Chapitre premier : La séparation des
fonctions
La séparation des ordonnateurs et des comptables
implique avant tout une séparation des tâches qui leur sont
confiées. Il y a donc une division rationnelle du travail qui
découle du principe et qui voudrait que chacun de ces deux acteurs
assure en ce qui le concerne toutes les tâches et seulement les
tâches qui lui seront dévolues dans le cadre de l'exécution
du budget. C'est dans cette perspective que l'ordonnateur va être
chargé de prescrire l'exécution du budget (Section
I), pendant que le comptable se livre à des opérations
telles que la conservation des valeurs, la gestion de la trésorerie, la
tenue de la comptabilité, bref il lui revient la charge de manier les
fonds (Section II).
Section première : La prescription de
l'exécution du budget par l'ordonnateur
C'est la phase administrative de l'exécution du budget.
Elle relève exclusivement de l'ordonnateur et comporte des tâches
variées selon qu'il s'agit des dépenses (I) ou
des recettes (II).
§ 1 . Les opérations de
dépenses
Ces opérations peuvent être
décomposées en trois phases : l'engagement de la dépense
(A), la liquidation (B) et l'ordonnancement
ou le mandatement (C).
A - L'engagement de la dépense
Suivant l'article 88 du décret 2003-101 portant RGCP,
« l'engagement est l'acte par lequel l'Etat ou un autre organisme
public crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle
résultera une charge. ». Il faut cependant préciser que
la notion d'engagement recouvre deux significations : d'une part l'engagement
juridique qui est le fait générateur de la dépense et qui
peut résulter d'un acte juridique (arrêté, marché ou
contrat) ou encore de faits extérieurs à tout acte de
volonté (dommages causés par un organisme public), et d'autre
part l'engagement comptable qui est l'imputation par l'ordonnateur, sur les
crédits budgétaires dont il dispose, des fonds nécessaires
à la
réalisation de la dépense décidée.
Dés lors, cette somme ne peut plus être affectée à
un autre usage. Comme le souligne monsieur Mamadou DIOP8, «
c'est l'acte qui rend l'Etat débiteur (commande de fournitures ou
passation d'un marché, décret de nomination etc.) ».
L'engagement comptable est donc l'affectation d'une partie des crédits
budgétaires à la réalisation de la dépense qui
résulte de l'engagement juridique. En d'autres termes, l'engagement
comptable doit toujours précéder l'engagement juridique dans la
mesure où les engagements de dépenses sont limités soit au
montant des crédits, soit au montant des autorisations de programme
inscrites au budget. Cette opération préalable va permettre de
s'assurer de la disponibilité des crédits avant de
procéder à la signature d'un quelconque engagement juridique.
L'engagement peut être spécifique (contrat,
marché) ou permanent (règlement mensuel des dépenses de
personnels ou encore paiement des annuités d'emprunt). Les actes
d'engagement de la dépense sont soumis à un contrôle
financier (contrôle de régularité budgétaire et
juridique de la dépense). La régularité de l'engagement
entraîne une apposition du visa du contrôleur financier. Par contre
lorsque l'engagement est irrégulier, le visa fait défaut, ce qui
empêche la poursuite de l'opération de dépense.
La phase d'engagement est caractérisée par la
liberté qui est accordée à l'ordonnateur dans la prise de
sa décision mais toujours à l'avenant des prévisions
budgétaires et des textes.
Il faut enfin noter que l'engagement doit prendre la forme
d'un document écrit et être établi en trois exemplaires :
un exemplaire pour le fournisseur ou l'entrepreneur, un autre pour
l'ordonnateur et un troisième conservé dans les archives de
l'agent comptable.
En somme, il faut dire que l'engagement est le point de
départ de l'opération de dépenses. C'est donc une
étape essentielle dans laquelle il est procédé à
l'affectation des crédits ou moyens financiers indispensables à
la dépense. Mais comme on l'a souligné, l'engagement n'est que
l'entame d'un processus qui se poursuit avec d'autres opérations dont la
liquidation.
B - La liquidation de la dépense
L'article 93 du décret 2003-101 la définit comme
suit : « l'opération qui consiste à constater et
à arrêter les droits du créancier ». En termes
clairs, sa finalité est de vérifier
8 Mamadou DIOP, op. cit. p. 101
la réalité de la dette et de fixer le montant ou
la hauteur de la dépense. Elle renferme deux éléments : la
vérification du service fait et la liquidation proprement dite.
La règle du service fait a été
instituée par l'ordonnance française du 14 septembre 1822. Elle
consiste à vérifier la réalité de la dette.
L'ordonnateur ne devra procéder au calcul d'une créance (ce qui
ouvre droit à son paiement ultérieur) que si le créancier
a effectué la prestation justifiant sa rémunération. Cette
opération présente l'avantage d'empêcher à l'Etat de
payer un service qui n'a pas été effectué ou qui a
été effectué mais pas conformément aux clauses d'un
contrat. C'est donc une garantie pour l'Etat. La personne responsable du
marché doit à cet effet fournir des titres et des pièces
justificatives permettant d'attester le service fait. Cette étape doit
aboutir à une certification de service fait dressée par
l'ordonnateur à l'intention de l'agent comptable sur la base d'une
facture ou de tout autre document ad hoc.
La liquidation proprement dite ou le calcul des
éléments comptables de la facture renvoie au calcul du montant de
la dette. L'ordonnateur doit à cet effet vérifier si la dette
n'est pas totalement ou en partie éteinte du fait de la prescription ou
encore par l'intermédiaire d'un paiement antérieur. En effet des
acomptes ou avances peuvent être consentis par l'Etat à des
entreprises qui effectuent des travaux pour son compte.
En définitive, il faut dire que c'est dans cette
seconde étape de l'exécution administrative des dépenses
que la dette devient liquide (fixation du montant exact en argent)9.
C'est donc une étape fondamentale avant l'intervention de
l'ordonnancement.
C - L'ordonnancement ou le mandatement de la
dépense
Aux termes de l'article 99 du RGCP du Sénégal,
« L'ordonnancement est l'acte administratif par lequel,
conformément à la liquidation, l'ordre est donné au
comptable de payer la dette de l'Etat ou celle des autres organismes
publics ». C'est donc l'ordre de payer adressé par
l'ordonnateur au comptable. Il se traduit par une ordonnance de paiement quand
il s'agit d'un ordonnateur principal et par un mandat de paiement s'il s'agit
d'un ordonnateur secondaire ou d'un ordonnateur principal d'une personne
publique autre que l'Etat. A quelques exceptions près (procédures
de paiement sans ordonnancement préalable, paiement par les
régisseurs), aucune dépense ne peut être
9 cf. Maurice DUVERGER, Finances publiques, 7e
éd., PUF, 1971 p. 315
acquittée à moins d'être a priori
ordonnancée. Cette opération est matérialisée par
l'établissement d'un ordre général de paiement. La
décision d'ordonnancement est un acte qui relève du pouvoir
discrétionnaire de l'ordonnateur. Cela n'empêche que le Conseil
d'Etat, dans deux de ses décisions10 avait admis la
possibilité d'intenter un recours pour excès de pouvoir contre le
refus d'ordonnancement.
L'ordonnancement ou le mandatement répond à des
exigences qui sont au nombre de trois :
1. intervention de l'ordonnateur dans la limite des
crédits budgétaires autorisés (il doit énoncer
l'exercice, le chapitre et s'il y a lieu, l'article auquel se rapporte la
dépense) ;
2. soumission avant signature au visa du contrôleur
financier ;
3. respect des dispositions légales et
réglementaires et transfert au comptable des pièces lui
permettant de vérifier la régularité de la dépense
lors du paiement.
Il faut cependant noter que pour certaines dépenses,
cette troisième phase ne représente pas une étape
obligatoire. Ceci est la plupart du temps dû au caractère
répétitif de ces dépenses.
L'ordonnancement est donc une étape très
importante qui marque la fin de la phase
administrative et la transition vers la phase comptable de
l'exécution des dépenses.
En définitive, on peut affirmer que les
compétences de l'ordonnateur dans le cadre de l'exécution des
dépenses sont réductibles à ces trois opérations.
Il convient maintenant de s'intéresser à ses attributions en
matière de recettes.
§ 2 . Les opérations de recettes
L'exécution administrative des recettes recouvre deux
opérations principales : il y a d'abord l'établissement des
recettes (A), et ensuite la mise en recouvrement
(B).
A - L'établissement des recettes
C'est une opération qui se réalise en deux temps
: d'un côté nous avons la constatation des droits, et de
l'autre la liquidation. C'est ce qui ressort de l'article 41 du décret
2003-
10 CE, Section, 4 février 1949, Villaret (Rec.
Page 52). CE, Ass. , 24 janvier 1961 Médard (Rec. Page 141).
101 portant RGCP qui dispose : « Dans les conditions
prévues pour chacune d'entre elles, les recettes sont constatées
et liquidées avant d'être prises en charge et
recouvrées ».
S'agissant tout d'abord de la constatation des droits, il faut
dire que c'est le fait générateur de la créance publique.
On pourrait donc l'assimiler à la phase d'engagement dans le cadre de
l'exécution des dépenses. Concernant les recettes fiscales, cela
se matérialise par l'existence d'une matière imposable ainsi que
des lois et règlements qui justifient ou permettent la soumission de
contribuables à l'impôt. La créance publique peut aussi
avoir des origines non fiscales, c'est soit une infraction entraînant une
amende, soit la condamnation pécuniaire d'une personne physique ou
morale, soit encore la conclusion d'un contrat. Une fois ce travail fait,
l'ordonnateur détermine la valeur exacte de la créance.
Pour ce qui est donc de la liquidation, comme dans le cadre
des dépenses, elle permet de calculer le montant de la recette ; en
clair, elle détermine la hauteur de la dette des redevables.
Concrètement, on devrait arriver à la somme due à partir
de la base d'imposition et par l'application de barèmes ou tarifs. Elle
donne lieu à l'établissement d'un titre de perception (qui a
valeur de régularisation pour les recettes encaissées au comptant
ou sur versement spontanée des redevables).
L'établissement des recettes est donc un
préalable au recouvrement qui permet de parvenir à la
maîtrise de la valeur exacte de la créance de l'Etat.
La fin de l'exécution de cette opération va
mener à la dernière étape de l'exécution
administrative des recettes que constitue la mise en recouvrement.
B - La mise en recouvrement
Elle est matérialisée par la mise sur pied d'un
titre de recettes et l'inscription sur un bordereau récapitulatif aux
fins d'enregistrement dans la comptabilité administrative. La
créance constatée et liquidée doit faire l'objet d'un
ordre de recettes constitué :
- soit par un extrait de décision de justice ;
- soit par un acte formant titre ;
- soit par un arrêté de débet ;
- soit par un titre de perception.
L'ordonnateur dispose d'une compétence exclusive en
matière d'émission d'ordre de recettes, exception faite de la
décision de justice. Les créances d'une collectivité
locale émanant d'une décision de justice imposent à
l'ordonnateur une intervention dans les deux mois. En cas de
défaillance, le représentant de l'Etat dispose d'un pouvoir de
recouvrement d'office. Le bordereau va ensuite être envoyé au
comptable avec toutes les pièces justificatives.
La mise en recouvrement met fin au rôle de
l'ordonnateur11 dans l'exécution des recettes.
Il faut reconnaître que c'est dans l'exécution
administrative du budget que se prennent les décisions d'effectuer telle
dépense ou de recouvrer telle recette. C'est donc une phase
incontournable qui, comme nous l'avons souligné dans nos
développements, fait ressortir une certaine autonomie de l'ordonnateur
dans ses choix.
Cependant les pouvoirs de ce dernier ne vont pas jusqu'à
la conservation des valeurs ou
encore la gestion de la trésorerie, ce qui justifie
l'intervention d'un agent comptable.
Section II : Le maniement des fonds par le comptable
C'est la phase comptable de l'exécution du budget.
L'ensemble des opérations auxquelles le comptable se livre se
ramène à deux éléments : le paiement des
dépenses (I) et le recouvrement des recettes
(II).
§ 1 . Le paiement des dépenses
Le paiement est l'acte par lequel l'organisme public se
libère de sa dette. Il correspond à l'exécution comptable
des dépenses. Dans cette phase, l'agent comptable remplit deux fonctions
: une fonction de payeur (A) et une fonction de caissier
(B).
A - La fonction de payeur
Cette fonction renvoie à l'exercice d'un certain nombre
de contrôles. En effet avant de procéder au paiement, le
comptable effectue un contrôle sur les documents fournis
par l'ordonnateur. Il s'agit essentiellement d'un contrôle de
régularité. La jurisprudence
11 Les opérations en matière
d'impôts indirects sont confiées à des agents publics :
services de la Direction générale des impôts - d'où
le transfert de la fonction d'ordonnateur en matière de recettes au
Directeur général des impôts (impôts indirects et
taxe sur le chiffre d'affaire) - services de la Direction des douanes
(ordonnateur correspond au Directeur des douanes : droits de douane et droits
indirects).
financière a en effet admis que le comptable ne pouvait
pas s'ériger en juge de la légalité des décisions
administratives12. C'est donc un contrôle qui porte sur la
régularité de l'ordre reçu ; c'est-à-dire la
qualité d'ordonnateur, la disponibilité des crédits,
l'imputation de la dépense, la justification du service fait, le respect
des règles de prescription, le calcul du montant de la
dépense.
D'autre part, ce contrôle s'intéresse à
l'identité et à la capacité du créancier. Le
comptable doit en effet vérifier qu'il s'agit du véritable
créancier ou de son représentant dûment habilité.
Enfin, il appartient au comptable de veiller à l'application des
règles de la déchéance (article 27 RGCP), ou encore de
vérifier si les actes n'ont pas fait l'objet d'une annulation
contentieuse.
La régularité de la dépense
entraîne son paiement. Par contre, si l'un des éléments
faisant l'objet de contrôle comporte une irrégularité, le
comptable suspend le paiement et en informe l'ordonnateur. Face à cette
situation, ce dernier dispose de deux options : rectifier l'erreur qui lui a
été signalée par le comptable (ce qui nécessite un
nouvel ordonnancement) ou lui donner un ordre de réquisition. Si
l'ordonnateur opte pour le second choix, le comptable sera tenu de payer mais
il dégage par la même occasion la responsabilité du
paiement de la dépense qui reposait sur lui. Dés lors,
l'ordonnateur devient responsable du paiement ; mais pour que ce transfert de
responsabilité soit effectif, il faut que le comptable ait au
préalable opposé l'irrégularité en question - le
comptable reste responsable des irrégularités non couvertes par
la réquisition - faute de quoi, il demeure personnellement et
pécuniairement13 responsable du paiement. Il ne faut
toutefois pas perdre de vue que même en cas de réquisition,
l'agent comptable doit refuser de procéder au paiement s'il y a absence
de crédits, absence de service fait ou de sa justification, absence de
visa du contrôleur financier ou s'il y a caractère non
libératoire de la dépense.
La première tâche du comptable est donc relative
à un ensemble de contrôles de régularité et non de
légalité (faculté appartenant au seul juge) de la
dépense. Une fois ces conditions de régularité remplies,
il passe à l'opération matérielle de paiement.
12 C. comptes, 28 mai 1952, Marillier, receveur
commune de Valentigney, GAJF, 4 éd., p. 148 et s.
13 C. comptes, 17 octobre 1916, Masselot, comptable
du département de Constantine, GAJF, 4e éd., p. 171 et
s.
B - La fonction de caissier
Lorsque le comptable remplit sa fonction de caissier, cela
signifie que la dépense est régulière à tous
égards et qu'il est désormais dans l'obligation de libérer
l'Etat de sa dette. Ce dernier va ainsi procéder au règlement de
la dette en payant le créancier lui- même.
Ici, le comptable se livre à une autre série de
contrôles relatifs au caractère libératoire de la
dépense. Il doit en effet s'assurer de l'identité du
bénéficiaire, mais aussi de sa capacité juridique. L'agent
comptable peut, à cette fin, exiger du créancier (comme preuve de
son identité) ou de son représentant (à titre de
justification des pouvoirs qui lui ont été conférés
par le créancier) la production d'un acte authentique. D'autre part, il
vérifie qu'il n'existe pas d'opposition au paiement ;
c'est-à-dire si la somme n'est pas réclamée par un tiers
ou s'il n'y a pas de saisies-arrêts ou de cessions sur les biens du
créancier. Les créanciers de ce dernier peuvent en effet
s'opposer à ce qu'il soit payé. Cette opposition doit être
signifiée aux comptables payeurs qui suspendent le paiement
jusqu'à validation de l'opposition par justice. Dés lors, pour
que la dépense ait un caractère libératoire, le paiement
doit se faire non pas au profit du créancier originaire mais à
l'endroit des opposants14. Enfin le comptable vérifie si le
mode de paiement précisé par le fournisseur sur le bon
d'engagement ou de commande est en conformité avec les différents
modes prévus par le RGCP.
Le règlement de la dette peut prendre plusieurs
formes15 : virement, remise d'un chèque, en espèces
contre délivrance d'une quittance.
S'il ne décèle aucune irrégularité
à l'issue de ce contrôle, il accorde son visa « vu bon
à payer » sur le titre de paiement et procède au
versement. Dans le cas contraire il doit refuser de procéder au paiement
même sur réquisition de l'ordonnateur sous peine d'engager sa
responsabilité personnelle et pécuniaire16.
L'exécution comptable des dépenses englobe donc
deux fonctions essentielles. Une exécution transparente du budget
nécessite, à côté de l'ordonnateur, la
présence d'un
14 C. comptes, 30 avril 1980, Smaggia, commune de
Sucy-en-Brie, GAJF, 4e éd., p.185 et s.
15 Notons cependant que le paiement par virement de
compte est en principe obligatoire pour les dépenses qui excédent
un montant fixé par arrêté du ministre des Finances.
16 CE, 1er juillet 1890, Léon, TPG
de l'Oise, Rec. CE p. 1056
CE, 28 et 29 juillet 1890, Souchard, Receveur municipal de
Montauban, Rec. CE p. 1059 C. comptes, 7 juillet 1943, Gautier, A. S. de la
grange des nones, Rec. p. 63.
C. comptes, 13 mars 1969, Deville, Payeur général
de France en Tunisie, Rec. p. 74
contrôleur mais aussi d'un collaborateur qui puisse
concrétiser ses ordres. Cependant, l'intervention du comptable en
matière de recettes recouvre-t-elle la même importance ?
§ 2 . Le recouvrement des recettes
L'exécution comptable des recettes devrait aboutir au
recouvrement matériel de la créance de l'Etat
(B), mais au préalable, le comptable doit prendre en
charge les rôles et les ordres de recettes (A).
A - La prise en charge
Les opérations de recouvrement commencent par la
réception par le comptable des ordres de recettes émis par
l'ordonnateur. Dés lors, le comptable doit inscrire la recette dans ses
écritures : c'est la prise en charge. Il s'agit de procéder
à l'enregistrement comptable de la recette. Mais au préalable, il
y a un contrôle des opérations dont l'ordonnateur ou d'autres
personnes intervenues dans la phase d'établissement de la recette
avaient la charge. Il peut arriver que la prise en charge ait été
entamée par un ou plusieurs comptables qui lui ont
précédé. Dans ce cas, il vérifie les
possibilités de recouvrement de la recette ou du reste si une partie l'a
déjà été. S'il juge la créance
irrécouvrable, il doit émettre dans les six mois suivant son
entrée en fonction (délai qui peut être prorogé
à douze mois par décision ministérielle s'il prouve que
les six mois étaient insuffisants pour obtenir toutes les informations
nécessaires pouvant lui permettre d'apprécier la
recouvrabilité) des réserves motivées pour dégager
sa responsabilité. Le Conseil d'Etat a en effet décidé que
le comptable était responsable de la gestion de ses
prédécesseurs s'il n'a pas formulé de façon
précise et par écrit des réserves sur cette gestion dans
les six mois suivant sa prise de fonction17. On peut
répertorier entre autre le contrôle de l'identification du
débiteur, l'examen des pièces justificatives, la
vérification de la régularité de la recette,
vérification de la régularité des réductions ou
annulations des ordres de recettes. Mais le contrôle porte uniquement sur
le fondement de la recette et sur sa régularité. Les actes
formant titres de perception sont ensuite « notifiés aux
redevables par avis les informant de la date d'échéance et des
modalités de règlement » (article 44 décret
2003-101 portant RGCP).
17 CE, 23 juin 1989, Ministre des finances c/
Véque et autres comptables de la commune de Romainville, GAJF,
4e éd., p. 217 et s.
En matière d'impôts directs, les percepteurs ont
pour tâche de prendre en charge les rôles - qui sont des documents
retraçant les éléments d'assiette retenus et le montant de
l'impôt - sur un registre spécial tenu hors
comptabilité.
L'envoi au débiteur de l'avis des sommes à payer
met fin à cette opération et donne de ce fait droit au
recouvrement matériel de la recette.
B - Le recouvrement matériel
Une fois les ordres de recettes notifiés aux
redevables, le recouvrement est en principe amiable. L'article 45 du
décret 2003-101 portant RGCP dispose à cet égard : «
La procédure habituelle de recouvrement est amiable ». La
procédure de recouvrement diffère suivant qu'il s'agit des
recettes fiscales ou des recettes non fiscales.
S'agissant de recettes fiscales, il faut distinguer la perception
des impôts directs de celle des impôts indirects.
Pour les impôts directs, le percepteur adresse au
contribuable un avertissement qui est un extrait du rôle18 qui
indique le montant de la dette, la datte de mise en recouvrement ainsi que la
date limite de paiement. Au-delà de cette date, le redevable
reçoit un rappel ou une lettre de sommation, il peut commencer à
subir une pénalité telle qu'une majoration de 10%. S'il refuse
toujours de payer, le recouvrement devient forcé avec l'intervention
d'une contrainte qui est un acte par lequel le rôle est mis à
exécution forcée, ce qui ouvre droit à des poursuites
contre le contribuable. On peut alors procéder à des saisies
(après envoi d'un commandement à payer) et dans ce cadre,
l'Administration n'a pas recours au juge, elle bénéficie du
privilège d'exécution d'office. Les ordres de recettes sont
rendus exécutoires par les ordonnateurs qui les ont émis alors
que les rôles, les décisions de justice et les
arrêtés de débet forment titres de perception
exécutoires. Toutefois, la procédure d'exécution
forcée peut ne pas aboutir si le redevable conteste le
bien-fondé
de la créance ou la régularité de l'acte de
poursuite devant la juridiction compétente. Quant aux impôts
indirects, ils sont perçus sans rôles nominatifs ; les
états de liquidation forment titre de perception. Leur recouvrement
n'obéit pas au principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables. C'est la même Administration qui établit et liquide
l'impôt qui le perçoit. La perception peut se faire suivant deux
modalités :
18 Tous les impôts directs ne sont pas
forcément perçus par voie de rôle : c'est le cas des
impôts exigibles par anticipation ou perçus à la source.
- les droits au comptant : le fait générateur et
son recouvrement sont concomitants. Si le contribuable refuse d'acquitter
l'impôt, il peut être émis un titre de perception
visé par une autorité judiciaire, ayant donc caractère
exécutoire. Le titre est notifié au contribuable par lettre
recommandée. Sur la base de ce titre, l'Administration peut engager des
poursuites comme en matière d'impôt direct et parvenir à
des saisies de biens etc.
- les droits constatés : l'établissement de
l'impôt et sa perception peuvent être simultanés comme ils
peuvent être séparés par un espace de temps.
Concernant les recettes non fiscales, le décret
2003-101 dispose en son article 42 « les redevances pour services
rendus et les autres produits divers ou éventuels de l'Etat ou des
autres organismes publics sont perçus sur ordre de recettes formant
titres de perception de créances constatées par état de
liquidation ou décisions administratives ».
Sous peine d'engager sa responsabilité
pécuniaire et personnelle, le comptable est tenu de veiller au
recouvrement total des fonds par la caisse publique. La recette peut
néanmoins se révéler impossible à recouvrer du fait
de l'insolvabilité ou de la disparition du débiteur. Dans ce cas,
l'admission en non valeur de la créance peut être requise.
Le redevable s'acquitte de sa dette par « versement
d'espèces, par remise de chèque ou effets bancaires ou postaux,
ou par versement ou virement dans l'un des comptes de disponibilité
ouverts au nom des comptables publics. Toutefois, dans les cas prévus
par la loi, les redevables peuvent s'acquitter par remise de valeurs ou par
l'exécution de prestation en nature » (article 48
décret 2003-101 portant RGCP).
Il faut souligner que le Trésor dispose en
matière d'impôt de sûretés et de privilèges.
Il en est ainsi du « privilège du Trésor » qui est un
droit de préférence qui lui permet d'être payé avant
les autres créanciers qui entrent en concours avec lui.
Cette phase de l'exécution du budget fait ressortir le
rôle et l'importance du comptable dans toutes ses dimensions, mais aussi
et surtout dans toute sa particularité au regard des fonctions
allouées à l'ordonnateur.
A partir des éléments que nous avons
abordés dans les deux phases de l'exécution du budget, il nous
est possible d'affirmer qu'il y a une manifestation du principe de la
séparation des ordonnateurs et des comptables dans les tâches dont
chacun de ces deux agents a la charge. Ainsi, ces fonctions, nonobstant leur
interdépendance sont
formellement délimitées car pour reprendre les
mots du professeur Luc SAÏDJ, « l'administrateur - a
même sens que ordonnateur ici - est chargé d'apprécier
l'opportunité de la dépense et le comptable est chargé
d'interdire les irrégularités »19.
Néanmoins, la règle de la séparation des
ordonnateurs et des comptables n'a pas simplement vocation à avoir des
incidences sur les fonctions de ces deux agents ; elle implique aussi des
responsabilités séparées.
19 Luc SAÏDJ, loc. cit. p. 69
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