La participation du salarie au fonctionnement de la societe anonyme en droit ohada( Télécharger le fichier original )par Essoham Komlan ALAKI Université de Lomé - DESS Droit des affaires 2004 |
B - La reconnaissance du rôle prépondérant du capital humainpar l'intérêt socialEn dehors du fondement historique, l'actionnariat salarié est une manifestation de l'intérêt social. Mais cette notion doit être précisée. La notion d'intérêt social ne fait l'unanimité que sur un point : « trop fluide pour être codifiée »3(*), elle est essentiellement relative et donc très difficile à définir4(*). Pour le reste, les conceptions sont divergentes. Les uns considèrent que la société, contrat de partage, « est constituée dans l'intérêt des associés, qui ont seuls vocation à partager entre eux le bénéfice social ». Cette conception se rattachant à la conception contractuelle de la société, faire une place à l'actionnariat salarié, serait une aberration, un crime de lèse-majesté contre le pouvoir absolu des détenteurs du capital. En revanche, les autres estiment que l'intérêt social dépasse celui des associés pour être celui de l'entreprise, voire même des tiers qui contractent avec elle. Se basant sur la théorie institutionnelle de la société, ils définissent l'intérêt social comme l'intérêt supérieur de la personne morale elle-même, c'est-à-dire l'entreprise considérée comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres, distincts notamment de celles des actionnaires, de ses salariés et de ses créanciers 1(*). L'intérêt social doit donc s'entendre aussi bien de l'intérêt des shareholders2(*), c'est-à-dire les propriétaires de la firme, que de celui des stakeholders3(*) composés de salariés, de managers (dirigeants) et des autres créanciers : telle est la manifestation de la physionomie du gouvernement d'entreprise qui est au coeur de la gestion moderne des SA dans la nouvelle donne économique et juridique. La prise en compte de l'ensemble des partenaires de l'entreprise déplace le champ de réflexion traditionnel : la performance ne doit plus s'apprécier au regard des seuls intérêts des actionnaires mais au regard de l'ensemble des stakeholders, ce qui impose de bâtir de « nouveaux indicateurs de la performance globale»4(*). Ainsi, l'objectif de la firme ne serait plus de maximiser la valeur actionnariale, mais plutôt la valeur totale ou globale de la firme. Par ailleurs, l'actionnariat salarié participe de l'idée d'une démocratie participative destinée à assurer la pérennité et le fonctionnement normal de la SA par les « citoyens » que sont ses salariés. En effet, cette tendance est une réaction contre la conception féodale de l'entreprise caractérisée par le pouvoir absolu des détenteurs du capital organique simplement éclairés par l'avis des institutions représentatives du personnel5(*). Dans une perspective démocratique, la réorganisation du capital organique nécessite l'accession des salariés à l'exercice du pouvoir de décision par la détention d'une partie du capital matérialisant le droit de propriété sur les biens de l'entreprise. L'actionnariat salarié constitue une forme de démocratie participative dans l'entreprise ainsi qu'un moyen pour les employeurs d'absorber la contestation sociale. Ainsi donc, l'actionnariat salarié apparaît dans la nouvelle donne de l'économie globalisée comme un enjeu pour le développement des entreprises. * 3 Selon l'expression de M. Alain DEKEUWER, « les intérêts protégés en cas d'abus de biens sociaux », JCP éd. E 1995, n°500, p. 421. * 4 Mireille DELMAS-MARTY, Droit Pénal des Affaires, T.2, Thémis, éd. 1990, p. 289. * 1 Rapport du groupe de travail CNPF-AFEP cité par le professeur Dominique SCHMIDT, chr précité p.31. * 2 Ce terme apparu dans le langage du management signifie « détenteurs de parts », donc les actionnaires. * 3 Littéralement les « détenteurs d'enjeux ». * 4 Gérard CHARREAUX et Philippe DESBRIERES, « Le point sur le Gouvernement d'Entreprise » in Gouvernement d'Entreprise : Corporate Governance, théories et faits, Economica, Paris, 1997. * 5 Yves SAINT-JOURS, « L'entreprise et la démocratie », D.1993, chr. p.12. |
|