1.2 / Des notions à éclairer
1.2.1 / Le savoir caché
« Connaissances en acte »,
« savoirs d'action », « savoirs
tacites », autant de termes employés pour identifier
l'implicite qui existe derrière chacune de nos actions.
Nous l'avons vu, devenir compétent, c'est
prendre conscience. Prendre conscience du savoir implicite qui nous permet de
réaliser nos actions. Or, il est très difficile de pouvoir mettre
des mots sur les processus qui nous ont amené à prendre telle ou
telle décision ou à avoir tel ou tel comportement alors que nous
sommes en cours d'action. « Notre savoir est dans nos
actes » (D.A. Schön, 1994, p. 76). Pour se faire,
l'étudiant a besoin de l'éclairage des professionnels en exercice
ou « déjà » compétents et des
formateurs représentant la théorie. Arriver ensuite à
expliciter seul ses actions, ferait de lui un praticien réflexif.
Voilà ce que vise la formation infirmière.
Il restera à mettre en place les outils
pédagogiques permettant cette explicitation. La clinique des
activités de Y. Clot (auto confrontation croisée, le sosie),
l'entretien d'explicitation, l'analyse des pratiques professionnelles,
l'analyse de situation, qu'elles soient orales ou écrites, individuelles
ou collectives en sont des formes.
1.2.2 / Réflexion sur et dans
l'action
La pratique réflexive est la pratique même de la
réflexion, ce que chacun fait lorsqu'il réfléchit. C'est
donc une suite d'opérations intellectuelles, dont les états
mentaux ne sont que le point de départ, un état temporaire ou le
point d'arrivée.
Là où Perrenoud entend la réflexion comme
une pratique, Schön parle de pratique professionnelle et de
réflexion sur la pratique professionnelle. Il a montré que la
pratique professionnelle (qui correspondrait au stage pour les
étudiants) est le lieu de développement de compétences
professionnelles. Le professionnel construit son savoir par la réflexion
dans et la réflexion sur l'action.
La réflexion dans l'action
« est fondée sur des cognitions implicites
enchâssée dans la situation et que le professionnel est souvent
incapable de décrire » (A. Bouvier, J.-P.
Obin, 1998, p.47). Elle a lieu préférentiellement quand il y a
des situations qui surprennent l'acteur et qui le conduisent à prendre
conscience sur le moment de ce qu'il fait et envisager des réponses
adaptées.
La réflexion sur l'action
« se situe avant et après l'action et est fondée
sur des connaissances explicites ». Lors de l'action, l'individu
effectue sa tâche de manière spontanée, sans penser aux
stratégies à déployer. Cette pratique quasi automatique
s'appuie sur les savoirs cachés. L'individu réfléchit
à son action a priori ou a posteriori.
Schön défendait surtout une première
thèse : aucune action professionnelle complexe n'est, même
dans l'urgence, une action impensée, produit d'un pur
« automatisme ». L'action découle d'un jugement
professionnel et d'une décision qui résultent d'une
réflexion dans l'action.
D'autres défendent l'imprégnation de la pratique
réflexive dans la réflexion sur
l'action. « La pratique réflexive est quasi
nécessairement une réflexion sur l'action menée a
posteriori » (L. Paquay, R. Sirota, 2001, p. 6) ; Elle est
d'autant plus propice aux échanges avec formateurs et soignants a
posteriori.
1.2.3 / Le praticien réflexif
Le praticien est « celui qui connaît
la pratique de son art et travaille à la mise en oeuvre des
connaissances apprises en les adaptant et en les affinant sans cesse au
gré des situations changeantes et souvent
imprévisibles. »
Le praticien réflexif devient « un
chercheur qui ausculte les réalités de sa pratique
professionnelle. Il réfléchit non pas aux caractéristiques
des choses, mais aux actions qu'ils posent ou qu'il a
effectuées » (J. Heynemand, 1994, p. 13).
L'objet de sa réflexion émane bien de sa propre
pratique professionnelle comme l'étudiant part de sa situation
vécue en stage.
« Le praticien réflexif est un praticien
qui se regarde agir comme dans un miroir et cherche à comprendre comment
il s'y prend, et parfois pourquoi il fait ce qu'il fait, éventuellement
contre son gré. » (P. Perrenoud, 2004, p. 37).
Il va chercher enseignement à partir de son propre agir
professionnel.
1.2.4 / L'analyse de pratiques
La pratique réflexive peut alors s'assimiler à
l'analyse de pratiques. D'ailleurs les textes n'en font pas vraiment de
distinction. Perrenoud suggère pour plus de précisions, de
spécifier l'objectif de la pratique réflexive. Soit elle est
objectif de formation travaillé à partir de l'analyse de
pratiques, soit elle est objectif d'autres finalités comme par exemple
la construction de compétences (P. Perrenoud, 2003).
Elle pourrait dans notre cas s'apparenter à un outil de
la pratique réflexive. Correspondant davantage à un moment
précis partant de la situation, elle contribue à alimenter la
pratique réflexive qui elle peut s'inscrire dans le temps. Fort de cet
habitus, le praticien devient réflexif.
L'analyse se conduit à l'aide de modèles
théoriques, de lecture, de concepts proposés par le formateur.
Grâce à cette analyse, l'étudiant prend un moment de recul
pour se questionner sur ses pratiques. Il est parfois conduit à porter
un autre regard dessus et parvient à problématiser les situations
vécues et résoudre les problèmes rencontrés.
« L'analyse de pratiques est donc une
démarche de théorisation des pratiques, à partir de
modèles et concepts issus de recherches, ou de la formalisation des
outils qui émanent de la confrontation des expériences des
praticiens eux-mêmes. » (M. Altet, 2000, p. 23).
1.2.5 / La posture réflexive
Elle définit le praticien en exercice comme
étant une composante même de son identité. C'est être
capable de réfléchir dans et
sur l'action. « C'est par une posture
et une pratique réflexive assidue qu'on développe un habitus de
réflexion sur la pratique et qu'on se développe
professionnellement ». (L. Paquay, R. Sirota, 2001, p. 6)
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