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La preuve sur internet: le cas de la vente en ligne

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par Kouadio Pacôme FIENI
Université de Cocody-Abidjan - D.E.A. 2006
  

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II : Les preuves non écrites

99. Les preuves parfaites non écrites sont au nombre de deux : il s'agit de l'aveu (A) et du serment (B).

A- L'aveu

100. Définition. On énonce habituellement que l'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai et comme devant être tenu pour avérer à son égard, un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques. L'article 1354 du Code civil distingue deux sortes d'aveu : « L'aveu qui est opposé à une partie, est ou extrajudiciaire ou judiciaire ». Seul l'aveu judiciaire nous intéressera puisque lui seul est une preuve parfaite, liant le juge quant au prononcé de sa décision.

101. Rareté de l'aveu judiciaire. L'aveu judiciaire est celui qui est fait au cours d'un procès et dont dépend le sort du procès85(*). On le devine aisément, cette forme d'aveu est rare. Le plaideur reconnaît rarement le bien-fondé de la prétention de son adversaire au cours du procès. Soit il le reconnaît avant le procès, soit il ne le reconnaît presque jamais. Emportant des conséquences graves, l'aveu doit émaner d'une personne capable de disposer de ses droits. Aussi, l'aveu n'est-il pas recevable s'il émane d'un mineur ou d'un majeur protégé.

102. Indivisibilité. Par ailleurs, l'aveu judiciaire est indivisible86(*). Cette règle signifie qu'on ne peut retenir qu'une partie de l'aveu et rejeter l'autre. En plus d'être indivisible, l'aveu est irrévocable. En témoigne l'article 1356 : « Il ne peut être révoqué, à moins qu'on ne prouve qu'il a été à la suite d'une erreur de fait. Il ne pourrait être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit ». Cela signifie que l'aveu ne fait foi que jusqu'à preuve contraire. Il en découle que l'auteur de l'aveu peut démontrer la fausseté de son aveu, en apportant la preuve qu'il n'a été donné qu'à la suite d'une erreur de fait.

103. Aveu impossible ? L'aveu, dans le régime de la preuve libre, est admissible au même titre que les autres procédés de preuve pour établir la réalité d'une allégation. Elle est pourvue d'une force probante redoutable87(*). Reste qu'il est très rare d'obtenir des aveux d'un adversaire. En pratique, et dans la plupart des cas, outre l'hypothèse de violences ou tortures pour arracher des aveux88(*), on n'avoue que lorsque certains indices concourent à nous compromettre et qu'il devient alors impossible de nier ce qui semble désormais se poser comme vraisemblable. Eu égard à cela, il sera davantage rare, sinon utopique d'obtenir des aveux dans un environnement virtuel où la volatilité des informations et l'usage de pseudonymes dans les échanges sont des pratiques fort répandues.

104. A l'instar de l'aveu, le serment est aussi un procédé de preuve parfait, d'une autorité certaine.

B- Le serment

105. A propos du serment, il faut noter qu'il en existe deux types : le serment supplétoire et le serment décisoire. Il convient d'indiquer d'emblée que le serment supplétoire, déféré par le juge, relevant de son pouvoir discrétionnaire, et ne le liant pas89(*), ne fera pas l'objet de développement. Seul sera examiné le serment décisoire qui est un véritable mode de preuve parfait, liant le juge.

106. Définition. Le serment est, généralement, reçu comme la déclaration par laquelle un plaideur affirme d'une manière solennelle et devant le juge, la réalité d'un fait qui lui est favorable. Le serment décisoire est une espèce particulière de serment, très rare en pratique, car très dangereux pour celui qui serait tenté de l'utiliser90(*).

107. Le jeu du serment décisoire. En effet, l'un des plaideurs offre de s'en remettre au serment de son adversaire pour établir le fait contesté, dont dépend l'issue du débat. On dit qu'il défère serment à son adversaire. Ce dernier peut adopter trois attitudes. Ou bien il prête le serment qui lui est déféré et gagne son procès ; ou bien il refuse de le prêter, ce qui constitue un véritable aveu judiciaire dont l'autre partie pourra se prévaloir pour gagner le procès. Il lui reste une troisième attitude possible : il peut référer le serment au plaideur qui le lui a déféré. Si ce dernier prête serment, il remporte le gain du procès ; si, au contraire, il refuse de prêter le serment, il perd le procès.

108. Le serment décisoire, on l'a souligné, est un mode de preuve parfait. Il lie le juge qui doit conformer sa décision aux conséquences du serment91(*). Le serment dicte sa décision. Mais, on se l'imagine, cet appel à la bonne foi de l'adversaire est très rare92(*). C'est pourquoi, il ne faut pas trop s'attendre à ce que les parties, dans des échanges électroniques, en use.

109. Reste à présent les procédés de preuve imparfaits qui, bien que d'une autorité limitée par rapport aux procédés parfaits de preuve, n'en seront pas moins employés à l'effet d'établir la réalité de la relation contractuelle intervenue sur le réseau Internet.

* 85 Pour prouver un acte juridique, l'aveu est aussi efficace que l'écrit.

* 86 L'article 1356 le précise : « il ne peut être divisé contre lui ».

* 87 La Cour suprême a pu ainsi conclure à l'existence d'un contrat de bail en énonçant en des termes très évocateurs que « l'existence du contrat de bail est établie par l'aveu du locataire ». CS, ch. judic., arrêt n° 97 du 9 avril 1998, RACS 2000, n° 2, p. 35.

* 88 Notamment en matière d'aveu extrajudiciaire où les risques qu'il a pu être extorqué par violence, dol ou erreur sont grands. Remarquons d'ailleurs qu'il ne présente pas les mêmes garanties que celui qui est fait au cours de l'instance en cause.

* 89 Le juge reste libre de sa décision. Le serment n'est utilisé que pour compléter une preuve et fortifier la conviction du juge.

* 90 Pour cette raison, seules les personnes capables de disposer de leurs droits peuvent déférer le serment.

* 91 Il paraît curieux, paradoxal même que cette déclaration fasse preuve. En effet, dans une société de cyniques, on s'étonne que le moyen ait encore quelque utilité. Le postulat est que, par crainte religieuse (originellement, qui prête serment prend la divinité à témoin et s'offre à être châtié un jour par cette dernière, s'il avait menti), les hommes hésiteront à se parjurer ; ou, plus laïquement, que par sentiment d'honneur, peur de perdre la face (le serment est prêter devant les magistrats, représentants de la société), outre la menace des peines du faux serment, il hésitera à mentir.

* 92 La jurisprudence en matière de serment décisoire étant assez rare, on relèvera avec intérêt cet arrêt de la Cour d'appel d'Abidjan qui énonce que lorsque le serment décisoire a été régulièrement déféré par les appelants à leur adversaire et qu'un arrêt avant dire droit a fixé une audience pour recevoir le serment, si les parties ne se présentent pas à cette audience, ni à l'audience de renvoi, ni à une troisième audience, ayant été prévenues qu'il serait alors statué en l'état, même en leur absence, ce comportement doit s'analyser en un refus de prêter le serment, qui fait succomber le plaideur dans sa demande. CAA, ch. civ. et com., arrêt n° 234 du 15 avril 1977, RID 1978, n° 3-4, p. 74 ; v. également CS, ch. judic., arrêt n° 48 du 11 février 1999, RACS 2000, n° 3, p. 61.

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