Des représentations à la pratique réflexive : pour une co-construction de la professionnalisation( Télécharger le fichier original )par Maguy LUCOT-MEUNIER IFCS Lille - cadre de santé 2010 |
CONCLUSION DU CHAPITRE IINous avons vu que pour passer de réussir à comprendre, la posture réflexive est un des éléments nécessaire à l'acquisition de compétences de l'étudiant. Ce travail de mémoire est l'occasion pour moi d'approfondir les notions qui pourront participer à une réflexion plus pragmatique. En effet, créer un véritable partenariat de la professionnalisation ne se décrète pas. Comme l'alternance, il se construit. Les trois acteurs peuvent ensemble être d'accord sur la finalité de la formation, sur l'indispensable prise de conscience, la réflexion essentielle sur l'action ou encore la spécificité de chaque rôle dans le partenariat obligatoire à trois, mais la co-construction des moyens que l'on se donne pour atteindre la finalité ne va pas de soi. Jusqu'ici les textes préconisent de permettre aux étudiants une pratique réflexive accompagnés par les tuteurs et formateurs, ce qui est nouveau. A l'heure où les formateurs ne vont plus pratiquer de MSP sur les terrains de stage, ils ont un partenariat à recréer avec les soignants autour de l'analyse de pratiques. Les textes précisent dans ce cadre le rôle de chacun. C'est pourquoi j'ai désiré, étudier la notion de pratique réflexive dans une partie propre pour voir dans quelles mesures et dans quelles limites elle pouvait constituer un élément de reliance12(*) du partenariat triangulaire dans le nouveau référentiel de formation. La réflexivité étant bien un concept, je me suis posé la question de savoir si la pratique réflexive en était un. Le Larousse définit ainsi le terme de concept : « Idée générale et abstraite que se fait l'esprit humain d'un objet de pensée concret ou abstrait, et qui lui permet de rattacher à ce même objet les diverses perceptions qu'il en a, et d'en organiser les connaissances ». Les nombreuses lectures, la complexité des définitions qu'on lui accorde me conduisent à bel et bien l'assimiler à un concept. I - ELEMENTS DE BASE DU CONCEPTStructurée autour de trois paliers d'apprentissage, comprendre, agir, transférer, le référentiel de la formation vise « la pratique régulière de l'analyse de situations professionnelles » (arrêté du 31/07/2009, p. 69). « Le retour sur la pratique, la réflexion et le questionnement sont accompagnés par un professionnel chargé de la fonction tutorale et un formateur. Ceci contribue à développer chez l'étudiant la pratique réflexive nécessaire au développement de la compétence infirmière. » (arrêté du 31/07/2009, p. 77). Je comprends maintenant mieux l'esprit de ces paragraphes. L'analyse de situation correspond à ce moment réflexif sur l'action et après l'action nécessaire pour la prise de conscience qui conduit à comprendre et donc à acquérir la compétence. Cette prise de conscience est aidée par les représentants de la pratique et de la théorie à savoir professionnels de proximité et formateurs. Mieux connaître la pratique réflexive me semble évident pour se l'approprier. Se l'approprier pour « simplement » l'utiliser en termes d'outil pédagogique ? ; Pour développer les compétences de l'étudiant, ou ses propres compétences ? ; Pour uniquement reconstruire les représentations de la formation ? Autant de questions à éclaircir. C'est l'objet de cette partie. Je me suis inspirée essentiellement des écrits de P. Perrenoud, D. A. Schön, M. Altet, d'un dossier de recherche et formation ... « La prise de conscience des pratiques est un enjeu prioritaire. En dehors du coeur de nos métiers, être professionnel aujourd'hui, c'est mettre en oeuvre une démarche réflexive sur nos pratiques afin d'être transparent sur les contenus du service que l'on offre et d'être en mesure d'en afficher clairement les effets... » (M.-H. Doublet, mars 2010). La pratique réflexive est donc un enjeu pour tous professionnels de santé. 1.1/ OrigineDonald A. Schön publiait en 1983 «the reflective practitioner. How professional think in action». La traduction française a apporté des notions essentielles : « le praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans l'agir professionnel ». Il devient le père de la pratique réflexive et a fait des émules essentiellement dans le monde enseignant. La pratique s'est alors développée pour la formation des maîtres et a suscité de nombreux écrits et de nombreuses recherches en la matière. Attribuée aux métiers de l'humain, elle s'est ancrée dans une volonté de ne pas réduire une définition du métier à sa simple tâche. Elle est naît de ce que D. Schön (1994, pp. 23 à 44) appelle « la crise de confiance du savoir professionnel ». Changements technologiques, pressions multiples, ont exigé du professionnel une adaptabilité sans précédent. Selon lui, en 1983, les décennies qui allaient suivre et par exemple la réorganisation et la rationalisation des soins médicaux, le rôle médical ou des acteurs remanié, allaient exiger une redéfinition du rôle du professionnel. Combien d'articles de revue professionnelle paramédicale commencent par « le système hospitalier est aujourd'hui confronté à des évolutions majeures » (A.-M. Lagadec, mai 2009, p. 43) ; « réforme après réforme, le monde de la santé évolue, se transforme » (M.-A. Coudray, 2010, p. 74) ? Etc. La pratique réflexive rejoint aujourd'hui la formation paramédicale pour mettre au centre de cette adaptation exigée les compétences. * 12 Terme employé par A. Geay dans son ouvrage l'école de l'alternance, page 40 et repris de M. Bolle De Bal, 1996, voyage au coeur des sciences humaines. De la reliance, Paris, L'Harmattan. J'ai donc entrepris quelques recherches sur ce concept en lui-même. « La reliance possède une double signification conceptuelle : 1. L'acte de relier ou de se relier (...) ; 2. Le résultat de cet acte. » M.-B. De Bal définit à partir de là la notion de relier : « créer ou recréer des liens, établir ou rétablir une liaison entre une personne et soit un système dont elle fait partie, soit l'un des sous-systèmes ». Extrait du site www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=SOC_080... Article issu de la revue Sociétés, n° 80, 2ème semestre 2003 intitulé Reliance, Déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques, de M.-B. De Bal - [consulté mai 2010] Dans le cas qui intéresse ce travail, la conception de l'analyse de pratiques correspondrait davantage à de la « reliance sociale », c'est-à-dire « la reliance entre une personne et un autre acteur social, individuel (une personne) ou collectif (groupe, organisation, institution,...) ». M.-B. De Bal la définit ainsi : « l'action visant à créer ou recréer des liens entre des acteurs sociaux que la société tend à séparer ou à isoler, les structures permettant de réaliser cet objectif, les liens ainsi créés ou recrées». Enfin, pour lui, « l'acte de relier implique toujours une médiation, un système médiateur ». Comme nous le laisse supposer la partie précédente de ce travail, le système médiateur du partenariat entre les trois acteurs de la formation infirmière serait donc la conception qu'ils se font de l'analyse de pratiques. J'ai trouvé ce concept intéressant dans le sens où il rejoint pleinement ce que ce travail a tenté d'explorer. En effet, les systèmes médiateurs mis en jeu dans la reliance sociale sont pour De Bal, entre autres, « des systèmes de représentations collectives permettant la communication, l'échange, la reliance ». |
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