclusion du traité », deuxièmement, de documents ayants « rapport au traité », et troisièmement (ce qui confirme leur nature contractuelle) de documents à prendre en considération « en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

On peut alors en déduire que la déclaration interprétative unilatérale ne peut produire des effets que si un Etat au moins l'a accepté. C'est cela qu'entendait nous semble t-il le rapporteur spécial, Sir Humphrey WALDOCK lorsqu'il affirmait :

« Il semble évident, pour des raisons de principe, qu'un document unilatéral ne peut être considéré come faisant partie du contexte aux fins d'interprétation du traité, à moins que les autres parties n'admettent qu'il y a lieu de tenir compte dudit document pour interpréter le traité ou pour déterminer les conditions auxquelles la partie intéressée à accepté le traité35(*) »

3) L'incertitude de l'article 31.2 de la convention de vienne

Cependant, il y a lieu de se poser la question de savoir ce que la convention de Vienne en son article 31.2 entend par « accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ». Est-ce que les autres parties doivent accepter que la déclaration soit relative au traité, ou alors accepter le contenu de la déclaration, c'est-à-dire l'interprétation qu'elle propose ?

Pour notre part, il semble bien que compte tenu de ce que l'article précise que l'on devra tenir compte des documents « aux fins d'interprétation », cela veut dire que les autres parties doivent accepter la déclaration comme interprétative, c'est-à-dire que l'interprétation proposée soit utilisée pour interpréter le texte du traité. En plus, faut-il que la déclaration soit acceptée par toutes les parties contractantes, ou bien seulement par certaines d'entre elles, devenant ainsi opposables seulement à celles-ci ?

C'est cette dernière solution qui nous paraît être la meilleure, parce qu'un traité multilatéral peut s'analyser en un faisceau de rapports bilatéraux entre les parties contractantes. Par ailleurs, il faut considérer l'attitude passive des Etats qui ne réagissent pas à la proposition d'une déclaration interprétative par un autre Etat contractant. Peut-on appliquer la règle de l'acceptation avant douze mois comme cela se passe pour les réserves, par voie d'interprétation analogique de l'article 21 de la convention de Vienne ? La réponse à cette question doit être négative nous semble t-il puisqu'il s'agit là d'un régime spécial qui ne peut faire l'objet d'une extension analogique. Il faudra alors revenir aux principes généraux en matière d'acquiescement : on sait que la simple inactivité ne suffit pas. Pour qu'on puisse

parler d'acquiescement, il faut un silence « qualifié ». Encore faudra-t-il le démontrer puisqu'il demeure assez difficile de relever cette situation lorsqu'un Etat reste simplement inactif à l'occasion d'une déclaration dont les effets juridiques ne sont pas encore suffisamment précisés36(*).

B- Sur la réciprocité des effets des déclarations interprétatives

1) Les données du problème

Nous sommes déjà arrivés à la conclusion selon laquelle la déclaration interprétative opère dans un mécanisme dominé par une structure consensuelle des rapports. Et, c'est précisément à cause de tout cela que la déclaration interprétative acceptée peut donner origine à un véritable accord juridique entre la partie contractante qui déclare et celle qui accepte. Quels sont les effets juridiques de cet accord ? Et surtout peut-on parler, d'une réciprocité des effets de la déclaration interprétative acceptée comme on le fait pour une réserve ?

La question est « corsée » dans la mesure où nous semble-t-il, même pour les réserves, le régime de la réciprocité des effets juridiques n'a pas été dûment approfondi dans la convention de Vienne. S'il est vrai que la réserve acceptée ou non objectée donne naissance à un accord juridique, cet accord doit pouvoir produire tous les effets d'un accord juridique, et, entre ces effets, celui de la réciprocité. On peut noter en effet que, la formulation de l'article 21 de la convention de Vienne semble considérer ce phénomène comme un fait naturel et donc automatique, lorsqu'il prévoit : « Une réserve établie à l'égard d'une autre partie conformément aux articles 19, 20, et 23 :

a) Modifie pour l'Etat auteur de la réserve dans ses relations avec cette autre partie les dispositions du traité sur lesquelles porte la réserve, dans la mesure prévue par cette réserve.

b) Modifie ces dispositions dans la même mesure pour cette autre partie dans ses rapports avec l'Etat auteur de la réserve ».

Mais que se passe t-il lorsque l'Etat qui formule la réserve le fait juste pour résoudre un problème qui se pose à lui ? C'est toute la question de la distinction entre la réciprocité des effets juridiques et l'extensibilité du régime juridique contenu dans la réserve qui se pose ici.

2) Réciprocité des effets juridiques et extensibilité du régime juridique

Le consentement d'un autre Etat à la réserve est nécessaire, mais cela ne veut pas dire que l'Etat acceptant puisse nécessairement appliquer la réserve en ce qui le concerne. Le consentement pourrait être donné tout simplement pour que l'Etat déclarant puisse appliquer à son problème le contenu de la réserve. La réciprocité des effets juridiques veux dire que le régime juridique contenu dans la réserve acceptée est objectif, qu'il est obligatoire tant pour l'Etat réservant que pour l'Etat acceptant. Mais cela ne veut pas dire que le régime juridique contenu dans la réserve soit nécessairement et automatiquement applicable à l'Etat acceptant.

On peut donner l'exemple des réserves des Philippines sur la notion d'eaux archipélagiques. Le concept de réciprocité pour les Philippines et pour les Etats qui les auraient acceptées signifie toujours que les Philippines peuvent appliquer le régime juridique contenu dans les réserves à leurs eaux archipélagiques et que l'Etat acceptant se prévaudra du même régime juridique seulement si lui aussi est un Etat archipélagique. En d'autres termes, il faut pouvoir distinguer entre la réciprocité des effets juridiques et l'extensibilité du régime juridique contenu dans la réserve. A notre sens, même si la déclaration est acceptée, il faut se demander si l'Etat acceptant

consent simplement à ce que l'Etat déclarant puisse se prévaloir du contenu de la déclaration ou s'il veut s'obliger à interpréter la disposition conventionnelle dans le sens de la déclaration en ce qui le concerne.

C- Les effets juridiques des déclarations interprétatives unilatérales non acceptées

A ce stade de l'étude, on peut se poser la question de savoir si la construction consensuelle proposée plus haut peut expliquer tous les effets des déclarations interprétatives. Autrement dit, est-il possible que la déclaration interprétative puisse produire des effets juridiques seulement si elle est acceptée par un ou plusieurs Etats contractants? Et que dans l'hypothèse d'une objection, tout s'arrête là sans aucune possibilité pour la déclaration de jouer quelque rôle que se soit? Afin de répondre à cette question, il nous semble nécessaire de revisiter les règles sur l'interprétation des traités internationaux, mais aussi sur l'interprétation juridique.

1) Valorisation des règles sur l'interprétation

On pourrait définir l'interprétation juridique comme l'ensemble des techniques et des opérations auxquelles on a recours afin d'attribuer une signification à des énoncés qui sont à juste titre appelés normatifs. Cette signification est ce que l'on appelle norme. Une définition de l'interprétation juridique implique au moins deux conséquences. La première est qu'il n'existe pas de dispositions pour lesquelles l'interprétation n'est pas nécessaire. La théorie de l'acte clair, formulée dans le célèbre dictum  in claris non fit interpretatio ne peut plus être retenue. Il n'y a pas de norme s'il n'y a pas d'interprétation. Toute norme est el résultat d'un processus d'interprétation37(*).

La deuxième conséquence est que, s'il n'ya pas de norme sans interprétation, la reconstruction de la norme se fait dans des conditions d'espace et de temps de l'interprétation même. Ce qui explique pourquoi d'un même texte normatif on peut donner des interprétations différentes selon le moment, le lieu, et la sensibilité de l'interprète38(*).

C'est précisément pour cela que tous les ordres juridiques connaissent des mécanismes de sauvegarde d'un certain degré d'homogénéité des interprétations. Or, ces mécanismes sont précisément de deux types : il peut s'agir de règles juridiques qui servent de repères aux interprètes, ou de règles formelles sur la distribution de la compétence d'interprétation. Les règles sur l'interprétation indiquent à l'interprète la voie à suivre dans la succession des opérations des opérations qu'il va parcourir et, c'est pour cela qu'on ne peut donc les voir comme des mécanismes de sauvegarde de l'homogénéité des interprétations. Mais il serait fallacieux de surévaluer l'efficacité de ces règles, qui ne sauraient à elles seules, empêcher que l'interprète adopte une interprétation extravagante. La quête de l'homogénéité doit en dernier ressort déboucher sur des règles de compétence, selon lesquelles il y a des interprétations qui doivent primer sur d'autres. Par exemple, dans les ordres juridiques internes, l'interprétation du juge prime sur celle des particuliers et, parmi les interprétations des juges, celle des juges de droit (là ou il y en a) priment sur celles des juges du fond. Ou bien il y aura d'autres règles équivalentes, comme celle du stare decisis.

Et dans l'ordre juridique international ? Où sont les juges de droit ? Quels sont les mécanismes qui assurent l'homogénéité des interprétations ? Comme on le sait, dans l'ordre juridique international il n y a rien de semblable. Pas d'organisation des fonctions, pas de tribunaux vraiment permanents à compétence générale39(*).On peut sûrement dire que l'interprétation juridique est confiée aux compétences concurrentes

des Etats40(*). Où sont-ils alors s'il y'en a des mécanismes d'homogénéisation des interprétations ?

Nous croyons pouvoir retrouver cette organisation de l'interprétation des traités dans les règles qui régissent l'interprétation des traités. Pas seulement dans le sens où elles peuvent montrer la voie à suivre à celui qui fait oeuvre d'interprétation d'un texte juridique international, mais aussi parce qu'elles peuvent organiser les interprétations différente en instituant une hiérarchie entre elles, selon la provenance de l'interprétation même.

En effet, la convention de Vienne sur le droit des traités, approuvée par ce législateur international que sont les Etats contractants dans leur ensemble, est le premier point de repère de l'interprétation. Tout près de celui-ci, on aura tous les autres accords conclus par les Etats parties (ou par quelques uns d'entre eux), et donc aussi les déclarations interprétatives unilatérales qui auront été acceptées par les autres parties. L'article 31 de la convention de Vienne prévoit justement qu'ils font parties du contexte du traité aux fins d'interprétation de l'instrument lorsqu'il énonce :

a) « Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité »

b) « Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

Au contraire, l'application du traité par les Etats est distincte du contexte. L'article 31.3 précise qu'il sera tenu compte de l'application  « en même temps » que du contexte. Et encore, on aura, pour ainsi dire, « un texte conventionnel » distinct de la pratique d'application, qui peut être aussi une pratique unilatérale, qu'on pourra utiliser seulement pour établir « l'accord des parties à l'égard de l'application du traité »41(*).

En principe donc, l'application unilatérale d'un traité par un Etat et, par conséquent, l'interprétation unilatérale à laquelle il se réfère pour l'appliquer, pourra être utilisée seulement si elle est concordante avec celle d'autres Etats (lettre b de l'article 31) sinon elle mènera directement aux conflits des interprétations.

C'est précisément à ce point de notre travail qu'il faut revenir aux déclarations interprétatives unilatérales. En effet, la seule manière pour un Etat de s'assurer dès le départ que sa propre interprétation unilatérale d'un article du traité soit prise en considération est celle de formuler une déclaration unilatérale et de la soumettre aux autres Etats, soit pour chercher un accord explicite ou tacite, soit pour documenter un désaccord42(*).

Car, même dans cette hypothèse, on aura des avantages, tout au moins du point de vue de l'ordre juridique dans son ensemble. Des dispositions conventionnelles assorties de nombreuses déclarations interprétatives unilatérales pourront, peut être se révéler d'application plus facile et moins controversée43(*). Car il y a lieu de signaler ici que la déclaration interprétative unilatérale d'un Etat peut aussi guider l'interprète de cet Etat même. Ainsi, le traité international se présente comme un continuum, caractérisé par une confrontation constante de d'oppositions et d'opinions qui permettent une application plus aisée et précise de ses dispositions44(*). Ce qui paraît très utile, surtout dans les domaines ou la règlementation internationale conventionnelle est plus récente comme le droit international de la mer ou des droits de l'homme.

2) Contribution à l'interprétation des traités internationaux

Si l'on considère que le droit international est un ordre juridique qui s'applique aux rapports entre sujets, les Etats souverains, eux aussi constitutifs d'ordres juridiques, on constate que l'interprétation unilatérale d'une disposition d'un traité international peut être conditionnée par l'interprétation des termes juridique de l'ordre interne d'un Etat. Tout au moins chaque fois que la disposition internationale doit être appliquée dans l'ordre interne de l'Etat. En effet, la norme internationale, une fois devenue applicable au niveau interne, vit dans l'ordre juridique interne même si elle maintient ses liens avec l'ordre juridique d'origine, qui est justement l'ordre juridique international.

Les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur les différentes solutions interprétatives sont très nombreux. Dans un Etat où les traités reçoivent une application directe, l'interprétation pourra être plus « internationale » que dans un Etat où le traité être reformulé dans un acte normatif interne. Et encore, dans un Etat où l'interprétation des traités internationaux ressort du domaine exclusif du pouvoir exécutif, ces derniers tiendront à donner une interprétation internationale plus fréquemment que dans un ordre juridique où l'interprétation des traités est confiée aux organes du pouvoir judiciaire interne45(*). Ceci s'avère particulièrement évident dans le cas d'expressions juridiques indéterminées, comme la notion de « bonne foi » ou celle de « due diligence », « d'ordre public » ou de « raisonnable ». Pour l'interprétation des dispositions qui contiennent ces expressions, il faut toujours se référer à l'expérience sociale d'un milieu donné, qui ne peut être que celui de l'Etat dans lequel l'interprète vit et travaille.

On pourrait avoir bien sûr des cas dans lesquels la communauté internationale a développé une pratique suffisante afin de donner un contenu à interprétatif à ces expressions, comme il se passe par exemple pour la notion de « nécessaire dans une société démocratique » aux articles 8-11 de la convention européenne des droits de

l'homme, mais, dans la plupart des cas, il est très difficile de proposer une interprétation qui ne soit pas tributaire des interprétations nationales. Ceci est reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'elle applique la doctrine de la « marge d'appréciation » des Etats dans l'interprétation de certaines dispositions conventionnelles. Ce qui revient à dire que les Etats peuvent interpréter la convention unilatéralement, même si la Cour a le pouvoir de vérifier que cette interprétation n'a pas dépassé les limites autorisées. Et tout cela se passe bien évidemment, parce que la Cour comprend que l'expression juridique indéterminée renvoie aux valeurs sociales qui peuvent être très différentes d'un Etat à l'autre. En effet, la Cour reconnaît une marge d'appréciation plus importante sin cette différence est grande, et une marge d'appréciation inférieure si la différence est réduite au minimum.

Et c'est dans ce type de cas que les déclarations interprétatives unilatérales peuvent être très utiles en soulignant l'interprétation interne que l'Etat souhaite proposer.

Force nous est de constater qu'arrivé à ce point, la nécessité de recourir à d'autres méthodes de recherche offerts par la science juridique afin d'aboutir à une solution des difficultés qui nous préoccupent est plus que jamais indispensable. Ayant esquissé un régime juridique des déclarations interprétatives, il nous est impossible de préciser le critère selon lequel les différends au sujet de la pratique des déclarations interprétatives pourraient être résolus. Au demeurant, les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur les différentes solutions interprétatives sont diverses. Et ceux qui se posent avec le plus d'acuité sont tous ces éléments en rapport avec des questions sociologiques ou culturels. Quels qu'ils soient, il est évident que ces facteurs ont des répercussions sur le contenu des règles et sur la façon dont elles sont appliquées. La sociologie nous permet une étude approfondie des différents facteurs qui contribuent à la création, à la transformation et à la dissolution d'un corps de normes juridiques. Si elle reste - et elle doit le rester - entièrement étrangère à l'application qui en sera faite et qui continue d'être du domaine exclusif de la science juridique, elle peut cependant, en lui conférant une connaissance plus complète de tout les faits qui expliquent l'existence de telle ou loi plutôt que telle autre, ainsi que

le contenu, aider le juriste à les appliquer avec lucidité et combler toute lacune qui pourrait apparaître.

C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé d'ajouter une troisième partie à notre étude consacrée d'une part à un examen de l'évolution du droit international public et des principes qui s'en dégagent, ainsi qu'à l'application des résultats obtenus quant au problème particulier des déclarations interprétatives qui nous concerne. Nous espérons ainsi obtenir quelques idées maîtresses qui pourront nous guider dans la recherche des solutions à apporter à la question des déclarations interprétatives.

* 34 MAHINGA, G., L'opposabilité des normes et des actes juridiques en droit international, in Revue de Droit international et de droit comparé, 1994,  p. 301 ss.

* 35 In Annuaire de la Commission de Droit International. Sixième rapport, 1966-II, p. 106.

* 36 La question de l'acquiescement et en particulier celle du silence qualifié a été posée dans l'affaire des pêcheries Norvégiennes en ces termes : « La notoriété des faits, la tolérance générale de la communauté internationale, la position de la Grande Bretagne dans la mer du nord, son intérêt propre dans la question, son abstention prolongée, permettrait en tout cas à la Norvège d'opposer son système au Royaume-Uni », ICJ Reports 1951, p. 139.

* 37 La théorie de l'acte clair est déjà énoncée par VATTEL in Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Londres, 1758, libre II, chap. XVII, P.263 ; qui énonce :  « Il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a absolument pas besoin d'interprétation... quand un acte est conçu en termes clairs et précis, quand le sens en est manifeste et ne conduit à rien d'absurde, il n'ya aucune raison de s'opposer au sens que cet acte présente naturellement », cité par Rosario Sapienza in Les déclarations interprétatives et l'interprétation des traités, op.cit., p. 623.

* 38 Nous ne pouvons étudier ici la problématique différente des interprétations vraies ou fausses. Y a-t-il toujours une interprétation vraie? Ou alors devrait-on se contenter de plusieurs interprétations possibles?

* 39Bien qu'il y ait des progrès très évidents en ce sens, nous estimons qu'il faut les évaluer avec prudence parce qu'il y a encore assez de problèmes à résoudre. Comme le dit CONDORELLI, L. La Cour Internationale de Justice : cinquante ans et pas une ride pour le moment in The European Journal of International Law, 1991, p.206 ss

* 40 SUR, serge. L'interprétation en droit international public. Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1974, p. 68

* 41 DI STEFANO, G., La pratique subséquente des Etats parties à un traité, in Annuaire français de droit international, 1994, pp. 44 ss.

* 42 Nous ne voulons pas dire que la déclaration interprétative unilatérale sera opposable aux autres Etats parties car, il faut pour cela que chaque Etat y donne son consentement. Mais, on ne saurait nier le fait évident que la déclaration est document de l'interprétation unilatérale, qu'elle est là et les autres Etats ne peuvent pas dire qu'elle n'existe pas.

Sur l'opposabilité en cette matière, J.-P. JACQUES y consacre de nombreux développements dans son cours de l'Académie, Acte et norme en droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1991, Vol II, p. 367 ss.

* 43 B.CONFORTI traite du rôle des interprètes internes dans l'application du droit international dans son Cours général de droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye 1988, Vol V, p. 9 ss. aux p. 114 ss.

* 44 Peut être nous faudra-t-il une nouvelle théorie de droit international, comme l'écrit G. ABI-SAAB dans son Cours général de droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1987, Vol VII, p. 9 ss. aux pp. 127 ss.

* 45 PESCATORE, P., L'application judiciaire des traités internationaux dans la communauté européenne et dans ses Etats membres, in Mélanges Teigen, Paris, 1984, p. 355 ss.

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