La participation du salarie au fonctionnement de la societe anonyme en droit ohada( Télécharger le fichier original )par Essoham Komlan ALAKI Université de Lomé - DESS Droit des affaires 2004 |
SECTION II - L'incitation à une plus grande attractivitédes opérations d'actionnariatSi l'actionnariat salarié est plus développé dans les pays européens et outre - atlantiques, on remarque que son absence dans les entreprises de l'espace OHADA s'explique par l'inexistence d'un cadre légal général. Des mesures législatives ou réglementaires capables d'insuffler une nouvelle ère dans l'entreprise s'avèrent nécessaires. Seulement, ces mesures doivent reposer sur une idée centrale, celle de l'incitation, car ce n'est pas en instaurant de nouvelles obligations par la loi que l'actionnariat salarié se développera et il est nécessaire que l'actionnariat reste une démarche purement volontaire et définie par voie contractuelle (Paragraphe I). Parmi la multitude de modèles participatifs optionnels les plus usités en droit comparé, quel dispositif paraît plus adapté aux SA de l'Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales ? Comment peut-on procéder à leur mise en oeuvre dans un environnement juridique dont le contexte ne favorise pas leur promotion (Paragraphe II) ? Paragraphe I - Les modèles participatifs optionnels les plus usitésLes systèmes participatifs des salariés apparaissent assez mal développés dans le droit uniforme car, dans sa logique de créer un cadre propice et attractif pour les investisseurs114(*), le législateur OHADA est parvenu à instaurer des formes dont la mise en oeuvre apparaît stérile.La participation des salariés recouvre aussi bien la participation à la gestion de la société que la participation financière. Or, cette dernière désigne la participation aux bénéfices et la participation au capital de la société. Si la première relève du système d'intéressement facultatif (A), la participation au capital qui permet à une société d'attribuer aux salariés le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions avantageuses concerne essentiellement le système des plans d'option imparfaitement organisé par l'article 640 AUDSCGIE (B). A - L'intéressement facultatifA la différence de la participation aux résultats proprement dite115(*), l'intéressement est un système optionnel qui permet à toute entreprise qui le souhaite d'associer ses salariés à ses résultats ou à l'accroissement de sa productivité. Le but est double. Sur le plan social, cette formule vise à améliorer la rémunération des travailleurs tout en développant « une politique de négociation contractuelle à l'intérieur de l'entreprise ». Sur le plan économique, il tend à orienter l'épargne vers les placements à long terme et à accroître la capacité d'investissement des sociétés.Non seulement l'intéressement est un moyen efficace de motiver les salariés en fonction des performances de l'entreprise, il peut offrir, en outre, un moyen de défiscalisation puisque l'entreprise et le salarié bénéficient d'une déduction au titre des charges fiscales et sociales de l'exercice116(*) . Chaque année, une fraction des bénéfices est versée aux salariés sous la forme de primes d'intéressement. Pour le calcul du montant de la prime, l'entreprise peut retenir la formule de son choix du moment que les éléments de calcul ont un caractère objectif et que le montant de la prime conserve un caractère aléatoire. Ceci permet de maintenir le caractère collectif de l'intéressement et de dissuader les entreprises de transgresser le principe de non substitution de l'intéressement au salaire. Aussi, la répartition des primes d'intéressement entre les salariés peut être uniforme ou proportionnelle au salaire ou à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice. Ces différents critères peuvent aussi être combinés.En principe, le critère fondamental doit être celui de l'accroissement de la production. Mais il est courant de voir certaines entreprises en droit comparé, verser à leurs salariés des primes d'intéressement alors même que les résultats sont déficitaires117(*). Dans cette optique, on peut rapprocher la prime d'intéressement de la prime de rendement ou de productivité instaurée par certaines sociétés de l'espace OHADA118(*). Seulement, celle-ci est une prime de rendement individuel dénoncée par certains auteurs comme tendant à rompre la solidarité entre les travailleurs tout en les usant par excès de cupidité119(*). La prime d'intéressement, à la différence de la prime susmentionnée, sera versée en fonction de l'appréciation globale de l'effort collectif tendant à l'amélioration des résultats de la société. Par ailleurs, en dehors du versement en espèces, la société peut décider, au titre de l'intéressement, de distribuer gratuitement les actions aux salariés. Dans ce cas, l'intéressement peut se muer en un autre modèle participatif, la participation au capital. B - La participation au capital de la sociétéLa détention d'une fraction du capital de la société constitue un véritable procédé optionnel de la participation du salarié car c'est une démarche de confiance. Cette démarche est individuelle (le salarié engage son épargne personnelle), volontaire (cette décision est prise en toute liberté) et responsable (l'achat d'actions se fait en toute connaissance des risques malgré les avantages consentis). La participation au capital peut suivre deux modalités : les options sur actions et l'augmentation du capital spécialement réservée aux salariés. En premier lieu, le système des options de souscription ou d'achat d'actions s'inspire de la formule américaine à grand succès des stocks option plans120(*). Ce dispositif permet à une SA de faire bénéficier à tout ou partie de ses salariés, généralement les mandataires sociaux et les cadres principaux, de la possibilité de souscrire ou d'acheter ses propres actions dans des conditions financièrement favorables et de les céder au moment où une plus-value boursière est possible121(*). Le mécanisme des stock option plans se résume en trois phases : Dans un premier temps, l'Assemblée Générale des actionnaires autorise le Conseil d'Administration à consentir des options de souscription ou d'achat d'actions à un prix inférieur à la valeur constatée en Bourse pour les sociétés cotées et par une évaluation contrôlée pour les sociétés non cotées. Dans un second temps, le salarié bénéficiaire de l'option peut procéder à sa levée, c'est-à-dire acquérir les actions, qu'il détient alors en pleine propriété. Dans un troisième temps, le salarié peut céder ses actions, sous réserve que le plan d'option ne prévoit pas un délai minimum entre la levée et la cession, appelé délai de portage et réaliser une plus-value importante si la valeur de l'action a progressé. Il ne peut subir de perte que si le cours de l'action vient à chuter durablement en dessous de la valeur d'acquisition, le privant ainsi du choix de céder ses actions à un moment financièrement favorable. On voit ainsi que le mécanisme des options d'achat d'actions déroge au principe général d'interdiction pour la société d'acheter ses propres actions122(*). Dans cette optique, il est souhaitable que le législateur OHADA améliore ce mécanisme en réorganisant l'article 640 AUDSCGIE en abolissant ou mieux, en limitant la durée et la condition d'indisponibilité perpétuelle des actions. En dernier lieu, la société peut décider d'augmenter son capital par émission d'actions nouvelles exclusivement réservées aux salariés123(*). Elle le fera alors dans les conditions normales d'une augmentation c'est-à-dire par incorporation des réserves ou par apport en nature124(*). Dans ce cas, la décision de la société de recourir à ce procédé emporte pour les anciens actionnaires renonciation à leur droit préférentiel de souscription 125(*) que leur reconnaît l'article 573 AUDSCGIE. Par un tel procédé, les actionnaires qui acceptent une dilution du capital manifestent un sentiment de confiance à l'égard des salariés126(*). En somme, que ce soit l'intéressement aux résultats ou la participation au capital, la réalisation de l'une quelconque de ces modalités de participation n'est pas toujours aisée et il faut un certain nombre de conditions pour leur mise en oeuvre. * 114 François ANOUKAHA et alii, OHADA, Droit des Sociétés Commerciales et du GIE, éd. BRUYLANT, Bruxelles, 2002, p. 28 n°45. * 115 Ce système légal est obligatoire en droit français et s'applique aux entreprises ayant 50 salariés et plus et dégageant un résultat suffisant après constitution d'une réserve spéciale de participation (articles L 442-11 et s. du code du Travail français). * 116Voir l'article 39-1 du Code Général des Impôts du Togo ; STEINIK (Marc), « L'intéressement : souple et motivation » in Management, mars 2001, p. 90 * 117 Cas du groupe Maine et Champagne qui a versé au cours de l'exercice 2000 des primes d'intéressement à ses salariés alors que le Groupe avait enregistré un déficit dans sa comptabilité ; in Management, mars 2001, p. 90. * 118 C'est une prime liée à la personne et prévue par l'article 62 des statuts de TOGOPHARMA. * 119 Wiyao GNOM, op. cit. p. 69. * 120 Ils ont été introduits en France par la loi du 31 décembre 1970 ; mais ils ne s'y sont vraiment développés qu'à la fin des années 80 ; da&ns l'espace OHADA, on retrouve ce vestige dans les articles 639 et s AUDSCGIE. * 121 Gilles BELIER et Aurélie CORMIER, « Stock options et droit du travail », in Droit Social n° 9/10 Septembre - Octobre 2000, p. 838. * 122 Voir article 639 alinéa 1 AUDSCGIE ; Philippe MERLE, ouvrage précité n°536, p. 538. * 123 La loi belge du 18 juillet 1991 permet aux entreprises, lors d'une augmentation de capital, d'émettre des actions réservées aux membres du personnel. Le prix d'émission de ces actions peut être fixé avec une décote maximale de 20% sans que le montant de cette décote soit soumis au paiement de la sécurité sociale. * 124 Article 562 AUDSCGIE in fine. * 125 C'est le droit qu'a l'ancien actionnaire, proportionnellement au nombre d'actions détenues, d'être préféré aux autres lors de l'acquisition de nouvelles actions en cas d'augmentation du capital. * 126 Thierry POULAIN REHN, « Gouvernance d'entreprise et actionnariat des salariés : une approche conceptuelle »in Le Gouvernement d'Entreprise : Corporate Governance, théories et faits, Economica, Paris, 1997. |
|