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Le contentieux de la fonction publique communautaire de la CEMAC

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par Zulandice ZANKIA
Université de Dschang - Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) 2008
  

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CHAPITRE II: LE CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE DANS LA FONCTION PUBLIQUE COMMUNAUTAIRE

Le principe de la responsabilité personnelle en droit civil est posé par l'article 1382 du Code Civil dispose que: « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans la fonction publique communautaire, les agents sont placés sous l'autorité de leur supérieur hiérarchique et du chef de l'administration. La qualité de chef d'administration est reconnue selon les institutions au "directeur général"94(*), au "gouverneur"95(*) et au "secrétaire exécutif"96(*).

Cependant, le Secrétariat Exécutif a été transformé en une commission de six personnes avec un président de la commission exerçant les fonctions de chef et assisté par les commissaires97(*). Ces autorités peuvent prendre les actes susceptibles de causer un dommage ou un préjudice dans l'exercice de leurs fonctions, comme l'a fait le Directeur Général de l'EIED en décidant du licenciement de l'un de ses agents pour des motifs autres que professionnels98(*). Ce qui amènera l'agent à demander une compensation financière résultant de ces actes. Il s'agit là de la responsabilité de la communauté du fait d'un acte administratif, autrement appelé le recours en plein contentieux que nous allons étudier dans ce chapitre. Toutefois, le contentieux de la responsabilité dans la fonction publique communautaire ne concerne pas seulement les recours de l'agent contre l'administration communautaire, mais aussi les recours de l'administration contre les agents. Il est vrai que l'administration n'a pas toujours besoin de recourir au juge pour sanctionner les agents fautifs (puisqu'elle le fait dans le cadre du contentieux disciplinaire); mais il peut arriver que certains agents soient mis en cause devant certaines juridictions nationales ou devant la Cour de Justice de la CEMAC par la Communauté surtout en ce qui concerne le contentieux des comptes. Ceci dit, nous étudierons ici, le recours en responsabilité de l'administration communautaire (section 1) et le recours en responsabilité des agents (section 2).

Section I: LE RECOURS EN RESPONSABILITE DE L'ADMINISTRATION COMMUNAUTAIRE

L'exercice du pouvoir réglementaire ou administratif peut s'effectuer en causant des dommages et préjudices à autrui. Lorsqu'un tel préjudice est réalisé, les victimes sont fondées à se plaindre afin d'obtenir réparation. Dans le cadre du contentieux de la fonction publique étudié, la quasi-totalité des recours en responsabilité résulte d'une décision prise par l'autorité administrative supérieure dont l'agent conteste et demande réparation du préjudice subi: c'est le recours de pleine juridiction. Ce type de recours est prévu en droit communautaire CEMAC par l'article 20 de la convention régissant la cour de justice qui dispose que: « la chambre judiciaire connaît en dernier ressort des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les organes et institutions de la communauté ou par les agents de celle-ci dans l'exercice de leurs fonctions ».99(*) En effet, le recours pour excès de pouvoir se distingue du recours de plein contentieux défini comme une « contestation en responsabilité administrative visant à faire reconnaître un droit, le plus souvent pécuniaire »100(*), mais les deux peuvent être présentés devant le juge par une seule et même demande. La différence fondamentale qui existe entre les deux types de recours réside dans le fait que le requérant ne peut pas invoquer à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir les moyens qui relèvent du plein contentieux. Pourtant, les moyens utilisés à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir peuvent efficacement être utilisés dans un recours en responsabilité. Pour que la responsabilité de l'administration soit engagée, il faut que certaines conditions soient établies (Paragraphe I) afin que le préjudice soit réparé (Paragraphe II).

Paragraphe I: LES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE L'ADMINISTRATION COMMUNAUTAIRE

Pour que l'administration communautaire soit responsable du préjudice subi par l'agent, il faut qu'un comportement anormal de sa part soit établi (A) et que ledit comportement ait créé un préjudice à l'agent (B) auxquels doit être ajouté l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice subi (C).

A: La faute et la responsabilité de la communauté

La faute joue un rôle important dans la mise en oeuvre de la responsabilité de l'administration communautaire. Pour engager la responsabilité de la communauté ou d'une institution communautaire, le juge exige qu'une faute soit établie de la part de l'administration. C'est ainsi que dans l'affaire Thomas DAKAYI KAMGA, la cour de justice communautaire a refusé de réparer le préjudice moral qu'il prétendait avoir subi en déclarant que « la conférence des chefs d'Etats de la CEMAC n'a commis aucune faute en nommant souverainement une autre personnalité (...) au poste de Secrétaire Exécutif »101(*). Une telle exigence de la faute se retrouve dans l'affaire TASHA LOWEH Lawrence où la chambre judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC a affirmé que la responsabilité de la communauté pour mauvais fonctionnement d'un organe ne peut être engagée que dans la mesure où la preuve d'une faute est apportée par le requérant102(*). On comprend dès lors que la faute est un moyen important dans la mise en oeuvre de la responsabilité de la communauté (1) à l'exclusion de toute responsabilité sans faute (2).

1: La faute comme cause de la responsabilité de la communauté

La faute de l'administration communautaire peut être commise de deux façons différentes. IL peut s'agir d'un acte positif de l'administration (a) ou d'un acte négatif d'une abstention de celle-ci (b) engageant sa responsabilité.

a: La faute issue d'un acte positif de l'administration communautaire

On entend par acte positif un acte pris par une autorité administrative de façon explicite et sans équivoque. Un tel acte peut être légal ou illégal. Lorsque l'illégalité de l'acte est constatée, celle-ci peut être constitutive de faute susceptible d'engager la responsabilité de l'administration. Cependant, comme le souligne le juge KAMTOH Pierre103(*), « certaines illégalités (...) pour entraîner l'annulation ou l'invalidation d'un acte sur le terrain de la légalité peuvent, compte tenu des circonstances ne pas être considérées comme des fautes »104(*). Le problème qui se pose à ce niveau est celui de savoir à quel degré un acte illégal peut être considéré comme entaché d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la communauté. Dans l'affaire TASHA LOWEH précitée, le juge communautaire a déclaré que la faute de l'administration qui peut engager sa responsabilité et donner lieu à réparation par des dommages et intérêts doit être suffisamment caractérisée. Cela veut dire que la cour ne devrait pas se contenter seulement d'une faute lourde. Ainsi, la responsabilité ne sera engagée que si l'institution communautaire a méconnu de façon flagrante les limites extérieures de ses pouvoirs lors de l'élaboration d'un acte. Il faudrait à cet égard un comportement arbitraire de l'autorité administrative pour qu'il y ait lieu à réparation du préjudice. Il est important de souligner à cet effet que généralement l'annulation d'un acte administratif pour vice de forme et de procédure ne constitue pas un motif suffisant pour donner lieu à un préjudice réparable.

En droit communautaire européen, l'appréciation du degré de la faute susceptible de donner lieu à la réparation n'est pas la même selon qu'on se trouve dans le « contentieux communautaire de droit commun » ou dans le contentieux communautaire spécial de la fonction publique. Le juge communautaire européen du contentieux de la fonction publique admet une certaine souplesse de la faute pouvant entraîner la responsabilité de l'administration105(*). La jurisprudence de la Cour de Justice de la CEMAC n'est pas encore étoffée sur cette question pour qu'on y apporte une appréciation définitive. Il n'en demeure pas moins qu'au regard de sa jurisprudence, on a l'impression que le juge de la fonction publique communautaire de la CEMAC reste encore familier à la notion de faute grave pour engager la responsabilité de l'administration. C'est ainsi que dans l'affaire Thomas DAKAYI KAMGA, celle-ci a refusé de réparer le préjudice que ce dernier prétendait avoir subi du fait de la rupture de son mandat, alors qu'il avait reçu toutes les assurances du Conseil des Chefs d'Etats de l'UDEAC-CEMAC qu'il sera confirmé au poste de Secrétaire Exécutif de la CEMAC. La Cour jugea que la Conférence des Chefs d'Etats n'avait commis aucune faute en nommant une autre personnalité au poste de Secrétaire Exécutif106(*).

b: La faute issue d'un acte négatif de l'administration communautaire

Les actes communautaires négatifs sont des actes qu'une autorité communautaire s'abstient de prendre à l'endroit des agents alors qu'il a été chargé par les textes supérieurs de la communauté de le faire. Il s'agit effectivement de l'abstention d'une autorité administrative ayant une compétence liée. Plusieurs textes communautaires tels que les règlements et les Statuts des agents renvoient l'application de certaines de leurs dispositions à la prise d'autres mesures par les chefs des institutions communautaires. Il en est ainsi de l'article 74 du Statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif qui renvoie la composition et l'organisation du conseil de discipline à un règlement d'application du Secrétaire Exécutif. En effet, l'article 110 du même Statut dispose que « tout fonctionnaire peut saisir en respectant la voie hiérarchique le comité consultatif de discipline d'une réclamation visant un acte du Secrétaire Exécutif lui faisant grief, soit que ladite autorité se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le présent statut et les règlements relatifs à son application ».107(*)

La Chambre Judiciaire de la Cour de Justice de la CEMAC a déjà été saisie d'une question relative à la réticence du Secrétaire Exécutif de la CEMAC de prendre un acte imposé par l'article 106 du statut précité. En effet, cet article oblige le Secrétaire Exécutif de la CEMAC à souscrire une assurance couvrant certains risques108(*) à l'endroit des fonctionnaires de régime international de son service. Dans l'affaire Galbert ABESSOLO ETOUA c/ CEMAC109(*), le requérant victime d'un accident de circulation se plaint de la mauvaise évaluation de son préjudice subit du fait que le Secrétaire Exécutif n'a pas contracté une assurance à son profit, ce qui constituait pour ce dernier une faute qui lui a causé le manque à gagner qu'il réclame. Malheureusement pour lui, le juge n'a pas étudié sa demande au fond, motif pris de ce qu'il n'a pas exercé le recours administratif préalable qu'a soulevé le représentant du Secrétariat Exécutif.

* 94 ISSEA, EIED, CEBEVIRHA, ISTA, CIESPAC.

* 95 BEAC.

* 96 OCEAC.

* 97 Communiqué final de la 8e Conférence ordinaire des Chefs d'Etats de la CEMAC, N'Djamena, 25 Avril 2007.

* 98 Aff. Mokamanede John Wilfrid du 30 Novembre 2006 précitée.

* 99 V. aussi art. 48 a-2 du Statut de la Chambre Judiciaire de la CJ.CEMAC ; art. 4 al. 4 et art. 21 de la convention régissant la Cour de Justice de la CEMAC.

* 100 V. PETIT (S.) : Le droit à la protection des agents dans les trois fonctions publiques, Paris, Berger-Levrault, 1998, p.33.

* 101 Arrêt n° 004 / CJ / CEMAC / CJ / 03 du 17 Juillet 2003, aff. Thomas Dakayi Kamga c/ CEMAC.

* 102 Arrêt n° 001 / CJ / CEMAC / CJ / 05 du 07 Avril 2005, aff. Tasha Loweh Lawrence c/ CEMAC.

* 103 Juge à la Chambre Judiciaire de la CJ.CEMAC.

* 104 KAMTOH (P.) : « recours en responsabilité extracontractuelle devant la Cour de Justice de la CEMAC », in Acte du séminaire sur la sensibilisation du droit communautaire et à l'intégration dans la zone CEMAC, Libreville, 02-06 Novembre 2004, ed. Giraf, 2005, p. 56.

* 105 En ce sens V. BIANCARELI (J.) : « le Juge communautaire et le contentieux de la fonction publique communautaire », in Contentieux de la fonction publique internationale, précité, p. 206.

* 106 Car le poste de secrétaire exécutif appartient au Cameroun qui a la plénitude de compétence pour nommer celui qu'il veut à ce poste.

* 107 V. art. 110 du règlement n° 08 / 99 / UEAC- 007-CM-02 portant Statut des fonctionnaires du Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Bangui, le 18 Août 1999.

* 108 Il s'agit des risques suivants : décès, incapacité temporaire de travail, maritimes et terrestres, accidents de travail.

* 109 Arrêt n° 001 / CJ / CEMAC / CJ / 04, du 18 Mars 2004, aff. Galbert Abessolo Etoua c/ CEMAC.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon