1.3.3
René Girard
Nous ne dirons pas tant de choses sur la méthode
« sociocritique » dans l'oeuvre de René Girard.
Seulement, il évolue dans la même voie que Lukács et
Goldmann. Il centre aussi ses idées sur la dégradation du monde
des moeurs traditionnelles.
La seule différence qu'il y a entre la peinture du
héros démoniaque et sa situation de dégradation, c'est
Goldmann qui le stipule en ces termes :
« Essayons [...] de préciser un point
essentiel sur lequel Lukács et Girard sont en désaccord
fondamental [...]. La situation de l'écrivain par rapport à
l'univers qu'il a créé est, dans le roman différente de sa
situation par rapport à l'univers de toutes les autres formes
littéraires. Cette situation particulière Girard
l'appelle humour ; Lukács ironie (1964 : 30).
L'ironie étant le procédé discursif par
excellence pour peindre la société, Girard dépasse la
conscience de ses héros et ce dépassement (humour ou ironie) est
esthétiquement constitutif de la création romanesque.
Au lieu de privilégier l'humour girardienne, la
critique a privilégié l'ironie lukácsienne. Pour Girard,
le romancier a quitté, au moment où il écrit son oeuvre,
le monde de la dégradation pour retrouver l'authenticité, la
transcendance verticale. Pour lui, la plupart des grands romans finissent par
une conversion du héros à cette transcendance verticale et le
caractère abstrait de certaines fins. Ceci se remarque dans Don
Quichotte de Cervantès et dans Le Rouge et le Noir de
Stendhal.
Goldmann parle encore de Girard : « Le roman
analysé par [...] Girard ne semble plus être la transposition
imaginaire des structures conscientes de tel ou tel groupe particulier ;
[...] de la société » (1964 : 43).
1.3.4
Pierre Zima
Pierre Zima est célèbre par son Manuel
de sociocritique. La sociocritique chez Zima est la plus
élaborée par rapport à d'autres auteurs
précités. Avant d'abonder dans la littérature, Zima
plonge d'abord dans la sociologie. Pour lui, il existe « une
scission historique indéniable, [...] de nombreux représentants
des sciences sociales (et naturelles) qui considèrent comme
indispensable la réflexion philosophique » (1985 :
14).
Zima trace d'abord les voies d'une rupture
épistémologique à partir du socle principal qu'est la
philosophie. De là, on a abouti à la sociocritique.
La dégradation apportée dans les théories
de Girard et de Lukács peut aussi se remarquer par la démarcation
entre la ville et la campagne et les héros veulent rétablir un
monde équitable. Ainsi donc Zima dira : « Un autre
élément important de cette recherche est l'opposition entre la
ville et la campagne ». (1985 : 15).
C'est dans la suite que Zima se prononce sur le
littéraire. Il préconise en fait que la sociocritique trouve ses
soubassements dans les socles de la philosophie, de la sociologie puis de la
sociologie de la littérature. Ainsi,
« Pour la sociologie du texte
préconisé ici, il s'agit de devenir une science à la fois
empirique et critique, capable de tenir compte des structures textuelles et du
contexte social dont elles sont issues» (1985 : 16).
L'idéologie tient une importance capitale dans les
théories de Zima. Elle est en fait vécue par la plupart des
individus (les non scientifiques) comme naturelle, comme faisant partie de leur
environnement social quotidien. Il tend à considérer les valeurs
idéologiques qui déterminent leurs actions comme étant
données, humaines et universellement valables.
Dans l'idée de totalité de Zima, l'on stipule
que les jugements de valeur idéologiques et l'idéologie comme
totalité plus ou moins cohérente permettent aux individus d'agir
en tant que sujets.
Dans la société selon Zima, les individus
s'identifient inconsciemment à certaines valeurs et normes qui font
d'eux des sujets responsables de certaines actions. C'est dans ce contexte
qu'il convient de lire la célèbre phrase d'Althusser citée
par Zima (1985 : 23) « L'idéologie interpelle les
individus en sujets».
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