Paragraphe1/ La Haute juridiction et les
élections nationales
Il faudrait comprendre par élection nationale,
les élections du président de la République, les
élections des parlementaires42 et les opérations de
référendum. Depuis sa création en 1991, la Cour
constitutionnelle a maintenant une bonne expérience en matière de
gestion du contentieux électoral des élections nationales. Elle a
établi sa jurisprudence en ce qui concerne ces élections, car
c'est elle qui a géré le contentieux des quatre élections
présidentielles43 qu'a connu le Gabon depuis
l'avènement du multipartisme ; de même que les trois
élections législatives44. Son intervention dans la
régulation des élections est l'(euvre du constituant gabonais,
qui a fait de cette institution la plus haute juridiction en matière
constitutionnelle. C'est pourquoi la Cour doit toujours exercer son
contrôle tout au long du processus électoral des élections
politiques. Il conviendra alors de s'atteler sur le contentieux des
présidentielles et des parlementaires (A) et de la jurisprudence de la
CC en matière
d'élections nationales (B).
A/ Le contentieux des présidentielles et des
législatives
La Cour constitutionnelle veille à la
sincérité du scrutin. C'est à travers l'application de ce
principe que, la Cour intervient tout au long du processus électoral des
élections nationales. La loi organique sur la Cour constitutionnelle
autorise la Cour d'examiner et de trancher les contestations nées des
élections nationales. Cet examen obéit à certaines
règles de procédure qui font que, l'intervention de la Cour peut
être manifeste avant le début des élections et après
les élections (cf. Chapitre II).
42 Elections des
députés et des sénateurs.
43 Elections
présidentielles après le multipartisme qui a intervenu au
lendemain de la conférence nationale de 1990 : première en 1993
avec la victoire du PDG; deuxième en 1998 victoire du PDG, la
troisième en novembre 2005 avec les mêmes scénarii et la
dernière le 30 aout 2009 après le décès du feu
président Omar Bongo Ondimba, qui s'est soldé avec la victoire
une fois de plus du PDG mais avec porte étendard Ali Bongo Ondimba ;
ceci avec 41,77% de suffrages exprimés.
44 Les élections
législatives se sont déroulées en 1996, 2001 et 2006 ;
toutes ont été couronnées avec la majorité à
l'Assemblée Nationale du PDG (parti au pouvoir).

est le seul juge de l'éligibilité des
candidats. Elle est
s officiels des élections nationales ; elle est
également la juridiction auprès de laquelle les
réclamations doivent se faire. Cette régulation du contentieux
électoral fait de la Cour constitutionnelle une institution qui est juge
et partie. Conformément aux principes généraux du droit
cela semble un peu confus, car il n'est pas normal que l'organe qui prend une
décision soit en même temps celle qui délibère en
cas de remise en cause de sa décision. Cela peut s'expliquer par le fait
que la Cour constitutionnelle soit la seule juridiction compétente en
matière constitutionnelle.
En France, le Conseil constitutionnel n'est
compétent que pour les élections présidentielles et
législatives, concernant les locales ; la compétence est
dévolue au Conseil d'Etat.
Contrairement au Gabon, c'est le Conseil
constitutionnel français qui reçoit les listes des candidats
à l'élection présidentielle. Il est la pierre angulaire de
l'organisation des élections nationales en France. Car au Gabon, la Cour
partage ses compétences d`organisation avec certaines institutions
administratives45.
En proclamant les résultats, la Cour peut aussi
faire certaines observations et des suggestions qu'elle juge utiles. Car durant
les élections, les dysfonctionnements administratifs sont toujours
récurent. Après la proclamation des résultats, la Cour
continue son intervention dans le processus électoral à travers
les contestations dont elle est saisie. Une fois saisie par des
requérants, la Cour initie une instruction (cf. 2e partie
chapitre I) pour régler la réclamation faite auprès
d'elle. Au final, la Cour donne une décision dans le but de faire
respecter la sincérité électorale.
Depuis sa création en 1991 par la loi organique
n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour constitutionnelle, la Cour a
régulé toutes les élections nationales qui se sont
déroulées jusqu'à nos jours. Il convient alors de
préciser que la jurisprudence de la Haute juridiction ne cesse
d'être évolutive, même si ses décisions sont parfois
contestées par certaines personnes en estimant que « les
décisions de la Cour sont plus politique que juridique
»46.
45 Le ministère de
l'intérieur et la commission électorale nationale autonome et
permanente (CENAP)
24

46 P. C. MAGANGA-MOUSSAVOU
(président du parti Social Démocrate), L'Union, 9 avril 1997.
Aujourd'hui ce parti est déjà dans la majorité
présidentielle.
|
our Constitutionnelle en matière
d'élections
|
Beaucoup de décisions ont été
rendues par la CC en matière du contentieux électoral relatif
à l'élection du président de la République et des
élections des parlementaires. Force est de constater que la part du lion
dans le cadre des décisions est attribuée aux élections
des parlementaires. Car s'agissant des élections présidentielles,
dont la première a été organisée en 1993 avec la
participation pour la première fois d'une kyrielle des partis
politiques, la victoire du feu président Omar Bongo Ondimba a souvent
été sans appel. Cependant lors des élections
présidentielles du 5 décembre 1993, élection qui avait
marquée les prémices d'une démocratie, l'opposition
croyait remporter les élections. Mais grande fut leur surprise de voir
le candidat du pouvoir en place remporter l'élection. Ce qui provoqua
même une émeute au Gabon en cette période.
L'opposition47, avec la ferme conviction d'avoir remportée
l'élection, forma d'abord un gouvernement ; puis avait saisie la CC, qui
avait déclarée élu le candidat48 auquel elle
était opposée, par une requête en annulation de
l'élection. La cour rejeta la requête de l'opposition en
s'appuyant sur le fait qu'elle avait ignoré l'existence de la Haute
juridiction en formant un gouvernement sans attendre les résultats
officiels. Elle le justifie à travers sa décision «
considerant qu'au lendemain de l'annonce par le ministre de
l'administration du territoire des resultats du scrutin du 5 decembre 1993, le
sieur P.MBA ABESSOLO s'est autoproclame president de la Republique gabonaise ;
que le même jour il a nomme un premier ministre en la personne du sieur
P. A. KOMBILA , lequel a immediatement forme un gouvernement qu'il a ete cree
une institution appelee Haut Conseil de la Republique dont font partie les
requerants, que de ce fait ceux --ci se sont mis deliberement dans l'illegalite
faisant fi de l'existence de la Constitution »49. Telle
est l'une des rares jurisprudences dans le cadre des élections
présidentielles.
Les décisions de la Cour constitutionnelle sont
plus récurrentes lors du contentieux des élections des
parlementaires. De 1996 à nos jours, la CC s'est prononcée sur
une multiplicité des requêtes. Lors des élections
législatives de 2007, un requérant avait saisi la Cour en
annulation d'une élection. La Cour avait annulé50
l'élection du candidat élu au motif de la violation des articles
91 et 129 de la loi 7/96 du 12 mars 1996, qui interdit respectivement
la
47 Composée à
l'époque de MBA ABESSOLO (RNB), qui est de nos jours dans la
majorité présidentielles ; Feu Me AGONDJO OKAWE (PGP) et bien
d'autres leaders politiques de cette époque.
48 Le président EL
Hadj Omar BONGO (PDG).
49 Décision
n°1/94/CC du 21 janvier 1994 de la Cour constitutionnelle
gabonaise

50 Décision
n°087/CC DU 24 mars 2007 de la Cour Constitutionnelle
gabonaise
n aux abords immédiats des bureaux de vote et,
tout acte ce et de voie de fait au cours d'une élection.

En effet, au cours du contentieux des
législatives de 1996, un parti réclamait l'annulation de
l'ensemble des élections, la Cour avait statué en disant que
« le requerant, en tant que parti politique, ne peut arguer de nullite
que les operations electorales des circonscriptions où il a presente des
candidats ; que par consequent, il n'a pas qualite pour demander l'annulation
de l'ensemble des operations electorales »51. Les
élections législatives de 1996 ont vraiment connu tout genre de
recours, car les requérants ont saisi la Cour à n'importe quel
moment. Ainsi, à la requête d'un candidat qui demandait
l'annulation du premier tour d'une élection, la Cour répondra que
« le recours en annulation des resultats d'un scrutin doit viser
à remettre en cause l'election d'un candidat ou d'une liste ayant fait
l'objet d'une(...) qu'en l'espèce, il n'y a pas eu election d'un
candidat au premier tour »52. D'où le rejet de la
requête.
A la requête d'un candidat qui contestait
l'élection de son adversaire au motif que ce derier aurait
procédé à des transferts d'électeurs et une
corruption des populations, la Cour allait décider du rejet de la
requête dès lors que le requérant n'indiquait pas
« les noms et nombre d'electeurs transferes dont la participation au
vote dans la circonscription concernee aurait alteree la sincerite des
resultats ». Il en allait de même concernant la corruption
puisque le requérant ne donnait pas « les noms et le nombre des
electeurs qui (...) ont reçu des sommes d'argent du candidat proclame
elu »53.
Il résulte de l'analyse de cette jurisprudence
que le requérant gabonais méconnait encore le code
électoral et tous les textes relatifs à la procédure
à suivre en cas de contestation d'une élection. Cela explique le
grand nombre des requêtes rejetées par la Cour.
Lors des élections législatives du 17
décembre 2006, la Cour avait été saisie par une
multiplicité des requérants. Ce qui l'avait permis de rendre un
certain nombre de décisions dont quelques unes seront analysés. A
la requête d'un candidat qui réclamait l'annulation de
l'élection du candidat proclamé élu d'une part, et de voir
déclaré inéligible l'un des candidats ayant pris par
à ladite élection. La Cour a considérée sur le
premier point que les irrégularités relevées par le
requérant étaient avérées, à savoir
l'absence des représentants des candidats dans l'ensemble des bureaux de
vote de la circonscription concernée, et les votes des morts
et
51 Décision
n°18/97/CC du 8 mars 1997 de la Cour constitutionnelle
gabonaise
52 Décision
n°8/97/CC du 8 mars 1997 de la Cour Constitutionnelle
gabonaise
26

53 Décision
n°46/97/CC du 22 mars 1997 de la Cour Constitutionnelle
gabonaise
|
vote sans procuration. Par conséquent, elle a
annulé
|
Sur le second point, la cour après avoir
établi la responsabilité de l'un des candidats dans les actes de
violence ayant émaillé le scrutin, a prononcé son
inéligibilité y compris celles des autres personnes dont
l'implication était prouvée54. Suite à une
requête en annulation de l'élection d'un député
à l'Assemblée nationale, la Cour Constitutionnelle a admis que le
retrait et la distribution des cartes d'électeur se sont faits en
violation des dispositions de l'article 53 de la loi 7/96 du 12 mars 1996 d'une
part, et que le déroulement du vote des mal voyants et des personnes
âgées ne s'est pas effectué conformément aux
prescriptions des articles 95, alinéa2, 98 et 103 de la même loi,
d'autres part. Pour ces motifs, la Cour a annulé l'élection du
député proclamé élu à l'issue du
scrutin55. Durant le déroulement du même contentieux la
Cour Constitutionnelle a annulé les résultats de certains bureaux
de vote se fondant sur deux irrégularités. La première,
consistait en ce que les représentants du requérant candidat
avaient été expulsés des bureaux de vote litigieux et
remplacés par des personnes n'ayant reçu mandat de sa part pour
le représenter.
La seconde, se rapportait aux urnes desdits bureaux
qui avaient été convoyées dans des conditions qui ne
pouvaient garantir la sincérité des résultats inscrits
dans des procès verbaux qu'elles contenaient56.
Le constat qui se dégage au du contentieux des
législatives de 2007 est que les réquerants se sont bien
familiarisés avec les règles et les procédures à
suivre dans le cadre du contentieux électoral, d'où les jugements
d'annulation prononcés par le juge électoral.
Avec la pratique de la politique de
décentralisation57, les élections s'organisent aussi
au niveau des collectivités locales. Pour gérer cette
élection, le Sénégal a attribué cette
compétence au Conseil d'Etat qui est aujourd'hui une section de la Cour
Suprême nouvellement instituée ; au Gabon c'est toujours la Cour
constitutionnelle qui assure le contentieux des élections
locales.
54 . . .
Decision n°O37/CC du 14 mars 2007 de la Cour
Constitutionnelle gabonaise
55 . . .
Decision n°062/CC du 21 mars 2007 de la Cour
Constitutionnelle gabonaise
56 . . .
Decision n°070/CC du 23 mars 2007 de la Cour
Constitutionnelle gabonaise

57 Modalité
d'organisation du pouvoir administratif dans lequel l'Etat crée des
personnes publiques décentralisées, leur attribue des
compétences et des ressources. L'Etat conserve un pouvoir de tutelle sur
toutes les autorités décentralisées. L'avantage de la
décentralisation est de développer la
démocratie.

locales
Le contentieux des élections locales est
régulé par la Cour constitutionnelle. Les élections des
membres des collectivités locales sont les élections des
conseillers municipaux et des conseillers départementaux. La loi
organique sur la CC et la loi portant dispositions communes à toutes les
élections autorisent à l'institution constitutionnelle de se
prononcer sur le contentieux de ces élections.
En France et au Sénégal ces
élections sont gérées par le Conseil d'Etat. Il convient
de préciser que la révision constitutionnelle de 1995 au Gabon
permettait au Conseil d'Etat de statuer sur le contentieux des locales. Mais
les nouvelles compétences du Conseil d'Etat s'étiolèrent
plus tard au profit de la juridiction constitutionnelle. C'est ainsi que la
Cour intervient dans le processus électoral des locales. De ce fait,
l'étendue de l'intervention de la Cour au cours des élections
locales sera abordée (A) avant de faire une analyse sur la jurisprudence
de la CC en
ce qui concerne ces élections (B).
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