Les droits de l'employeur cotisant dans ses relations avec l'URSSAF: opposabilité de la doctrine et application du rescrit en matière sociale( Télécharger le fichier original )par Fathi ALI MOHAMED Université de Nantes - Master 2 Droit social 2006 |
A. L'intervention de l'ACOSS: un impact différent selon l'URSSAF en causeAu delà des dispositions introduites dans le Code de la sécurité sociale par l'ordonnance du 6 juin 2005, il ne faut pas oublier qu'en cas de position différentes de plusieurs URSSAF c'est toujours l'article L. 243-6-1 issu de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 qui trouve à s'appliquer. En effet, selon celui- ci, « tout cotisant, confronté à des interprétations contradictoires, concernant plusieurs de ses établissements dans la même situation au regard de la législation relative aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale » peut solliciter l'intervention de l'ACOSS afin que les différentes URSSAF en présence adoptent une position dans le délai d`un mois après lequel l`ACOSS peut125(*) se substituer à elles pour prendre les mesures nécessaires. Cette procédure de saisine de l'ACOSS est différente de celle prévue à l'article L. 263-6-3, 3° alinéa dernier dans laquelle la saisine de l'ACOSS est conditionnée à un changement de doctrine de la part d'un organisme de recouvrement et dans laquelle l'ACOSS n'a pas la possibilité de se substituer à une URSSAF. En effet si en pratique les URSSAF les plus petites suivront probablement la position de l'ACOSS, il n'est pas dit que les URSSAF les plus importantes accepteront « l'ingérence » de l'ACOSS dans leurs affaires. Dès lors, existe un risque d'application différenciée du rescrit selon l'URSSAF dont dépend le cotisant: un cotisant se trouvant dans la Creuse aura plus de chance de voir une position favorable de l'ACOSS être appliquée par l'URSSAF dont il dépend alors qu'un cotisant se trouvant à Paris risque quant à lui de voir l'URSSAF dont il dépend ne pas tenir compte de la position de l'Agence centrale. Cette situation ne va pas dans le sens de la sécurité juridique du cotisant se trouvant dans le ressort d'une URSSAF influente pour lequel il serait donc plus judicieux de ne pas saisir l'ACOSS immédiatement mais de rechercher au préalable un terrain d'entente directement avec l'URSSAF si celle-ci est disposée à faire quelques concessions sur sa doctrine pour ne pas attirer l'attention de l'ACOSS sur ses pratiques126(*). Cette stratégie, si elle venait à ne pas avoir les retombées escomptées n'enlèverait en rien la possibilité de saisir l'ACOSS à condition, bien sûr, que cette saisine se fasse dans le délai de 30 jours prévu à l'article R. 243-43-2, IV ,2° du Code de la Sécurité sociale. Cependant, un mécanisme permettant l'opposabilité de la doctrine de l'ACOSS aux URSSAF aurait permis d'éviter ces tâtonnements et aurait surtout été plus à même d'assurer la sécurité juridique des cotisants; mais celui-ci n'existe pas encore, le législateur n'ayant pas souhaité l'incorporer à la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004. B. La possible attribution de la décision de l'ACOSS à l'URSSAF Le fait que le cotisant puisse solliciter une intervention de l'ACOSS lorsqu'une nouvelle interprétation de l'URSSAF ne lui convient pas tendrait à laisser penser que la décision de l'ACOSS relève d'un recours hiérarchique. Cependant une telle analyse serait erronée dans la mesure où ACOSS et URSSAF ne sont liées par aucun lien juridique de type hiérarchique. Les URSSAF et l'ACOSS sont des personnes morales indépendantes et la seconde n'a aucun pouvoir hiérarchique sur la première. La question principale est de savoir si la décision qui est notifiée au cotisant en vertu de l'article L. 243-6-3 alinéa dernier du Code de la Sécurité sociale doit être considérée comme une décision émanant de l'ACOSS, qui décide, ou de l'URSSAF qui notifie. En effet, selon l'article R. 243-43, VI alinéa 3, l'ACOSS prend une décision qu'elle notifie à l'URSSAF qui doit ensuite, selon l'alinéa 5 du même article, la notifier au cotisant. De plus, l'article R. 243-43, VI alinéa 3 prend le soin de préciser de parler de transmission pour information et non de notification pour qualifier l'envoie, par l'ACOSS, de sa décision au cotisant. Si cette décision devait être attribuée à l'ACOSS, elle devrait pouvoir faire l'objet d'un recours devant une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de l`Agence centrale en application de l`article R. 142-1 du Code de la Sécurité sociale127(*). De même, si cette décision devait être attribuée à l'URSSAF, elle devrait ouvrir un nouveau délai de recours pour le cotisant. En tout état de cause, cette procédure de notifications en cascade instaurée par l'ordonnance du 6 juin 2005 pose des difficultés certaines quant au recours qui peut être exercé à l'encontre de la décision. La décision finale, qu'elle soit attribuée à l'ACOSS ou à l'URSSAF, si elle va à l'encontre des intérêts du cotisant, est susceptible de faire grief , et dès lors, il est fort probable que les juridictions chargées du contentieux auront à se prononcer sur la question de l'entité à qui doit être attribuée la décision, mais en attendant l'émergence d'une jurisprudence stable, les cotisants ayant recours à l'ACOSS suite à un changement de position de l'URSSAF auront bien du mal à savoir à qui s'adresser pour un éventuel recours amiable, ce qui, encore une fois, ne va pas dans le sens de leur sécurité juridique. De plus, dans la mesure où la décision défavorable est susceptible de faire grief, elle est donc susceptible d'un recours en responsabilité civile si le cotisant considère que l'interprétation donnée par l'administration, erronée selon le demandeur, aboutit à un redressement ,causant ainsi un préjudice au cotisant. Dans ce cas de figure la situation est quelque peu différente, et la question qui se poserait au juge serait la suivante: si l'erreur d'interprétation est reconnue par la juridiction, et qu'un préjudice est reconnu au demandeur, outre le fait de reconnaître la responsabilité civile de l'URSSAF qui a opéré le redressement, le juge peut-il également reconnaître la responsabilité de l'ACOSS qui a donné la base à ce redressement alors que les deux organismes sont juridiquement indépendants l'un de l'autre? § 2. Adaptation du rescrit aux réalités pratiques * 125 Certains auteurs (V. par exemple Gérard Vachet, La sécurité juridique du cotisant: illusion ou réalité, JCP social, 31 janvier 2006, n° 1094) regrettent que le législateur ait laissé à l'Acoss la liberté d'intervenir ou non et préconisent une obligation d'intervention de l'Acoss en cas de d'interprétations contradictoires de la part des Urssaf dans le but d'assurer une unité d'interprétation... Cependant, en matière de sécurité sociale, le législateur semble prôner l'autonomie décisionnelle pour les acteurs, en témoigne l'omniprésence du verbe pouvoir dans le Code de la sécurité sociale. * 126 V. Philippe Coursier, De l'interprétation administrative en matière de contrôle Urssaf, Jurisprudence Sociale Lamy, 2005, n°180 * 127 V. Thibault Ngo Ky et Laure Sanchez, Le rescrit social, une fausse nouveauté pour une vraie complexité, Semaine sociale Lamy, 13 février 2006, n° 1248, p. 6. |
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