§ 4. / Le classement des cours d'eau
Outre le classement distinguant domaine public fluvial et
cours d'eau non domaniaux, le législateur a établit depuis
longtemps un classement des cours d'eau qui permet selon leurs
caractéristiques communes de leur appliquer une législation plus
adaptée. Ainsi dès le début du XXème siècle
certains cours d'eau étaient classés pour la protection du
saumon, mais la pratique montre aujourd'hui que ces cours d'eau sont de
véritables successions de barrages. Il est donc apparu nécessaire
de faire évoluer la typologie du classement des cours d'eau.
11 Codifié à l'article L 2111-12 du code
général de la propriété des personnes publiques.
Jusqu'à l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux
aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, le classement existant
distinguait deux régimes différents : les rivières
réservées au titre de l'article 2 de la loi de 1919 et les
rivières classées au titre de l'article L432-6 du code de
l'environnement. Le classement actuel résulte de l'article 6 de la loi
sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 qui ajoute au
chapitre 4 du livre 2 du code de l'environnement une section 5 intitulée
<< Obligations relatives aux ouvrages ». Les modalités
d'application sont précisées par le décret
n°2007-1760 du 14 décembre 2007 << portant dispositions
relatives aux régimes d'autorisation et de déclaration au titre
de la gestion et de la protection de l'eau et des milieux aquatiques, aux
obligations imposées à certains ouvrages situés sur les
cours d'eau, à l'entretien et à la restauration des milieux
aquatiques et modifiant le code de l'environnement ». En outre la
circulaire12 du 6 février 2008 << relative au
classement des cours d'eau au titre de l'article L214-17-I du code de
l'environnement et aux obligations qui en découlent pour les ouvrages
» vient apporter les explications nécessaire à l'application
de ce nouveau classement.
L'article L214-17-I du code de l'environnement issu de la LEMA
met à la charge du préfet coordonnateur de bassin
d'établir (après avis des conseils généraux, EPTB
et comités de bassins) :
- Une liste de cours d'eau ou partie de cours d'eau,
« en très bon état écologique ou
identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de
gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir
biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon
état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans
lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant
alternativement en eau douce et en eau salée est
nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut
être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils
constituent un obstacle à la continuité écologique
». Sur ces cours d'eau le renouvellement de concession ou
d'autorisation des ouvrages existants est « subordonné à
des prescriptions permettant de maintenir le très bon état
écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état
écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la
protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en
eau salée ». La circulaire du 6 février
2008 précise que « si la notion d'ouvrage nouveau s'applique au
renouvellement des titres des ouvrages existants, elle doit être
appliquée de manière éclairée
12 Circulaire n°2008/25.
lorsqu'il s'agit de modifications des
caractéristiques d'ouvrages existants. Si ces modifications
améliorent ou n'aggravent pas la situation par rapport à la
situation particulière ayant motivé le classement, il y a tout
lieu de considérer qu'il ne s'agit pas d'ouvrages nouveaux ».
La circulaire donne également à titre d'exemple différents
types de prescriptions possibles afin de maintenir le très bon
état écologique des eaux. Il s'agit notamment de la construction
de dispositifs de franchissement pour la montaison et/ou la dévalaison
du poisson, ou encore de la construction de dispositifs de gestion
adaptée du transport solide.
- Ce même article L214-17-I prévoit
également que doit être établit une liste des cours d'eau
ou partie de cours d'eau « dans lesquels il est nécessaire
d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation
des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être
géré, entretenu et équipé selon des règles
définies par l'autorité administrative, en concertation avec le
propriétaire ou, à défaut, l'exploitant ».
Ces listes ne peuvent être établies
qu'après une étude d'impact du classement, premièrement
sur la prévention des inondations et la préservation des
écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides,
deuxièmement sur la protection des eaux et la lutte contre toute
pollution, troisièmement sur la restauration de la qualité de ces
eaux et leur régénération, quatrièmement sur le
développement, la mobilisation, la création et la protection de
la ressource en eau, cinquièmement sur la valorisation de l'eau comme
ressource économique, et enfin sixièmement, sur la promotion
d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en
eau.
Les obligations qui résultent du premier classement
n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le
propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et
exorbitante.
L'établissement de ces listes par le préfet rend
les obligations qui en découlent applicables immédiatement
concernant les cours d'eau en très bon état, alors que celles
résultants du second classement ne sont applicables que cinq ans
après publication des listes. Dès que ces obligations sont
applicables, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16
octobre 1919 et l'article L. 432-6 du code de l'environnement ne sont plus
applicables aux cours d'eaux concernés. « A l'expiration du
délai précité, et au plus tard le 1er janvier
2014,
le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du
16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L.
432-6 précité est abrogé » (article L214-7-III
du code de l'environnement).
Le décret du 14 décembre 200713 est
venu préciser ce qu'est un cours d'eau qui joue le rôle de
réservoir biologique au sens de l'article L214-17-I. Il
s'agit de « ceux qui comprennent une ou plusieurs zones de
reproduction ou d'habitat des espèces de phytoplanctons, de macrophytes
et de phytobenthos, de faune benthique invertébrée ou
d'ichtyofaune, et permettent leur répartition dans un ou plusieurs cours
d'eau du bassin versant » (article R214-108 du code de
l'environnement).
De même ce décret précise ce qu'est un
obstacle à la continuité écologique au
sens de l'article L214-17-I et de l'article R214-1. Il s'agit d'un ouvrage
« entrant dans l'un des cas suivants :
1° Il ne permet pas la libre circulation des
espèces biologiques, notamment parce qu'il perturbe significativement
leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur
croissance, leur alimentation ou leur abri ;
2° Il empêche le bon déroulement du
transport naturel des sédiments ;
3° Il interrompt les connexions latérales avec
les réservoirs biologiques ;
4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des
réservoirs biologiques ».
La circulaire du 6 février 200814 vient
préciser deux points importants. D'abord, les impacts sur la libre
circulation des espèces doivent être appréhendés non
pas uniquement à l'échelle individuelle mais également
être restitués à l'échelle du bassin. En pratique,
selon la circulaire, les ouvrages entièrement nouveaux
nécessitants un dispositif de franchissement ne pourront probablement
pas démontrer l'absence d'obstacle à la continuité.
Ensuite, la notion de bon déroulement du transport naturel des
sédiments est relativement nouvelle au regard de celle de libre
circulation des espèces biologiques. C'est pourquoi il faudra veiller
à ce que l'étude d'impact ou le document d'incidence du projet
démontre la transparence sédimentaire de l'ouvrage en fournissant
des éléments d'information détaillés sur les effets
du projet quant au transport des sédiments, notamment les particules
grossières et sableuses. En pratique, selon la circulaire, les ouvrages
barrant intégralement le cours d'eau ne pourront probablement jamais
satisfaire à ce dernier critère.
13 Décret n°2007-1760.
14 Circulaire n°2008/25.
Le Thouet, en sa totalité, est actuellement
classé au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement, lequel
prévoit que « tout ouvrage doit comporter des dispositifs
assurant la circulation des poissons migrateurs. L'exploitant de l'ouvrage est
tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien de ces dispositifs. Les
ouvrages existants doivent être mis en conformité, sans
indemnité, avec les dispositions du présent article dans un
délai de cinq ans à compter de la publication d'une liste
d'espèces migratrices par bassin ou sous-bassin fixée par le
ministre chargé de la pêche en eau douce et, le cas
échéant, par le ministre chargé de la mer ».
La Sèvre Nantaise et la Maine, quant à elles,
sont classées au titre de l'article L432-6 du code de l'environnement
uniquement pour sa partie situé dans le département de la «
Loire-Atlantique ».
A ce jour ni le Thouet ni la Sèvre Nantaise ne sont
concernés par la publication d'une liste d'espèces migratrices.
Dès lors la mise en conformité des ouvrages avec l'article L432-6
ne s'effectue qu'à l'occasion de travaux soumis à autorisation.
Toutefois, dès 2009 il devra y avoir un classement de cours d'eau au
titre de l'article L214-17 du code de l'environnement pour les anguilles compte
tenu de la place stratégique de la Sèvre et du Thouet pour cette
espèce migratrice.
Notons aussi qu'au-delà des considérations
attachées au partage des usages et au respect dû à la
propriété privée des riverains, le législateur a
très tôt pris en compte l'aspect environnemental de la
rivière, laquelle ne devait dès lors plus faire l'objet que d'une
gestion patrimoniale. C'est ainsi que dès le début du XIX
ème siècle, une loi du 15 avril 1829 (article 15) interdisait aux
maîtres des moulins de fermer en même temps toutes les ouvertures
de leur digue (vanne de décharge, pas-le-roi de flottage,...), et ce,
afin que subsiste en tout temps un passage plus aisément franchissable
par les migrateurs.
§ 5. / L'organisation administrative de la gestion des
cours d'eau : structures et compétences
Notons d'abord la présence, au niveau national, d'un
ministère chargé de l'environnement. Ce ministère est
dénommé « ministère de l'écologie, du
développement et de l'aménagement durable »15,
auprès duquel un secrétariat d'Etat chargé de
l'écologie est délégué16. Il comporte
trois directions ayant compétence dans le domaine de l'eau : la
direction de l'eau, la direction de la prévention des pollutions et des
risques, et enfin, la délégation au développement
durable.
La plupart des autres ministères étant
intéressés par le domaine de l'eau, la coordination entre les
autres ministères et le ministère en charge de l'environnement
est assurée par le comité interministériel pour le
développement durable et par la mission interministérielle de
l'eau.
Au niveau régional, bien que les directions
régionales de l'environnement aient un rôle clé dans le
domaine de l'eau, c'est le préfet qui dirige l'action de l'Etat et
coordonne la politique à mener entre les différentes directions.
Au niveau départemental, les directions départementales de
l'équipement ont compétences concernant les implications
d'aménagement et d'urbanisation. Les directions départementales
de l'agriculture et de la forêt ont également compétences
en raison de l'impact de cette activité sur l'eau et les milieux. Enfin
les DSV (direction des services vétérinaires) et les DDASS
(direction départementales des affaires sanitaires et sociales) ont
aussi une compétence en la matière compte tenu des
préoccupations d'hygiène, de sécurité et de
salubrité publique. L'organisation départementale est
actuellement assez obscure en raison du nombre important de directions en
charge du domaine de l'eau. La réorganisation des services de l'Etat
devrait conduire, à terme, à un rapprochement entre les DDAF et
la DDE, ainsi qu'entre les DSV et les DDASS. La coordination est actuellement
assurée par le préfet de zone, la commission administrative de
bassin, et la mission interservices de l'eau (MISE).
Au niveau décentralisé, les collectivités
territoriales ont un rôle entier à jouer dans le domaine de l'eau.
Les régions interviennent notamment à raison de leurs
compétences en matière d'aménagement du territoire et
d'économie. Les départements interviennent quant à
15 Instauré par le décret du 18 mai 2007
relatif à la composition du Gouvernement (Journal Officiel du 19 mai
2007).
16 Créé par le 2ème
décret du 19 juin 2007 relatif à la composition du Gouvernement
(JO du 20 juin 2007).
eux en raison de leurs compétences en matière
d'aménagement rural, de gestion des espaces naturels sensibles et de
leurs possibilités d'intervention dans les espaces périurbains.
Enfin, les communes et leurs groupements sont historiquement au coeur de la
gestion locale de l'eau. Elles disposent de compétences en
matière de préservation des milieux, mais aussi en matière
de gestion des services (captage et distribution d'eau potable, assainissement
des eaux usées). Les collectivités territoriales, les communes et
les départements le plus généralement, peuvent se
regrouper en syndicat mixte et en établissement public territorial de
bassin. Ces formes de coopérations permettent aux collectivités
de gérer leurs compétences de manière cohérente en
tenant compte des réalités géographiques, ce qui en
matière de gestion des cours d'eau s'avère
particulièrement pertinent.
La société civile joue également un
rôle en matière de gestion de l'eau et des milieux aquatiques.
Notons par exemple l'existence des associations de protection de
l'environnement, des associations de pêche de loisir ou encore des
associations de pêche professionnelle.
Enfin, il existe des institutions spécialisées
intervenant dans le domaine de l'eau. Il s'agit au niveau national du
comité national de l'eau, de l'office national de l'eau et des milieux
aquatiques et du comité technique permanent des barrages et des ouvrages
hydrauliques. Au niveau du bassin, il s'agit du comité de bassin et des
agences de l'eau. Et enfin, au niveau du sous-bassin, il s'agit de la
commission locale de l'eau et des établissements publics territoriaux de
bassin. Les agences de l'eau, créées par la loi de 1964, ont
été instituées dans chacun des six bassins (Loire -
Bretagne, Adour - Garonne, Rhône - Méditerranée - Corse,
Seine - Normandie, Rhin - Meuse, Artois - Picardie). Ce sont des
établissements publics à caractère administratif
placées sous la tutelle du ministre chargé de l'environnement.
Leurs principales fonctions sont financières et d'étude.
Concernant plus particulièrement l'ONEMA17,
c'est un établissement public administratif de l'Etat, placé sous
la tutelle du ministre en charge de l'environnement, qui peut mettre en place
des délégations régionales ou départementales. Sa
mission est de « mener et soutenir au niveau national des actions
destinées à favoriser une gestion globale, durable et
équilibrée de la ressource... »18.
17 Office National de l'Eau et des Milieux
Aquatiques.
18 Article 83-II de la loi sur l'eau et les milieux
aquatiques du 30 décembre 2006.
Bien que les acteurs soient multiples à intervenir dans
le domaine de l'eau, il ne faut pas oublier l'importance des droits et devoirs
du premier de ces acteurs : le propriétaire riverain.
§ 6. / Le droit de riveraineté d'un cours d'eau
« Le droit de riveraineté peut se
définir comme l'ensemble des droits dont le propriétaire d'un
fonds bordant un cours d'eau non domanial, ou traversé par lui, est
titulaire », telle est la définition qui nous est
proposée par Pascal Gourdault-Montagne dans son ouvrage de
199419. Cette définition témoigne de l'incertitude qui
pèse sur la matière, d'autant que le droit de riveraineté
est inséparable de la notion de cours d'eau, qui, nous l'avons vu plus
haut, est << incomplète et malaisée » selon les mots
de Johan De Malafosse en préface de ce même ouvrage.
Le propriétaire foncier d'un fonds bordé par un
cours d'eau non domanial est titulaire de deux catégories de droits
distincts et complémentaires constituant le droit de riveraineté.
« Il s'agit d'une part des droits découlant du droit de
propriété qui est reconnu au riverain sur le lit depuis la loi du
8 avril 1898, et d'autre part des droits issus du droit d'usage
préférentiel qu'il exerce sur les eaux courantes qui bordent ou
traversent son héritage en application de l'article 644 du code civil
»20 selon Pascal Gourdault-Montagne.
En effet le propriétaire d'une parcelle de terrain qui
borde un cours d'eau non domanial est, sauf titre ou prescription contraire,
propriétaire du lit jusqu'au milieu du cours d'eau (article L 215-2 du
code de l'environnement), à charge pour lui de l'entretenir. Il s'agit
là d'une innovation apportée par la loi de 1898, laquelle
s'opposait à la doctrine de l'époque qui faisait du lit, au
même titre que l'eau qui y coule, une chose commune. La loi de 1898 ne
change pas le statut de l'eau de la rivière, elle reste chose commune ;
le propriétaire riverain d'un cours d'eau non domanial peut user de
l'eau à la condition de la rendre à son cours ordinaire, sans en
dénaturer la qualité ni la rendre impropre à son usage
normal afin de ne pas porter atteinte aux droits des riverains
inférieurs21. En outre, l'article 215-1 du code de
l'environnement
19 << Le droit de riveraineté :
propriété, usages, protection des cours d'eau non domaniaux
» de Pascal GourdaultMontagne, 1994, éditions Lavoisier.
20 Le droit de riveraineté, édition
Lavoisier 1994 page 11.
21 Article 644 du code civil.
dispose que « les riverains n'ont le droit d'user de
l'eau courante qui borde ou qui traverse leurs héritages que dans les
limites déterminées par la loi. Ils sont tenus de se conformer,
dans l'exercice de ce droit, aux dispositions des règlements et des
autorisations émanant de l'administration ». L'eau de la
rivière étant res communis, c'est-à-dire chose
commune, tout le monde devrait avoir le pouvoir d'en disposer, cependant ce
droit n'est attribué qu'aux riverains par le législateur. Ce
régime préférentiel a pour origine un arrêt du
Parlement de Paris du 12 juillet 1787 qui considère le droit d'usage de
l'eau comme la contrepartie des inconvénients que subissent les
propriétés riveraines (crues, érosion,...).
André Hauriou écrit dans sa thèse
<< La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non
navigables ni flottables »22 en 1921 que « tout le
monde, bien entendu, puisque l'eau courante est considérée comme
une chose commune, peut puiser l'eau, se laver, ou abreuver des bestiaux dans
les petites rivières, le public peut même y circuler librement en
bateau, là oil les ouvrages d'art n'interdisent pas la navigation, mais
les deux utilités principales de l'eau courante : l'irrigation et la
force motrice sont, ou du moins pour cette dernière étaient
jusqu'à la loi du 16 octobre 1919 réservées aux seuls
riverains. Armé de ce caractère d'exclusivité, les droits
de riverainetés sont de plus cessibles comme la jurisprudence l'a
très vite admis. Il en résulte qu'un riverain, lorsqu'il ne peut
pas ou ne veut pas se servir de son droit à l'eau, à la
faculté de le céder à un tiers, son propre droit restant
dans ce cas la mesure du droit du cessionnaire »23.
Enfin, l'article L 214-6 du même code précise que
« dans tous les cas, les droits des tiers sont et demeurent
réservés ». Il s'agit là d'un des aspects
premiers de la philosophie qui sous-tend tout le droit de l'eau, et tout
particulièrement le droit des cours d'eau non domaniaux puisqu'il s'agit
de rivières dont le lit appartient, en général, aux
propriétaires des fonds bordants. Il en découle
l'applicabilité des règles classiques en matière de droit
de la propriété privée, de voisinage, et donc une certaine
protection due aux droits qui y sont attachés.
22A. Hauriou, << La mainmise de l'Etat sur
l'énergie des cours d'eau non navigables ni flottables »,
thèse, Toulouse, 1921, 112 pages.
23 Voir section 1.4.1 page 48.
§ 7. / La responsabilité civile du
propriétaire riverain
L'article 1382 du code civil dispose que « Tout fait
quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par
la faute duquel il est arrivé à la réparer ».
L'article 1383 du même code ajoute que « Chacun
est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait,
mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Enfin, l'article 1386 pose que « Le
propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé
par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par la suite du défaut
d'entretien ou par le vice de sa construction ».
Ces trois articles peuvent fonder une action en
responsabilité civile contre le propriétaire d'un ouvrage
hydraulique qui sera à l'origine d'un dommage, sur une
propriété riveraine notamment. Une mauvaise gestion des vannages,
un défaut d'entretien, ou bien encore un vice de construction peuvent
être sources de nuisances causant des dommages aux propriétaires
tant avals qu'amonts. Une brusque montée dans eaux, ou au contraire, un
subit abaissement de la ligne d'eau, causé par une mauvaise gestion ou
un mauvais entretien de l'ouvrage, sont autant d'évènements
constitutifs d'un fait dommageable susceptible de mettre en jeu la
responsabilité civile du propriétaire de l'ouvrage à
l'égard de celui qui, victime d'un dommage, aura prouvé le lien
de causalité entre le fait dommageable et son dommage.
Les troubles de voisinages peuvent également servir de
base légale à une action en responsabilité civile. C'est
là un des développements de la responsabilité sans faute.
Elle est mise en jeu dès lors que la victime a subit des troubles
disproportionnés au regard des conditions habituelles de vie. Ainsi,
l'assèchement du sol d'un voisin, consécutif à une
plantation de peupliers a, par exemple, suffit à justifier une
condamnation à des dommages et intérêts par la
deuxième chambre de la Cour de Cassation dans un arrêt du 29 juin
2000 « Mme Annie C-F »24.
La théorie de la pré-occupation exonère
le responsable d'un dommage dans l'hypothèse où l'implantation de
ce dernier est antérieure à celle du tiers qui se prévaut
du dommage. Cette théorie s'applique sous réserve que soient
respectées les règles relatives à
24 Pourvoi n°98-20.519, arrêt
n°708.
l'exploitation de l'ouvrage. En cas de méconnaissance, la
responsabilité de l'exploitant peut être mise en jeu lorsque ledit
voisinage en a subit des préjudices.
Cependant la réparation civile suppose de remplir
plusieurs conditions :
- il faut, en premier lieu, la réalisation d'un
dommage. Le préjudice doit être certain ; la jurisprudence admet
le préjudice futur dans la mesure où la certitude de sa
réalisation est prouvée. Le préjudice doit encore
être direct. Enfin, le préjudice doit être personnel. La
jurisprudence a, par exemple, admis l'indemnisation du voisin d'un
propriétaire d'étang dont le terrain avait été
inondée et par là même était devenu
inutilisable25.
- il faut, en second lieu, un intérêt à
agir. C'est le requérant qui doit le démontrer relativement
à sa situation. Dans le cas d'associations, c'est l'objet associatif qui
détermine l'intérêt à agir. Ainsi, les associations
agréées, titulaires de droit de pêche, participent à
la protection et à la gestion du milieu piscicole, dés lors elles
subissent un dommage du fait de la destruction de poissons26.
- il faut, en dernier lieu, un lien de causalité entre
le dommage subit et l'auteur dudit dommage. La deuxième chambre civile
de la Cour de Cassation a par exemple jugé dans l'arrêt « M.
Prieur » du 1er avril 199927, que le défaut
d'entretien des digues d'un étang est directement la cause d'une
inondation.
La mise en jeu de la responsabilité civile se
résout soit par l'octroi de dommages et intérêts, soit par
une action en réparation.
Enfin l'article L215-11 du code de l'environnement
précise que « Les propriétaires ou fermiers de moulins
et usines, même autorisés ou ayant une existence légale,
sont garants des dommages causés aux chemins et aux
propriétés ». Il n'y a donc pas de distinction à
faire entre les usines et moulins fondés en titre ou fondés sur
titre. Le fondement en titre n'exonère pas son titulaire de la
responsabilité qu'il peut voir engager en cas de dommage du fait de son
ouvrage sur des propriétés ou chemins amonts ou avals.
Notre étude, sans écarter totalement la question de
la responsabilité, sera plus particulièrement centrée sur
le statut juridique des ouvrages hydrauliques. Pour cela il
25 Cour de Cassation, 3e chambre civile, 18
mai 2004, Gaillard contre Benoît, pourvoi n°03-11.345.
26 Cour de Cassation, chambre criminelle, 4
février 1986, Fédération départementale des
associations agréées de pêche et de pisciculture des
Alpes-Maritimes, pourvoi n°85-93.156.
27 Pourvoi 97-17.960, arrêt n°554.
conviendra d'étudier d'abord les différents
types de statuts que la loi et la jurisprudence ont mis à jour tout au
long du XIXème et du XXème siècle dans une analyse des
différents cas d'ouvrages hydrauliques (partie 1), puis d'étudier
comment les services de la police de l'eau et les collectivités
territoriales peuvent intervenir sur ces ouvrages en fonction de leur statut en
traitant les différents cas (partie 2).
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