La participation du salarie au fonctionnement de la societe anonyme en droit ohada( Télécharger le fichier original )par Essoham Komlan ALAKI Université de Lomé - DESS Droit des affaires 2004 |
Paragraphe II - Les conséquences du cumul sur le sort du contratde travail
Le sort du contrat de travail se résume dans la constatation suivante : lorsque la même personne est en droit d'être à la fois salarié de l'entreprise et membre du Conseil d'Administration, « la main droite de ce nouveau Maître Jacques peut-elle totalement ignorer ce que fait la main gauche » 38(*) ? Le sort du contrat de travail du salarié administrateur doit être analysé sous l'angle du cumul régulier (A) et celui du cumul irrégulier (B). A- L'hypothèse du cumul régulierEgalement appelé cumul licite, le cumul régulier est celui opéré dans le respect des exigences légales. Il se caractérise par l'indépendance de principe entre les deux ordres de statuts (1) quand bien même la jurisprudence y a apporté en la matière certains tempéraments (2). 1- L'indépendance de principe des deux statuts L'indépendance de principe signifie que le cumul n'implique aucune interférence dans chacun des deux ordres de statuts dont il est la résultante. Ce principe n'est que le corollaire nécessaire découlant de l'article 426 AUDSCGIE. L'absence d'interférence implique que les modifications apportées à une fonction ne doivent avoir aucun effet sur le maintien de l'autre. L'administrateur qui cumule ses fonctions avec celles de directeur technique ne peut être privé des indemnités afférentes à la rupture de son contrat de travail pour avoir déposé une note critiquant la gestion du Président Directeur Général, « sans esprit de malveillance envers ce dernier pour la défense de ses droits d'actionnaire minoritaire et, comme administrateur, dans l'intérêt social »39(*) . En outre, la révocation du mandat social ne doit pas avoir pour effet d'entraîner la résiliation du contrat de travail conclu avec la société parce que soumise à l'autorisation préalable du Conseil d'Administration à moins que cette modification ne constitue l'accomplissement d'une opération courante de la société40(*). Il reste cependant que l'existence du cumul va compromettre l'application de certaines règles essentielles. Il apparaît dans la pratique que la nécessaire indépendance entre l'organe de contrôle et l'organe contrôlé est menacée : l'administrateur salarié, qui participe en tant qu'administrateur au contrôle de la direction générale, se trouve, en tant que salarié, subordonné à celle-ci. « Cette circonstance risque, selon les personnalités en présence, d'affaiblir la direction générale ou, à l'opposé, de ruiner tout véritable contrôle »41(*). Ces diverses considérations vont nécessairement expliquer les multiples tempéraments apportés par la jurisprudence au principe d'indépendance. 2- Tempéraments jurisprudentiels au principe d'indépendance des deux statuts Du point de vue général, on considère que le cumul permettant au salarié d'accéder aux fonctions de direction de la société constitue un moyen de promouvoir une véritable participation en associant les salariés aux décisions de gestion ainsi qu'aux résultats de celle-ci42(*). Plus précisément, le cumul permet aux cadres salariés d'accéder à la direction sans avoir à perdre leur statut originel. Dans cette optique, le cumul peut porter atteinte à l'exercice des droits collectifs puisque le mandataire ne saurait légitimement participer aux pouvoirs de l'employeur et aux élections des délégués du personnel, voire être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise pour les élections professionnelles 43(*). Dans une espèce rendue le 16 décembre 1981, la Cour de Cassation a décidé qu'un administrateur salarié ne peut légitimement contester la modification, fût-elle substantielle, du contrat de travail, occasionnée par un changement de son lieu d'exécution alors même que l'intéressé avait émis, dans une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) un vote favorable au transfert du siège social. Cette jurisprudence a été réitérée par la chambre sociale dans un arrêt où il a été affirmé qu'une même faute pouvait légitimer une cause réelle et sérieuse de licenciement puis caractériser un juste motif de révocation pour des dirigeants révocables44(*). Il apparaît que la jurisprudence en matière du cumul régulier est fluctuante en raison de la diversité des cas. Quid de la survie du contrat de travail dans l'hypothèse d'un cumul irrégulier ? * 38 Yves CHARIER, La Gestion et le Contrôle des Sociétés Anonymes dans la jurisprudence, Collect. Librairies Techniques, Paris, 1978, p. 30. * 39 Cass. Soc. 16 octobre 1975 Bull. soc. V. n° 465, p. 398 in Yves CHARTIER, op. cit. p. 32. * 40 V. article 444 A.U.D.S.C.G.I.E * 41 Bruno PETIT, « La suspension du contrat de travail des dirigeants de Société Anonyme », RTD com.1981, p.31 * 42 SAYAG, « Mandat social et contrat de travail : attraits, limites et fiction », Rev. Sociétés 1981, p.1 ; Voir aussi Bruno PETIT op. cit p.30. * 43 Cass. Soc 4 octobre 1972, Bull ; V. n° 526, p. 48 in CHARTIER op. cit. p. 30 « (...) la loi prévoyant le cumul d'un mandat d'administrateur et d'un contrat de travail, les décisions prises par un administrateur dans l'intérêt de sa société ne saurait comporter renonciation à ses droits attachés à son contrat de travail ou impliquer l'acceptation d'une modification de ce dernier ». * 44 Cass. Soc. 16 décembre 1981 JCPE 1983, 14108 note P. Fieschi - Vivet. |
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