Section II : Une responsabilité objective des
comptables
Le caractère objectif de cette responsabilité
s'explique par le fait que l'élément d'appréciation n'est
pas la personne du comptable mais sa gestion. A l'opposé des
ordonnateurs, les comptables sont tous des fonctionnaires, « ils n'ont
pas une situation politique qui éclipse leur condition d'agent public
»30, ce qui justifie l'uniformisation de leur
régime de responsabilité (II). Il faut toutefois
préciser au préalable que le maniement des fonds de l'Etat les
assujettit à une responsabilité contraignante
(I).
§ 1 . Un régime de
responsabilité contraignant
Ce caractère contraignant émane des garanties
jointes à la responsabilité du comptable. Il y en a
principalement trois : la prestation de serment31 qui se fait en
principe devant la Cour des comptes et qui est une garantie morale, ce qui
ajouté à son immatérialité en fait un sujet qui ne
mérite pas qu'on lui accorde une importance particulière ;
à côté d'elle, il y a le cautionnement (A)
et l'hypothèque légale (B).
29 Moussa ZAKI, loc. cit. p. 307
30 P. M. GAUDEMET & J. MOLINIER, op. cit. p.
365.
31 Le paragraphe 2 de l'instruction
générale française du 16 août 1966 relatif à
l'organisation du service des comptables publics dispose : « le serment
professionnel est l'acte par lequel les comptables jurent de s'acquitter dans
leurs fonctions avec probité et fidélité et de se
conformer exactement aux lois et règlements qui ont pour objet d'assurer
l'inviolabilité et le bon emploi des fonds publics. ».
Le comptable prête obligatoirement serment avant
d'être installé sur son premier poste.
A - Le cautionnement
32 JORS 3537 du 30 juin 1962, p.1115.
33 Cf. Arrêté du 24 novembre 2000
organisant les modalités de fixation du cautionnement des comptables des
établissements publics locaux d'enseignement et des
établissements dont la responsabilité et la charge incombent
entièrement à l'Etat (France).
34 Moussa ZAKI, loc. cit. p. 231.
35 « La constitution du cautionnement pourra être
réalisée soit en un seul versement, soit par versements mensuels
d'un montant minimum égal à la moitié de
l'indemnité de responsabilité allouée au titulaire du
poste comptable. L'indemnité de responsabilité ainsi
allouée mensuellement sera égale au douzième du montant du
cautionnement auquel sera astreint le titulaire du poste comptable. »
article 3 décret n° 62.233 précité.
Il est régi au Sénégal par le
décret n° 62.233 du 14 juin 196232.Avant leur prise de
fonction, les comptables sont tenus de constituer un cautionnement. C'est un
dépôt destiné à verser à la
collectivité publique lésée le montant total ou partiel
d'un débet mis à la charge du comptable. En argent ou en titres,
il est déposé au service des dépôts et
consignations. Il est fixé par arrêté du ministre des
finances, ou par arrêté conjoint du ministre des finances et du
ministre de tutelle lorsque le comptable public remplit ses fonctions
auprès d'une collectivité publique ou d'un établissement
public relevant d'un autre ministère ; son chiffre varie suivant le
poste comptable occupé33 : Trésorier
général = 1.800.000 F CFA, Receveur général et
payeur général = 1.440.000 F CFA, Percepteur = entre 360.000 et
480.000 F CFA etc.34
Si le comptable en a les moyens, il peut s'acquitter de la
somme requise en un seul versement, à défaut, le cautionnement
peut faire l'objet d'un paiement échelonné35 sur une
durée inférieure à deux ans à compter de sa
nomination. Les comptables qui se retrouveraient dans l'impossibilité de
mobiliser les fonds nécessaires à la constitution du
cautionnement avant leur entrée en fonction peuvent s'affilier à
une association de cautionnement mutuel. Cela se matérialise par le
versement d'une cotisation annuelle égale au centième de la somme
exigée. De surcroît, le comptable doit souscrire une assurance
pour couvrir sa responsabilité personnelle et pécuniaire. Il faut
faire la différence entre le cautionnement et l'assurance. Le premier
est une garantie pour l'Administration alors que la seconde que le comptable
peut contracter à titre personnel est destinée à lui
rembourser le montant des débets mis à sa charge.
Le cautionnement permet de prévenir toute
insolvabilité du comptable lorsque sa responsabilité
pécuniaire est engagée et qu'il ne bénéficie pas
des atténuations prévues. L'arrêt de quitus donne droit
à la restitution du cautionnement.
En définitive, le cautionnement est une mesure
très efficace pour le Trésor dans une perspective de couverture
des pertes occasionnées par le comportement fautif d'un comptable.
A coté de cette garantie, l'Administration dispose d'un
procédé tout aussi efficace : c'est l'hypothèque
légale.
B - L'hypothèque légale
36
Cette hypothèque a été instituée
au Sénégal par la délibération n°3 du 27
août 1962 et est régie par le décret n° 63.478 du 13
juillet 196337. Tous les biens immeubles du comptable acquis avant
sa nomination (à l'intérieur du pays et à
l'étranger), les immeubles acquis à titre gratuit ou
onéreux après sa nomination (donation, testament,
héritage), les immeubles acquis par son ou ses conjoints à titre
onéreux après sa nomination - sauf s'il est établi qu'ils
ont été acquis avec des deniers appartenant au(x) conjoint(s) -
et ce quel que soit le régime matrimonial, sont grevés d'une
hypothèque légale. Cette hypothèque concerne de même
les immeubles acquis au nom des enfants mineurs (à moins que ces
derniers soient en mesure de prouver que les fonds qui ont servi à
l'achat de l'immeuble leur appartenaient) depuis sa nomination.
Les biens du comptable font l'objet d'un recensement
général et permanent. Il est lui- même soumis à une
obligation de déclaration de toute acquisition de bien immobilier dans
les huit jours et est tenu d'en demander l'inscription au livre foncier.
La levée de l'hypothèque est automatique lorsque
la Cour des comptes rend un arrêt de quitus comme le précise
l'article 38.2 de la loi 99-70 précitée : « Si le compte
est reconnu régulier, la chambre rend un arrêt de décharge
à l'égard du comptable demeuré en fonction ; à
l'égard du comptable sorti de fonctions, elle rend un arrêt de
quitus qui donne mainlevée de toutes les sûretés et
garanties grevant les biens personnels du comptable au profit du Trésor
public. » (cf. dans le même sens l'article 9 du décret
63.478 du 13 juillet 1963).
L'hypothèque est, à l'instar du cautionnement,
une garantie efficace pour le Trésor. A côté d'elle, il y a
d'autres garanties moins efficaces : c'est le privilège du Trésor
sur les biens meubles et le gage général.
36 Cette hypothèque est parfois
qualifiée de forcée.
37 JORS 3619 du 3 août 1963, p. 1049.
Le privilège du Trésor est un droit de
préférence qui permet au Trésor d'être payé
avant les autres créanciers qui entrent en concours avec lui. Le gage
général est prévu par le nouveau code des obligations
civiles et commerciales du Sénégal en son article 200 : «
Le débiteur répond de sa dette sur tous ses biens
présents et à venir. ». Il est dévolu à
tous les créanciers.
Il faut cependant noter que les comptables publics des
matières38 « sont dispensés du
dépôt d'un cautionnement et de la constitution de garanties, sauf
lorsque l'importance des mouvements du poste le justifie.
»39.
A travers l'hypothèque et le cautionnement, on peut
effectivement affirmer que le comptable est soumis à une
responsabilité contraignante. Comparée à celle des
ordonnateurs, même si elle trouve son fondement dans le maniement par le
comptable de fonds appartenant à l'Etat, cette responsabilité
n'en est pas moins coercitive. Ce qui fait dire à Jean AUTIN : «
S'il est normal qu'une responsabilité lourde et permanente
pèse sur le comptable, il est regrettable que les administrateurs et les
ordonnateurs puissent échapper à toute sanction alors qu'ils sont
susceptibles par leurs erreurs ou leur inertie de faire supporter aux
comptables publics des fautes dont ils sont les initiateurs.
»40.
Toutefois, si la responsabilité du comptable comporte
une autre spécificité, c'est que contrairement à celle de
l'ordonnateur, elle est uniformisée pour l'ensemble du corps des
comptables publics.
§ 2. Un régime de
responsabilité uniformisé
Bien qu'il existe différents types de comptables, ils
sont tous soumis aux mêmes responsabilités. Il ne serait
dés lors pas pertinent d'analyser cette responsabilité en tenant
compte de cette diversité, on pourrait néanmoins
l'appréhender par son étendue (A) et sa mise en
oeuvre (B).
38 Il faut discerner dans le corps des comptables
publics ceux qui manient les fonds (comptables des deniers) et ceux (comptables
des matières) qui assurent la garde et la conservation des
matériels et matières en stocks, et suivent les mouvements des
biens ordonnés par les administrateurs de crédits, les
ordonnateurs et leurs délégués (article 25 décret
2003-10 1). La comptabilité des matières est régie par le
décret n° 8 1-844 du 20 août 1981 modifié.
39 Charles FOURRIER, Finances publiques du
Sénégal, Paris, Pedone, 1975, p. 269.
40 Jean AUTIN, Initiation aux finances publiques,
Paris, Dunod, 1971, p.19.
A - L'étendue de la
responsabilité
Du fait de leur qualité de fonctionnaire, ils
relèvent du statut général de la fonction publique. Mais
il y a en outre une responsabilité personnelle et pécuniaire qui
leur est spécifique41.
La responsabilité prévue par le statut
général de la fonction publique est la même que celle
envisagée pour les ordonnateurs fonctionnaires. La loi 61-33
n'opère pas de distinction entre les fonctionnaires à ce niveau.
Il faut cependant préciser que le comptable peut échapper
à des sanctions administratives s'il parvient à justifier que les
règlements, instructions ou ordres auxquels il a refusé ou
même négligé d'obéir auraient pu engager sa
responsabilité personnelle et pécuniaire de comptable public
(article 21 décret n° 62.195 du 17 mai 1962).
D'un autre coté, le comptable est personnellement et
pécuniairement responsable du paiement des dépenses, du
recouvrement des recettes, de la garde et de la conservation des valeurs, du
maniement des fonds et des mouvements de compte de disponibilité, des
opérations et documents de comptabilité, de la conservation des
pièces justificatives et de la tenue de la comptabilité du poste
comptable qu'il dirige. Il est également responsable des contrôles
qu'il est tenu d'effectuer en matières de recettes et de
dépenses, ainsi que des paiements sur réquisition de
l'ordonnateur s'il s'avère qu'il n'avait pas le droit de
déférer à l'ordre de réquisition. La
responsabilité personnelle et pécuniaire s'étend aussi aux
actes des agents qui sont sous son autorité (agents comptables
secondaires ou régisseurs)42. L'article 28 du décret
2003-101 dispose à cet égard : « Les comptables publics
peuvent déléguer leurs pouvoirs à un ou plusieurs
mandataires ayant la qualité pour agir en leur nom et sous leur
responsabilité ». La loi 99-70 du 19 février sur la
Cour des comptes élargit le champ de cette responsabilité par
l'entremise d'autres comptables publics avec « les comptes externes de
disponibilités dont il ordonne ou surveille les mouvements. »
(Article 25.1). Enfin cette responsabilité pourrait porter sur les actes
des comptables de fait, si le comptable patent a eu
41 Le décret 2003-101 dispose en son article 53
alinéa 4 : « Les responsabilités des comptables publics en
matière de recouvrement sont engagées et mises en jeu dans les
conditions fixées par le décret relatif à la
responsabilité des comptables publics. ». C'est le décret
n° 62.195 du 17 mai 1962 portant
réglementation concernant les comptables publics qui est
jusqu'à présent applicable.
42 C.comptes, 19 décembre 1956, Saumitou -
Laprade, trésorier payeur général du pas de calais :
responsabilité du fait des préposés ou d'autres
comptables, GAJF, 4e éd., n° 26, p. 236
C.comptes, 30 octobre 1952, Lévêque, commune de
Roche - Posay : responsabilité du fait des régisseurs, GAJF,
4e éd., n° 27, p. 247.
connaissance de ces actes sans pour autant les signaler au
responsable de la collectivité publique dont il dirige le poste
comptable et au ministre du budget.
Pour résumer, le comptable est en tant que
fonctionnaire, disciplinairement responsable, et en tant que comptable,
personnellement et pécuniairement responsable, pour faits personnels et
pour faits d'autrui, de l'exécution comptable de la loi de finances.
Après avoir analysé le champ d'application -
assez vaste il faut le reconnaître - que couvre la responsabilité
du comptable, il convient de s'intéresser à sa mise en oeuvre.
B - La mise en oeuvre de la
responsabilité
Etablir la responsabilité du comptable ne
nécessite pas la commission d'une faute ; il y a une présomption
générale de responsabilité qui pèse sur lui. Il lui
appartient une fois cette responsabilité engagée de prouver que
sa gestion est régulière.
Cette responsabilité peut être engagée
soit par la Cour des comptes, soit par le ministre des finances (article 32
décret 62-195 du 17 mai 1962 portant réglementation concernant
les comptables publics)43.
- La procédure juridictionnelle : la loi 90-70 sur la
Cour des comptes dispose en ses articles 25 « La Cour juge les comptes
des comptables principaux44 » et 34 « Tout
comptable public doit rendre compte de sa gestion devant la Cour ».
La Cour rend d'abord un arrêt provisoire qui comporte les observations et
injonctions éventuelles et qui sera notifié au comptable. Ce
dernier dispose d'un délai d'un mois45 (deux mois en France)
pour produire ses justifications. Si à partir de ces justifications le
juge financier considère le compte régulier, il rend un «
arrêt de décharge » qui se transforme en « arrêt
de quitus » si le comptable quitte ses fonctions ; si le compte comporte
un excès de recettes ou une insuffisance de dépenses, la Cour
rend un « arrêt d'avance » ; si par contre il y a excès
de dépenses ou insuffisance de recettes, elle rend un « arrêt
de débet ».
43 JORS 3531 du 2 juin 1962, p. 921.
44 Le trésorier général apure les
comptes présentés par les comptables des organismes publics et
les trésoriers payeurs régionaux procèdent à
l'apurement administratif des comptes des comptables des collectivités
locales. Si le comptable est déchargé, la décision du
comptable principal produit les mêmes effets qu'une décision de la
Cour, si par contre l'apurement laisse apparaître des
irrégularités pouvant entraîner la mise en débet du
comptable, le comptable principal en fixe le montant à titre
conservatoire et transmet le dossier et les pièces justificatives
à la Cour des comptes qui, après demande de justification au
comptable, statue définitivement (cf. articles 34 de la loi 99-70 et 342
de la loi 96-06 du Sénégal).
45 Le non respect de ce délai peut
entraîner une amende pouvant aller jusqu'à 100.000 francs par
injonction et par mois de retard à moins que le comptable ne fournisse
une justification valable de ce retard (cf. article 37 de la loi 99-70).
L'arrêt de la Cour des comptes peut faire l'objet d'un
recours en révision devant la Cour elle-même (présentation
de nouvelles pièces justificatives, erreur, omission, faux ou double
emploi) ou d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat
(incompétence, vice de forme ou violation de la loi) ;
- La procédure administrative : il y a d'abord une
phase amiable où le ministre des finances - en France, ça peut
aussi être le ministre de tutelle mais l'arrêté de
débet qu'il prononce n'a qu'une valeur déclarative il faut
l'intervention du ministre des finances pour lui donner une valeur
exécutoire - émet un ordre de versement à l'encontre du
comptable. Si ce dernier ne défère pas à l'ordre, il est
prévu une phase exécutive dans laquelle il est émis
à l'encontre du comptable constitué en débet un titre de
perception exécutoire par le moyen d'un arrêté de
débet.
Le comptable mis en débet est dans l'obligation de
couvrir le Trésor du montant de la perte de recettes subie ou de la
dépense indûment payée.
Le comptable peut cependant bénéficier d'une
décharge de responsabilité ou d'une remise gracieuse de
débet. Il peut ainsi s'adresser au ministre des finances pour obtenir
une décharge totale ou partielle de responsabilité. La
décharge est automatique si la faute est indépendante de sa
volonté (cas de force majeure : incendie, guerre, vol à main
armée etc.). C'est un droit pour le comptable (la décision du
ministre des finances fait l'objet d'un contrôle du juge administratif).
Le comptable peut également bénéficier d'une remise
gracieuse totale ou partielle. A la différence de la décharge,
c'est une faveur relevant du pouvoir discrétionnaire du ministre des
Finances. L'introduction d'une demande de décharge peut surseoir le
versement de la somme à couvrir.
En dehors de ces deux exonérations de
responsabilité, il y a l'admission en non valeur des créances
irrécouvrables (disparition ou insolvabilité du débiteur,
insuffisance des moyens en personnel et en matériel nécessaires
pour le recouvrement). Il faut tout de même noter que ce régime
n'éteint pas immédiatement la dette. La somme est inscrite sur le
registre des créances admises en non valeur et la dette peut être
poursuivie jusqu'à une durée de deux à cinq ans en
fonction du montant de la créance.
Les mécanismes de mise en jeu de la
responsabilité du comptable sont multiples, mais principalement
répartis entre deux autorités : l'une juridictionnelle, la Cour
des comptes et l'autre administrative, le ministre des Finances.
Ce qu'il y a lieu de retenir de ce chapitre, c'est que le
principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables,
au-delà de la spécialisation ou de l'incompatibilité
fonctionnelle des agents d'exécution du budget, aura une incidence sur
la responsabilité (qui selon le professeur ORSONI trouve son fondement
juridique dans l'article 15 de la déclaration des droits de l'Homme et
du citoyen qui stipule : « La société a le droit de
demander compte à tout agent public de son administration.
»46) ; en effet, selon qu'on est dépositaire des
fonctions administratives ou comptables, on est susceptible d'encourir une
responsabilité rarement engagée ou une responsabilité
drastique. Le constat qui ressort de l'étude de la responsabilité
des agents d'exécution du budget, c'est qu'il faut
impérativement, à l'encontre des ordonnateurs, la
reconsidérer dans le sens de son effectivité à l'endroit
des ministres et dans le sens d'un champ plus large, précis et effectif
pour les élus locaux.
Au terme de cette première partie, il y a lieu de
comprendre par principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables, que les deux phases fondamentalement différentes de
l'exécution du budget « ont été confiées
à deux corps d'agents publics indépendants l'un de l'autre, les
ordonnateurs et les comptables, qui appartiennent à des
hiérarchies administratives distinctes, exercent des compétences
différentes et supportent des responsabilités
particulières »47. Ces propos du professeur Pierre
LALUMIERE illustrent parfaitement les deux composantes de cette règle
que sont d'une part la distinction des tâches et partant leur
incompatibilité, et d'autre part le distinguo des responsabilités
qui découlent de l'exécution de ces tâches.
Cependant, au-delà de sa signification,
l'intérêt de l'étude de cette règle est aussi
à chercher dans son efficience. En clair, qu'est-ce qu'un budget
exécuté sur la base de ce principe présente de plus ou de
moins qu'un autre ? Quelle est l'actualité du principe ? Quel est son
avenir dans l'organisation financière des pays pour lesquels il
représente jusqu'ici une originalité incontestable ?
Autant de questions dont nous tenterons de trouver les
réponses dans la portée du principe de la séparation.
46 Gilbert ORSONI, Science et législation
financières, Paris, économica, 2005, p. 377.
47 Pierre LALUMIERE, Les Finances publiques, Armand
Colin, 1970, p. 269
Deuxième partie : La portée du principe de
la
séparation des ordonnateurs et des
comptables
Maintenant que nous avons une idée de la signification
du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, il
convient de s'appesantir sur ses implications dans l'exécution du
budget. En d'autres termes, quel est l'apport du principe dans cette
exécution ?
D'emblée, nous pouvons dire que c'est un apport
considérable. Dans l'intention du législateur de 1822, le
principe devait être en mesure de concilier transparence des finances
publiques et organisation efficace de la réalisation des
opérations financières. On peut sans ambages affirmer que le
principe a répondu aux attentes qui l'ont fait naître.
Mais vu sous un autre angle, la règle de la
séparation a eu des effets secondaires inattendus qui ont poussé
d'aucuns à donner des réponses nuancées quant à la
question de son efficacité. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le
principe entraîne des conséquences défavorables à
une exécution optimale de la loi de finances.
Ce qui nous pousse à envisager l'étude de cette
partie sous deux angles : dans un premier temps, nous mettrons l'accent sur les
avantages du principe (Chapitre I) avant de nous
intéresser ensuite à ses inconvénients (Chapitre
II).
Chapitre premier : Les avantages du principe de
la séparation des ordonnateurs et de comptables
Si le principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables est toujours maintenu, c'est qu'il fait preuve d'une
efficacité avérée dans l'exécution du budget. En
effet, il a le mérite d'avoir décelé subtilement
l'existence de deux types de tâches qu'il n'était pas souhaitable
de cumuler pour deux bonnes raisons :
- les opérations de l'exécution de la loi de
finances sont multiples et variées et sont donc trop consistantes pour
être confiées à une seule et même personne ;
- la règle de la séparation des ordonnateurs et
des comptables est une transposition du principe constitutionnel de la
séparation des pouvoirs en droit financier. A cet égard, la
préoccupation de Montesquieu suivant laquelle « tout homme qui
a du pouvoir est porté à en abuser » demeure plus que
jamais valable dans la gestion des deniers publics. Le principe peut
s'enorgueillir d'avoir répondu, au moins en partie, aux exigences d'une
gestion transparente des finances publiques.
En clair, les avantages du principe seront analysés
à l'aune de la division rationnelle du travail (Section
I) et de la gestion saine des finances publiques (Section
II).
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