II - LA FINALITE DE LA FORMATION COMME OBJET DE REPRESENTATION
COMMUN
2.1 / Dans les textes
Si l'on reprend le texte officiel : « la
formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier vise l'acquisition de
compétences pour répondre aux besoins de
santé des personnes dans le cadre d'une pluri
professionnalité. » (arrêté du 31/07/2009,
annexe 3, p. 69).
De même, « Le référentiel de
formation des infirmiers a pour objet de professionnaliser le
parcours de l'étudiant, lequel construit progressivement les
éléments de sa compétence à travers l'acquisition
de savoirs et savoir-faire, attitudes et comportements. »
(arrêté du 31/07/2009, annexe 3, p. 69).
Nous retrouvons ici les fondements de la formation en
alternance parce que penser la formation à trois est une démarche
dont le fil conducteur « est la construction de l'identité
professionnelle des jeunes qui vise l'acquisition des compétences et
celle du diplôme mais surtout la capacité à se situer
professionnellement et à entrer dans le développement d'un projet
professionnel » (J. Schneider, 1999, p. 154).
Voilà donc comment j'en viens à concevoir la
finalité de la formation ou le projet commun autour de deux notions que
sont l'acquisition de compétences et la
professionnalisation.
Pour aller plus loin dans la réflexion, je ressens le
besoin de préciser ces notions.
2.2 / La professionnalisation
2.2.1 / Définition
Tout d'abord précisons la notion de profession. Si elle
se confond parfois avec celle de métier, elle s'en distingue par cinq
caractéristiques (F. Gomez, 2001, p.
174). « Autonomie dans l'expertise, expertise liée
à un haut niveau de formation, existence d'un code éthique,
responsabilité pleines des actes produits et instances internes pour
juger de ses actes. » Le processus visant à devenir
professionnel, notion de prestige social, est la
professionnalisation. Elle devient alors un processus
politique s'appuyant sur une quête d'approfondissement des savoirs et de
la morale professionnelle.
Pour mieux comprendre cette notion et son
intérêt comme finalité, j'ai choisi de reprendre
l'interprétation de R. Wittorski. Pour lui
professionnalisation cache trois sens différents. Le
deuxième nous intéresse plus particulièrement. Il
concerne « la professionnalisation des acteurs, au sens à
la fois de la transmission de savoirs et de compétences
(considérées comme nécessaires pour exercer la profession)
et de la construction d'une identité de
professionnelle »
« La professionnalisation est donc un processus
de formation d'individus aux contenus d'une profession
existante » (R. Wittorski, 2005, p. 28).
Former un professionnel passe alors par des étapes visant
à la construction et/ou l'acquisition des éléments tels
que savoirs, connaissances, capacités, compétences.
G. Le Boterf considère sept critères qui
permettent de confirmer qu'un individu est professionnalisé (cité
par M.-H. Doublet, mars 2010) :
- Il prend des initiatives pertinentes dans des situations
complexes, évolutives, inédites,
- Il suit l'évolution de l'état de l'art du
métier,
- Il anticipe et ne laisse échapper aucune dimension
importante de la situation problème et de la demande du client....les
détails,
- Il met en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes,
mobilise des ressources appropriées,
- Il coopère de façon efficace et fait appel
à des ressources extérieures nécessaires (on ne peut pas
être compétent tout seul),
- Il tire les leçons de l'expérience pour
transposer et transmettre,
- Il agit en conformité avec une éthique de
service.
2.2.2/ Les voies de la professionnalisation
Pour en arriver au résultat de
« professionnel », je reprendrais R. Wittorski (2007, pp.
117 à 122) qui montre six voies possibles de la
professionnalisation. Les énoncer dans ce travail
permettra de trouver une voie commune associant tous les acteurs étant
entendu que l'acteur automatiquement concerné est l'étudiant car
il est l'acteur de sa professionnalisation.
La première voie est la voie de « la
logique de l'action ». Elle s'opère dans une situation
professionnelle (par exemple en stage) qui est généralement
connue. Mais lorsqu'elle présente un caractère nouveau,
l'individu ajuste son comportement en fonction souvent de manière
inconsciente. Chaque fois que cette nouvelle situation aura lieu, l'individu
reproduira ou amplifiera ce comportement.
La deuxième voie est « la logique de la
réflexion et de l'action ». L'individu opère un
changement de comportement pendant la réalisation d'une tâche
inédite, de façon consciente, par la réflexion qu'il
mène dans l'action.
La troisième voie est la « logique de la
réflexion sur l'action ». Les individus analysent de
façon rétrospective l'action pour mieux la comprendre. Par cette
conscientisation de ses actes, notamment par le biais d'analyse de pratiques,
il construit des « connaissances sur l'action ».
La quatrième voie est la « logique de la
réflexion pour l'action ». C'est une phase de
réflexion anticipée en vue de prévoir un changement de
l'action.
La cinquième voie est la « logique de
traduction culturelle par rapport à l'action ». Dans ce
cas, un tiers, généralement le tuteur, accompagne l'action et
contribue à transmettre ses connaissances tout en forçant
à voir l'action autrement.
La sixième voie de la professionnalisation est
« la logique de l'intégration
assimilation. » L'individu utilise dans cette situation,
davantage des ressources documentaires, des lectures, des savoirs, des
exercices pour développer ses capacités. C'est donc une voie non
tournée sur l'action en elle-même, de l'individu mais sur la
théorie.
La professionnalisation est donc le processus
attendu de la ou des voie(s) que l'étudiant va prendre pour devenir un
professionnel.
Les deux notions se rejoignent dans ce processus : (se)
former, c'est acquérir des compétences et acquérir des
compétences, c'est se professionnaliser.
Wittorski permet de considérer deux dimensions de cette
finalité : l'action qui se fait en stage et la réflexion qui
est amené par la théorie. J'en reviens au principe de
l'alternance intégrative et des deux logiques d'apprentissage.
« Relier les deux dimensions de la professionnalisation, ce n'est
pas employer l'un pour analyser, découper l'autre, mais de donner des
principes d'intelligibilité des pratiques » (B.
Donnadieu, M. Genthon, M. Vial, 1998, p. 31).
Par et pour la professionnalisation, en
aidant à comprendre les pratiques, on peut espérer
« relier les deux dimensions ». Par rapport
à ce travail, je pose le postulat qu'en les reliant, on recréera
des représentations communes.
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