Section 1.2.2. : Preuve du droit fondé en
titre
C'est au titulaire et non à l'administration de
rapporter l'existence de ce droit. Le titulaire doit produire les titres
authentiques en vertu desquels la prise d'eau a été
créée. La jurisprudence considère que la seule preuve de
l'existence de l'ouvrage avant 1566, pour les cours d'eau domaniaux, ou 1789,
pour les cours d'eaux non domaniaux, suffit pour que ces titres soient
présumés établis. Telle est la portée des
arrêts du Conseil d'Etat du 30 mars 1846 << de Boisset contre
Ministre des travaux public »46 et du 13 novembre 1903 <<
de la RocheAimon »47. Mais cette présomption simple peut
toujours être renversée par l'administration comme l'a jugé
le Conseil d'Etat dans un arrêt du 16 octobre 1992 << Laroumanie
»48 ; en l'espèce il s'agissait de la mise en place
d'une prise d'eau sur un cours d'eau non domanial pour alimenter un
étang, sans autorisation préalable (« Considérant
que le requérant n'établit pas que la prise d'eau litigieuse
existait préalablement à l'abolition des droits féodaux,
ni qu'elle a été comprise dans une vente de biens
aliénés au profit de la Nation à la suite de la mainmise
de l'Etat sur les biens ecclésiastiques et sur ceux des
émigrés ; que la prise d'eau litigieuse n'avait donc pas de titre
légal ; que dès lors sa régularisation devait faire
l'objet d'une autorisation administrative conformément aux dispositions
de l'article 107 2° du code rural »).
Lorsque les titres authentiques permettant la preuve des
droits fondés en titre existent, ils ne fournissent le plus souvent pas
ou peu d'informations concernant l'étendue de ces droits. C'est pourquoi
le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt «Arriau» du 16
janvier 2006 que « la consistance d'un droit fondé en titre est
présumé, sauf preuve contraire, conforme à sa consistance
actuelle ». La situation de droit est donc déduite, par
présomption, de la situation de fait. Il s'agit là d'une
présomption juris tantum qui peut toujours être combattu par la
preuve contraire. L'administration peut, par exemple, alléguer un fait
précis permettant de déduire que la quantité d'eau
utilisée a augmenté depuis la date à laquelle l'usine a
acquis son existence légale, c'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat
dans l'arrêt du 12 janvier 1983 << Chocolaterie de l'Essonne
».
46 Publié au recueil Lebon page 215.
47 Publié au recueil Lebon page 675.
48 Publié à la revue de droit rural de
1993 à la page 95.
La localisation d'un moulin sur la carte de
Cassini49 est suffisante pour prouver l'existence d'un droit
fondé en titre, mais cela ne permet pas de déterminer
l'étendue de ce droit : il faut pour cela procéder à une
expertise de terrain et/ou avoir recours à des documents (actes de
ventes des biens nationaux, contrat d'albergement,...). Notons qu'en pratique
la localisation sur la carte de Cassini se trouve malaisée du fait
notamment de son imprécision et des changements de noms ayant pu
intervenir concernant l'identification des ouvrages. Ainsi, la Cour
administrative d'appel de Bordeaux, dans l'arrêt « Ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 3
décembre 2003 juge «que la carte dite de Cassini,
dressée entre 1750 et 1770, produite par l'administration, ne permet
pas, à elle seule, d'établir que l'acte du 30 septembre 1424
concernerait non le site sur lequel est implantée l'usine appartenant
à la société hydroélectrique de Lacave mais un
autre moulin (...) » soulevant ainsi l'imprécision de la
cartographie antérieure à la Révolution pour ne pas en
faire, à elle seule, un élément de preuve sur lequel
fonder une décision de justice. Cependant la vérification de
l'existence de l'ouvrage avant la Révolution de 1789 peut se faire
à la lecture des minutes de la carte de Cassini, en effet celles-ci
comportent souvent le nom exact du site. Ces minutes sont conservées par
la cartothèque de l'IGN à Saint-Mandé50.
Si un propriétaire peut apporter la preuve de
l'existence de son moulin avant l'abolition des privilèges, ainsi que
des éléments décrivant la consistance de son droit d'eau
alors il lui est possible de réutiliser la force motrice dans le strict
respect de l'étendue de son droit et des autres dispositions
réglementaires s'appliquant aux ouvrages, sauf perte du droit
fondé en titre dans les conditions fixées par la
jurisprudence.
Section 1.2.3. : Modification des ouvrages fondés en
titres à l'initiative du propriétaire de l'ouvrage
En principe le titulaire d'un droit fondé en titre
peut, dans les limites de leur consistance légale, apporter des
modifications à ses installations sans autorisation nouvelle.
Au-delà, toute modification de la consistance légale est soumise
aux autorisations ou
49 La carte de Cassini a été
établie entre 1760 et 1789 et publiée à partir de 1815.
50 Département du Val-De-Marne.
concessions exigées par l'article 2 de la loi du 16
octobre 1919. Ainsi, lorsque « l'usage de l'énergie est accrue
au-delà des limites fixées par le titre dont dispose l'usinier,
ou résultant de ce titre », ou lorsque « les
modifications envisagées ne sont pas compatibles avec les dispositions
de ce titre » (par exemple lorsqu'elles sont de nature à
influer sur le régime des eaux) la jurisprudence fait une stricte
application de la loi en imposant une autorisation ou une concession.
Le régime (concession ou autorisation) est
déterminé en fonction de l'accroissement de la puissance
réalisée, et non en fonction de la puissance totale de l'usine
après transformation selon l'arrêt de section du Conseil d'Etat du
18 février 1972, << Société hydroélectrique
de Salles-la-source >>51. Ainsi, après lecture
conjointe de la jurisprudence et de l'article 2 modifié de la loi du 16
octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique,
si l'accroissement de puissance est égal ou inférieur à
4500 kW, l'usinier doit faire une demande d'autorisation auprès de
l'administration, si l'accroissement est supérieur à 4500 kW,
l'usinier doit faire une demande de concession. En outre, s'agissant de la
procédure d'autorisation ministérielle instituée par
l'article 6 de la loi du 6 février 2000, les ouvrages dont la puissance
installée n'augmente que de 10 % ne sont assujettis qu'à une
simple déclaration. Une autorisation est tout de même
nécessaire si cette augmentation, même inférieure à
10 %, a pour effet de faire passer la puissance totale au-delà des 4 500
kW.
Le Conseil d'Etat a jugé dans un arrêt du 26
juillet 1866 << Ulrich >> « qu'aucune disposition
législative ou règlementaire n'oblige les usiniers à se
pourvoir d'une autorisation pour modifier les ouvrages régulateurs d'une
retenue tant que rien n'a été changé au régime des
eaux et que, sans accroître la force motrice dont ils peuvent disposer,
les usiniers ne font que mieux l'utiliser au moyen d'additions et de
perfectionnements apportés aux vannes motrices, aux coursiers et aux
roues hydrauliques ». Pierre Sablière écrit à
propos de cet arrêt qu'il est pragmatique en ce qu'il décide
« de s'en tenir seulement à deux éléments : la
consistance du canal d'amené et la hauteur de la chute, sans prendre en
compte les améliorations de l'outillage ce qui devait le moment venu
faciliter la reconversion d'anciens moulins fondés en titre en
établissement industriels puis en usines hydroélectriques
»52. L'autorisation par règlement d'eau d'une
augmentation de force motrice issue de travaux sur les ouvrages
régulateurs a ainsi pour effet de rendre l'ouvrage fondé sur
titre. La limitation de
51 Publié au recueil Lebon page 154.
52 AJDA, 2004, page 2219, << prises d'eau
fondées en titre ou ayant une existence légale >> de Pierre
Sablière.
l'autorisation à l'augmentation de la consistance
légale des ouvrages régulateurs du moulin fondé en titre a
été reprise dans la circulaire du 10 juin 1921 en l'application
de la loi du 16 octobre 1919 : « si l'article 19 de la loi stipule que
(les établissements fondés en titre) ne seront soumis à la
nouvelle législation qu'en ce qui concerne la taxe de statistique, cette
disposition vise exclusivement l'usage de la force motrice produite par les
ouvrages ayant une existence légale et non l'énergie
supplémentaire à aménager », le surplus de
puissance n'est donc pas assimilé à la puissance fondés en
titre déjà existante. La jurisprudence récente confirme
cette position puisque le Conseil d'Etat a jugé dans l'arrêt
<< Ministre de l'environnement c./ Brauchli » du 19 décembre
1994 que « Considérant que le droit fondé en titre du
Moulin ... n'est pas contesté ... les modifications apportées au
canal d'amené d'eau modifient la consistance de l'ouvrage et ont pour
conséquence un accroissement global de la force motrice produite ... ;
il suit de là que (le propriétaire) devait, avant d'effectuer ces
modifications, solliciter une autorisation administrative »
constitutive d'un fondement sur titre. Dans l'arrêt du 7
décembre 1998 << SARL centrale Mazarin contre Ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » le juge
administratif suprême juge « qu'il résulte des
pièces du dossier que la puissance actuelle de l'usine
hydroélectrique est supérieure à la puissance existant en
1816 ; dans ces conditions (le propriétaire) ne saurait, en tout
état de cause, invoquer le droit fondé en titre de son usine
[pour la totalité de l'ouvrage existant aujourd'hui]
». Enfin, il juge dans l'arrêt << Tampon contre
Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement
» du 18 janvier 1999 « qu'il est constant que le bief qui
dérive les eaux de la Laize et alimente les moulins ... existait avant
le 4 août 1789 ; qu'il ressort toutefois ... que des modifications
substantielles ont été apportées depuis 1857, sans
autorisation, aux ouvrages de dérivation et de prises d'eau qui ont eu
pour effet d'augmenter la consistance de l'installation ... [le
propriétaire] n'est pas fondé à se prévaloir
d'un droit fondé en titre... [pour la totalité de l'ouvrage]
».
S'il est de jurisprudence constante qu'une autorisation soit
exigée pour la puissance supplémentaire, un doute pourrait
naître de l'interprétation du juge lors de l'application de ce
régime d'autorisation ou de concession à un ouvrage fondé
en titre qui ferait l'objet de travaux pour augmenter sa puissance motrice. En
effet, à la lecture de l'arrêt de section du Conseil d'Etat du 18
février 1972 << Société hydroélectrique de la
vallée de Salles-la-Source », il apparaît que le juge
administratif suprême ne soumette au régime d'autorisation ou de
concession que la part de puissance motrice brute qui est ajoutée
à celle déjà existante. En l'espèce l'usine
exploitée par la Société hydroélectrique de la
vallée de Salles-la-Source était
fondée en titre à hauteur de 530 kW, et sa
puissance motrice brute atteignait 1300 kW après ajout d'un
troisième groupe ; dès lors l'accroissement de puissance est de
770 kW. En jugeant que « la Société
hydroélectrique de la vallée de Salles-la-Source est
fondée à prétendre que la puissance fondée en titre
soit déduite pour le calcul de la puissance maximum à
réglementer », le Conseil d'Etat semble considérer de
manière distincte la part de puissance ajoutée, et donc soumise
à la loi de 1919, et la part de puissance déjà existante.
De même, le tribunal administratif de Toulouse, par jugement du 25
janvier 2007 « société hydro SIA » considère
« qu'un droit fondé en titre conserve la consistance qui
était la sienne à l'origine ; que dans le cas où des
modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont pour effet
d'accroître la force motrice théoriquement disponible,
appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du
débit du cours d'eau ou du canal d'amené, ces
transformations ont pour conséquence non de permettre une actualisation
de la consistance du droit fondé en titre, mais seulement de soumettre
l'installation au droit commun de l'autorisation ou de la concession pour la
partie de la force motrice supérieure à la puissance
fondée en titre ; que, par suite, les moyens de la
requête tirant argument des améliorations techniques qu'a connues
le moulin sont inopérants à l'appui de conclusions tendant au
calcul de la dite puissance ». Cette jurisprudence aurait donc pu
amener à penser que l'ouvrage fondé en titre restait fondé
en titre pour la part de consistance légale déjà
existante, et devenait fondé sur titre seulement pour la part soumise
à autorisation.
Cependant le doute n'est pas permis puisque le juge
administratif a eu pour objectif de faciliter l'évolution des ouvrages
fondés en titre en les soumettant au régime de l'autorisation ou
de la concession sans pour autant les contraindre de facto au régime de
la concession même pour une légère augmentation de leur
puissance motrice lorsqu'il s'agit d'ouvrages dont la PMB53 est
proche ou supérieure à 4500 kW. Ainsi le juge administratif ne
prend en compte que la part de puissance motrice issue de l'augmentation afin
de ne pas soumettre à la procédure d'autorisation ou de
concession la part déjà autorisée (fondée en titre)
de puissance motrice. Cette solution jurisprudentielle permet de ne pas
remettre en cause un droit existant sans pour autant le condamner à
l'intangibilité. Il faut rapprocher cette solution des arrêts
évoqués plus haut (« Tampon contre Ministère de
l'aménagement du territoire et de l'environnement » du 18 janvier
1999) concluant à la perte du droit fondé en titre suite à
une augmentation de la puissance motrice. En effet, à la vue de
l'ensemble de cette jurisprudence,
53 Puissance motrice brute.
si le juge administratif n'a pas voulu condamner les ouvrages
fondés en titre à l'absence d'évolution possible, il ne
leur a pas non plus garantie la pérennité de leur statut, puisque
leur fondement en titre tombant (« priver l'usine de sa qualité
d'établissement fondé en titre »), ils deviennent
fondés sur titre pour la totalité de leur puissance. Le Conseil
d'Etat met fin à toute interrogation possible dans l'arrêt
<< SARL Centrale Mazarin » du 7 décembre 1998 (publié
au cahier juridique de l'électricité et du gaz de 1999,
jurisprudence page 286) puisqu'il nous dit très clairement qu'à
défaut d'autre élément, la puissance pouvait, s'agissant
d'un moulin installé au XIIIe siècle, être fixée
à 64 CV à la suite d'une expertise contradictoire
réalisée par l'administration en 1858 ; mais le décret du
19 novembre 1897 qui avait autorisé la reconstruction de cette usine,
détruite pendant la guerre de 1870, précisait que la demande
comportait « concession d'un supplément de force motrice »
et que la puissance effective, à la suite de cette reconstruction
étant supérieure à celle constatée en 1858,
qu'ainsi il n'était plus possible de considérer l'installation
comme fondée en titre puisqu'elle était devenue fondée sur
titre.
Enfin, et pour être complet, dans l'arrêt <<
SA Laprade énergie » du 5 juillet 2004 le Conseil d'Etat
considère « qu'un droit fondé en titre conserve la
consistance qui était la sienne à l'origine ; que dans le cas
où des modifications de l'ouvrage auquel ce droit est attaché ont
pour effet d'accroître la force motrice théoriquement disponible,
appréciée au regard de la hauteur de la chute d'eau et du
débit du cours d'eau ou du canal d'amenée, ces transformations
n'ont pas pour conséquence de faire disparaître le droit
fondé en titre, mais seulement de soumettre l'installation au droit
commun de l'autorisation ou de la concession pour la partie de la force motrice
supérieure à la puissance fondée en titre ».
Pierre Sablière commente cet arrêt54 et en
déduit que « lorsqu'il y a modification de la consistance
légale cela ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits
résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les
modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable,
une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en
résulte, le titre restant, en toute hypothèse, acquis
». Le raisonnement serait tronqué s'il n'était pas
souligné que le droit fondé en titre perdure,
malgré une modification non encore autorisée de
l'ouvrage, mais cela uniquement dans l'attente de la mise en oeuvre de la
procédure d'autorisation ou de concession dans les conditions
rappelées plus haut. Il y aurait deux temps à distinguer : le
premier résulte de la modification de la puissance motrice de l'ouvrage
fondé en titre par des
54 Note à l'AJDA 2004, page 2219.
travaux (exhaussement de la ligne d'eau,...) mais sans que ces
travaux n'aient été soumis à procédure
d'autorisation ou de concession, pendant cette première phase le droit
fondé en titre perdure puisqu'il constitue la seule base juridique de
l'ouvrage malgré une contradiction entre les faits et le titre. C'est ce
que nous retrouvons dans la note de Pierre Sablière55 lorsque
celui-ci écrit à propos de l'arrêt « Arriau » du
5 juillet 2004 « dire qu'il y a modification de la consistance
légale ne veut pas dire qu'il y a disparition des droits
résultant du titre mais simplement qu'il faut, selon les
modalités prévues par la loi du 16 octobre 1919 alors applicable,
une autorisation pour la seule puissance supplémentaire qui en
résulte, le titre restant, en toute hypothèse acquis ».
De là découle le deuxième temps, lequel correspond
à la mise en conformité du titre avec l'état de fait, et
donc, d'une certaine manière à la « légalisation
» des travaux ayant abouti à l'augmentation de la puissance de
l'ouvrage. Ce deuxième temps permet de fonder sur titre l'ouvrage et
bien que la procédure à adopté ne soit choisit qu'en
fonction de l'augmentation de puissance réalisée, c'est
l'ensemble de l'ouvrage qui devient fondé sur titre. C'est ce que Pierre
Sablière rappel sous sa note à l'AJDA en illustrant son
développement intitulé : « ... à condition que
l'usage soit conforme à la consistance légale découlant du
titre ». En effet, il site dans ce développement l'arrêt
du Conseil d'Etat du 7 décembre 1998 « SARL Centrale Mazarin
»56 dans lequel le juge administratif suprême
considère « qu'à défaut d'autres
éléments cette puissance pouvait, s'agissant d'un moulin
installé au XIIIème siècle, être fixé
à 64 cv à la suite d'une expertise contradictoire
réalisée par l'administration en 1858, mais que le décret
du 19 novembre 1897, précisait que la demande comportait «
concession d'un supplément de force motrice » et que la
puissance effective, à la suite de cette reconstruction étant
supérieure à celle constatée en 1858, il
n'était plus possible de considérer l'installation comme
fondée en titre ».
Un arrêt récent du Conseil d'Etat permet de
renforcer cette thèse. En effet, le juge administratif suprême
dans un arrêt « société SJS » du 21 mai 2008 (qui
sera mentionné aux tables du recueil Lebon) reconnaît à
l'intérêt à agir de l'établissement fondé en
titre alors que celui-ci avait subit une importante augmentation de puissance
soumise à concession. En effet, l'établissement vendu comme bien
national en 1797 était considéré comme fondé en
titre jusqu'à ce qu'un décret de 1854 relatif à
l'autorisation à la fois de l'usine de fer et de l'ouvrage hydraulique
lui octroi le caractère d'ouvrage fondé sur titre. Cependant
cette autorisation est
55 Note à l'AJDA 2004, page 2219.
56 Publié au cahier juridique de
l'électricité et du gaz de juillet 1999, page 286.
devenue caduque à défaut de renouvellement en
application de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919. Dès lors cette
usine, dont la puissance avait atteint 900kW n'était plus
autorisée pour sa totalité mais redevenait fondée en titre
pour les 180kW qui constituaient sa consistance légale en 1797. Le
Conseil d'Etat considère que « la circonstance qu'elle [la
société SJS] ne bénéficiait pas d'une
autorisation en règle au moment de l'introduction de sa requête ne
la privait pas, au regard de son droit fondé en titre, même
limité, d'un intérêt pour agir contre les
arrêtés fixant les conditions d'exploitation d'une autre
société d'exploitation électrique dont le barrage est
situé en aval du sien et influe sur sa production ».
Dés lors le fondement sur titre tombant, l'ouvrage est à nouveau
considéré comme fondé en titre dans les limites de sa
consistance légale.
Concernant la modification de la puissance de l'ouvrage, elle
a pu faire l'objet de différentes conceptions de la part du juge
administratif suprême. Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il d'abord jugé
que toute transformation de l'établissement, même une simple une
amélioration de l'outillage, dont il ressortait une augmentation de la
force motrice, devait être analysée comme une modification de la
consistance légale de l'ouvrage. Cette solution très stricte a
été abandonnée par l'arrêt « Ulrich >> de
1866 dans lequel seulement deux éléments sont retenus, il s'agit
de la consistance du canal d'amenée et de la hauteur de la chute, les
améliorations de l'outillage n'étant alors plus prise en
considération. Cette solution a permis par la suite de faciliter les
reconversions d'usines fondées en titre en leur permettant notamment,
par changement d'outillage, de devenir des établissements industriels
puis des usines hydroélectriques. Cette solution adoptée par le
Conseil d'Etat dès 1866 est encore aujourd'hui d'actualité
puisqu'elle correspond toujours à la position du ministère de
l'équipement. La circulaire57 du ministère de
l'Equipement et du Logement du 22 novembre 1968, applicable aux barrages
fondés ou non en titre, a ainsi invité ses services, lors de
travaux d'entretien, à « s'assurer que soient strictement
observées les conditions de seule remise en état du barrage sans
aucun exhaussement et qu'aucune modification du canal d'amenée ne soit
effectuée en vue d'en augmenter l'ancien débit >>. La
jurisprudence est également constante en ce sens (CE 11 janvier 1946
Société hydroélectrique de la vallée de
Salles-la-Source, Lebon p. 8 ; CE 18 mars 1966 Ministre de
l'Agriculture c/ Société des établissements
Etchegoyen, Lebon p. 218 ; CE 18 janvier 1999 M. Tampon ; CAA
Bordeaux 24 juin 1999 SA Centrale des Vignes).
57 Circulaire n° 68-112 publiée au BOME
n° 22-68, p. 865.
Tout vise donc à faciliter l'adaptation des ouvrages
fondés en titre, que se soit les règles de calcul
définissant la procédure applicable à la
légalisation de l'augmentation de la force motrice (autorisation ou
concession) ou bien les éléments prit en considération
pour calculer une modification de puissance motrice. Cependant, malgré
la << bienveillance » de l'administration et du juge au regard des
ouvrages fondés en titre, ces derniers ne sont pas à l'abri de
toute remise en cause...
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