Des représentations à la pratique réflexive : pour une co-construction de la professionnalisation( Télécharger le fichier original )par Maguy LUCOT-MEUNIER IFCS Lille - cadre de santé 2010 |
II - ANALYSE7(*)2.1/ Analyse entretien n°5A la première question, l'infirmière répond que l'objet formateur « c'est juste une formatrice qui nous enseigne ». Je trouvais intéressant de reprendre cette phrase à cause de la présence de l'adjectif « juste ». Ce terme placé spontanément, presque inconsciemment, dans le flux de la parole, souligne pour moi le caractère « réducteur » de ce qu'elle entend par formateur. Elle précise sa pensée pour revenir sur une notion évoquée en première vague à savoir « je trouve qu'il y a des écarts par rapport à ce qu'ils veulent nous enseigner et la réalité du terrain ». En termes de représentation première, constituant un des éléments périphériques7 de la représentation de cette personne, j'identifie la notion d'écart, que je place sur le versant négatif. De même l'infirmière trouve que ce qui est enseigné en institut est « très théorique » et explique sa pensée en disant qu' « en fin de compte sur la réalité du terrain, c'est pas du tout ça ». Je place le côté théorique comme un des éléments périphériques de sa représentation sous le versant négatif. Plus tard elle insiste en généralisant c'est-à-dire qu'elle passe de « une formatrice » (phrase du début de paragraphe) à tous les formateurs : « Pour moi personnellement, je dirais que les formateurs ils n'ont plus l'idée du terrain actuel ». A la suite de ces propos, elle émet alors une attente flagrante : « je dirais que les formateurs devraient venir plus sur le terrain pour voir que la réalité du terrain... ». Plus après dans l'entretien, elle lie l'écart du formateur avec son manque de présence sur le terrain : « je pense que c'est le manque de terrain qui font que des fois l'écart se fait, se crée ». Le manque de terrain m'apparaît ici comme le noyau central7 de sa représentation car c'est la cause de l'écart du formateur. En outre, son vécu a été marqué par une transition difficile entre le moment elle est passée d'étudiante à infirmière « J'ai été surprise le jour où j'ai été infirmière toutes les responsabilités, de tout le travail qu'il y a à faire » et cela se ressent sur ses actions en tant qu'infirmière encadrante car elle prend à coeur d'apprendre aux étudiants ce qu'elle n'a pas eu elle comme apport en institut. En effet, lorsqu'elle me parle des transmissions orales qu'elle n'a pas appris à faire en tant qu'étudiante, elle ajoute : « C'est pour ça que moi, en tant qu'infirmière, j'incite mes étudiants à faire des transmissions orales ». Je vais m'arrêter sur cette première partie pour faire un point qui me parait essentiel dans la construction des représentations de cette personne. Le premier élément qui ressort de cette analyse est l'écart du formateur avec le terrain pour reprendre ses termes. De là, elle s'est forgée une attente qui est de voir plus souvent les formateurs sur le terrain de manière à ce qu'ils ne soient plus dans cet écart qui pour elle a été préjudiciable à son apprentissage. Ensuite, en fonction de cette représentation, elle est guidée dans sa démarche d'encadrement, c'est-à-dire que ce dont elle n'a pas bénéficié, elle souhaite maintenant le transmettre à l'étudiant. Par conséquent, comme la théorie nous le confirmera (partie II, chapitre II, pp. 56 à 59), sa représentation guide son action et lui a créé un système d'attentes envers le formateur.
Pour continuer dans l'analyse, quand je pose la question « la recette de la bonne formation pour arriver à ce qu'ils deviennent compétent ? », l'interviewée répond : « j'ai appris sur le terrain. Il y a des choses que j'ai pas apprises à l'école et qu'on apprend sur le terrain. Donc obligatoirement le terrain a une très grande importance, plus grande que la théorie ». Cela vient confirmer l'idée que de ce qu'elle a vécu, elle a créé un système de référence propre (ses représentations) qui la fait agir et parler aujourd'hui. Enfin, quand je lui demande si elle a une expérience marquante avec un formateur à me raconter depuis qu'elle est en poste, elle précise qu'elle n'a pas « vraiment eu de contact avec les formateurs ». Ce qui me laisse pour l'instant supposer que, de ce fait, aucune confrontation avec un formateur n'aurait pu permettre de conforter ou d'aller à l'encontre de sa représentation. * 7 Pour cette analyse, je me suis fondée sur la théorie de JC ABRIC décrivant la structure des représentations organisées autour d'un noyau central et des éléments périphériques. Cette théorie est reprise dans le chapitre 8 : l'étude expérimentale des représentations sociales, in JODELET (D.), « Les représentations sociales ». Paris, PUF, 7ème édition, avril 2003, p. 215 Voir aussi partie théorique de ce mémoire, chapitre I, de l'importance des représentations, pp. 50 à 55. |
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