Des représentations à la pratique réflexive : pour une co-construction de la professionnalisation( Télécharger le fichier original )par Maguy LUCOT-MEUNIER IFCS Lille - cadre de santé 2010 |
Faisons le point :Professionnalisation et acquisition de compétences ont pour principe commun le processus nécessaire au développement cognitif de l'étudiant soit la prise de conscience des savoirs implicites de l'action. Cela renvoie à la troisième voie de la professionnalisation, la « logique de la réflexion sur l'action » proposée par R. Wittorski. C'est en cela que doit s'entendre le partenariat formateur - soignant en y incluant l'étudiant. Chacun doit savoir emprunter avec son rôle spécifique, la voie de la prise de conscience pour l'étudiant de ses savoirs en acte au nom de sa professionnalisation et de son acquisition de compétences. La prise de conscience doit lui apporter le sens de son action, nécessaire à son implication en tant qu'acteur de sa formation. « L'homme ne peut apprendre qu'à partir de quelque chose qui a du sens pour lui (autoréférence) dans la représentation qu'il s'en fait. » (A. Geay, 1998, p. 113). La pratique des trois partenaires au quotidien, aura pour but de leur permettre de co-construire ce sens. Cette pratique répétée dans ce nouveau contexte de formation constituera le deuxième palier de la modification de représentation de la professionnalisation vers une représentation commune. Je rappelle le schéma de modification d'une représentation sociale : Modifications des circonstances externes Modifications des pratiques sociales Modifications des prescripteurs conditionnels Modifications des prescripteurs absolus Figure 8 : mécanisme de la modification d'une représentation 2.4 / La nécessité de la nuance« On ne peut donc se contenter de penser l'alternance comme l'addition de deux lieux de formation complémentaires. Il faut la penser comme la mise sous tension de deux lieux aux logiques contradictoires et même paradoxales, mais dont la synergie est nécessaire pour produire de la compétence » (A. Geay, 1998, p. 40). Pratique et théorie sont opposées, les textes et les entretiens le révèlent. Maintenant, il convient de nuancer cette opposition. Elles ne se veulent pas complémentaires, mais leur association est nécessaire chacune avec sa spécificité dans la professionnalisation de l'étudiant. Dans la réflexion, l'étudiant a besoin de croiser sans cesse les deux pour comprendre l'action. En s'entendant sur ce mécanisme de professionnalisation, le rôle de chacun est clairement identifié comme spécifique et non pas comme l'un étant plus utile que l'autre. Cela me fait repenser à des propos du début de ce travail. Quand lors de mon constat, un soignant a dit à un étudiant « la pratique ça sert à rien » ou quand dans les entretiens l'IDE 3 fait référence à la théorie et la pratique : « nous on va beaucoup leur apprendre ce qui est pratique mais après tout ce qui est théorie, sur les pathologies, il leur faudrait un cours à côté », ils sont dans la juxtaposition des deux dimensions de la formation ou le rejet de la théorie. Si lors des rencontres à trois, comme elles le sont sollicitées dans les entretiens, des séances d'analyse de situations interviennent régulièrement, non seulement l'étudiant construit ses connaissances, mais en plus, la synergie entre théorie et pratique apparaîtra comme indispensable. Par cette pratique quotidienne de posture réflexive, les représentations peuvent changer. Mise en place de tuteurs, « entrainement réflexif exigé »11(*), attentes en termes d'échanges, référentiel de compétences, portfolio, autant d'éléments qui contribuent à la modification des circonstances externes. La pratique régulière d'analyse de situation, quant à elle, vient modifier la pratique sociale. Les soignants ne seront plus dans un modèle transmissif de pratiques mais un modèle constructiviste. L'étudiant est le seul à pouvoir construire ses connaissances. Comme nous l'avons vu, il est donc associé à part entière à sa professionnalisation mais sans la spécificité scientifique et pratique du formateur et du tuteur, il ne peut y arriver. « Les relations entre les soignants, les enseignants et les cadres infirmiers ne peuvent rester conflictuelles tant que chacun des partenaires n'a pu faire un pas dans la compréhension et l'acceptation de la spécificité de son collègue [...]. Le problème est que l'étudiant fait bien souvent les frais des tensions existant entre les stages et l'école. Il ne faut pas chercher à tous prix la conformité de pensée entre les deux milieux, clinique et enseignant, pour autant que les éléments fondamentaux soient respectés. Des pensées différentes ou simplement nuancées participent à l'ouverture d'esprit de l'étudiant, à l'élargissement de ses points de vue. » (W. Hesbeen, 2004, p. 129) Cet extrait de W. Hesbeen me permet de nuancer un autre point de vue ou plutôt de le repréciser. La compréhension et l'acceptation de son collègue se fait dans les deux sens et pas uniquement du soignant vers le formateur. « Le partenariat dans l'alternance est bien « un partage de pouvoir de former » (J. Clénet, Gérard, cités par A. Geay, 1998, p. 59). * 11 Extrait de l'annexe 3 de l'arrêté du 31/07/2009, (SEDI, p. 70) : « La posture réflexive. L'entraînement réflexif est une exigence de la formation permettant aux étudiants de comprendre la liaison entre savoirs et actions, donc d'intégrer les savoirs dans une logique de construction de la compétence. » |
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