Chapitre 2.3. : Les usines et moulins fondés
sur
titre
Les usines et moulins fondés sur titre peuvent, comme
pour les ouvrages fondés en titre, faire l'objet d'une intervention des
services de la police de l'eau (section 2.3.1.) comme des collectivités
territoriales et leurs groupements (section 2.3.2.). En outre, les ouvrages
dont le règlement d'eau est introuvable (section 2.3.3.) doivent quant
à eux faire l'objet d'un traitement particulier.
Section 2.3.1. : Les pouvoirs des services de la police
de l'eau
Les ouvrages fondés sur titre, bien que moins nombreux,
sont malgré tout bien présents tant sur le Thouet que sur la
Sèvre Nantaise. Construits après la Révolution, ils font
l'objet d'un règlement d'eau individuel ou collectif fixant leur
consistance légale. L'exploitant ou, à défaut, le
propriétaire de l'ouvrage est tenu par les prescriptions de ces
règlements d'eau. Ils doivent notamment respecter la hauteur d'eau
indiquée, le nombre et la taille des vannages, leur mode de gestion
(chômage, entretien,...). Le non respect de ces prescriptions peut
être un motif de révocation du règlement d'eau, privant du
même coup l'ouvrage de fondement juridique et le condamnant donc à
la destruction. Il s'agit là d'un pouvoir de l'administration bien peu
souvent mise en oeuvre. En effet, en cas d'augmentation de la force motrice par
rehaussement de la ligne d'eau, c'est plus souvent une remise en
conformité qui était enjointe plutôt qu'une destruction
totale de l'ouvrage.
Le respect de ces prescriptions pose aujourd'hui la question
des conséquences à tirer par l'administration détentrice
des pouvoirs de police de l'eau lorsque l'absence de gestion des ouvrages
conduit à une fermeture totale et permanente des vannages, en
contradiction
avec le règlement d'eau. En effet, les
règlements d'eau105 prévoient
généralement en leur article 7 que lorsque le niveau d'eau
dépasse le niveau le niveau légal de la retenue, le fermier ou
à défaut le propriétaire doit ouvrir les vannages afin de
garder le niveau de la rivière au niveau légal fixé par le
règlement. Si le niveau de la rivière venait à
dépasser le niveau maximum légal de la retenu, le fermier ou
à défaut le propriétaire en serait tenu pour responsable
dans l'hypothèse où les vannages n'auraient pas été
ouverts en entier. Or nous constatons aujourd'hui que ces prescriptions ne sont
plus respectées, et ce parce que bien souvent elles ne sont pas connues
des propriétaires d'ouvrages. Le niveau légal de la retenue
étant même considéré par certains, comme le niveau
en dessous duquel ils ne doivent pas faire descendre le niveau de la
rivière.
Cette perte des savoirs s'explique par l'abandon
déjà ancien des pratiques des meuniers et autres exploitants de
moulins et usines hydrauliques. Si au XIXème siècle la
réglementation avait pour objet de limiter les conflits d'usage et de
garantir à tous les ouvrages autorisés la possibilité de
capter l'énergie hydraulique de la rivière sans que celle-ci ne
soit retenue en amont, cet objectif n'apparaît plus aujourd'hui
prioritaire compte tenu du très faible nombre d'ouvrages exploitants la
force motrice du cours d'eau. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur
la pertinence du maintient de règlements d'eau dont les titulaires ne
tirent plus aucun usage, et ce d'autant plus que, loin de tirer profit du droit
d'eau qui leur est octroyé, ces mêmes titulaires sont en
contradiction avec les prescriptions de ces mêmes règlements d'eau
en matière de gestion des vannages. Les propriétaires se trouvent
donc dans la situation de devoir respecter des obligations en contre partie
desquelles ils bénéficient de droits mais dont ils ne font plus
aucun usage. Si en matière de droit de propriété, ne pas
utiliser son bien c'est aussi se comporter en propriétaire, il convient
de relever ici que le droit d'usage de l'eau ne fait pas l'objet d'un droit de
propriété mais seulement d'un droit d'usage, comme nous l'avons
vu plus haut. Quel fondement permet alors à l'administration de
maintenir un droit d'usage en dehors de tout usage de ce droit ? Il
s'agit là d'une interrogation qu'il nous ait permis de soulever au
regard des pratiques administratives qu'il nous a été
donné d'observer. En effet, la réglementation ancienne à
laquelle s'ajoute un renouvellement récent assez intensif (loi sur l'eau
de 1992, loi de 2004 transposant la directive cadre sur l'eau de 2000, loi sur
l'eau et les milieux aquatique de 2006), dote l'administration de nombreux
outils permettant de faire respecter la limite des droits dont
105 Voir annexes 2 et 3.
chaque riverain de cours d'eau dispose, mais bien plus encore,
elle dispose des moyens normatifs nécessaires à l'atteinte des
nouveaux objectifs qui sont ceux du XXIème siècle. Plus
précisément ici, notons que si le XIXème siècle
était marqué par l'optimisation de l'utilisation de la force
hydraulique de la rivière, le XXIème siècle est quant
à lui marqué, sous la pression notamment des contraintes
environnementales et communautaires, par la nécessité d'un retour
au libre écoulement des eaux afin de reconquérir le bon
état écologique des rivières. Alors que le droit d'usage
de l'eau par les moulins et usines hydrauliques ne fait plus l'objet d'usage,
que le maintient en état de paralysie permanente de ces moulins et
usines contrevient tant aux prescriptions des règlements d'eau en vertu
desquels ils ont été établis, qu'aux objectifs de
continuité écologique et sédimentaire imposé par le
droit communautaire et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, il
apparaît que les fondements juridiques en vertu desquels les
règlement d'eau sont maintenus sont plus qu'ébranlés,
surtout si l'on ajoute à cela le principe évoqué plus
haut, selon lequel nul n'a de droit acquis au maintient d'un règlement.
Le curseur est donc à placer, du côté de l'administration,
entre pouvoir discrétionnaire et compétence liée
concernant sa capacité de maîtrise de la police de l'eau.
Cependant l'évolution des politiques publiques peut, si
ce n'est déjà fait, faire de ce constat de l'histoire ancienne.
En effet, suite à la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 puis, sous la
pression de la directive communautaire du 23 octobre 2000, la loi du 21 avril
2004 et la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006
ont profondément remanié le code de l'environnement en ce qui
concerne la protection des écosystèmes aquatiques. Les pouvoirs
publics disposent alors des outils juridiques suffisant à l'atteinte du
bon état écologique à l'horizon 2015, reste aux
différents acteurs, que ce soient les services centraux et
déconcentrés de l'Etat ou encore les collectivités
territoriales et leurs groupements, à se saisir de ces moyens d'action
pour leur faire produire les effets qu'à entendu leur donner le
législateur, c'est-à-dire retrouver une rivière vivante
dont la continuité écologique et sédimentaire est
assurée.
Mais si l'action de l'Etat peut parfois s'avérer
insuffisante, les collectivités territoriales n'en sont pas moins
dotées de prérogatives leur permettant une action en la
matière.
Section 2.3.2. : Les prérogatives des collectivités
territoriales et leurs groupements
Comme dans le cas des ouvrages fondés en titre pour
lesquels le propriétaire ne satisfait pas à ses obligations
d'entretien telles qu'elles ressortent de l'article L215-14 du code de
l'environnement, il peut être fait application de l'article L215-16 du
même code afin que la commune, le groupement de communes ou le syndicat
compétent se substitue à lui, à ses frais.
Les collectivités territoriales et leurs groupements
peuvent également alerter le préfet du département
concerné sur les infractions à la réglementation commises
par l'absence de manoeuvre des vannages, dans l'hypothèse où il
s'agit d'un ouvrage qui n'est plus exploité, et de l'impact
négatif pour l'environnement. Ce dernier point pourra également
faire l'objet d'une communication au préfet lorsque, toujours en
service, l'ouvrage fondé sur titre constitue malgré tout un
obstacle à la continuité écologique du cours d'eau afin
que celui-ci puisse en tirer les conséquences qui s'imposent en faisant
usage de son pouvoir de police de l'eau. En effet, il lui appartiendra, comme
précédemment rappelé, de prendre les mesures qui
s'imposent afin de rétablir la continuité écologique du
cours d'eau, voire son libre écoulement.
Mise à part cette collaboration entre service de l'Etat
et administrations décentralisées, les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent, par le biais d'une
déclaration d'intérêt général, intervenir sur
des ouvrages privés soit par le biais de travaux soit par celui de
l'expropriation dans l'hypothèse où l'utilité publique
serait également déclarée.
Les collectivités peuvent aussi procéder par
voie de convention et établir avec le propriétaire de l'ouvrage
des prescriptions concernant des travaux à effectuer ou une
méthode de gestion des vannages à adopter. Cependant les limites
de la méthode conventionnelle restent celles du libre et
réciproque accord de volonté.
Enfin, comme dans les cas des ouvrages fondés en titre, le
maire peut toujours, sous le contrôle du préfet, prendre des
mesures en matière de police de l'eau et donc se charger de la
conservation et de la police des cours d'eau non domaniaux en
prenant toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux.
Section 2.3.3. : Les ouvrages dont le règlement d'eau est
introuvable
Il s'agit ici des ouvrages qui, bien que non fondés en
titre, ne peuvent se prévaloir d'un fondement sur titre. Il appartient
à l'exploitant, ou à défaut au propriétaire de
l'ouvrage de faire la preuve de son droit à l'administration et donc de
lui présenter son règlement d'eau dès lors qu'il ne s'agit
pas d'un ouvrage fondé en titre. En l'absence d'un tel document,
l'ouvrage doit être regardé comme irrégulier et donc faire
l'objet d'une procédure de régularisation auprès de
l'administration (voir § 2.4.1.2). Si le propriétaire venait
à retrouver son règlement d'eau après que des mesures
nouvelles aient été adoptées par l'administration suite
à la procédure de régularisation, ce dernier s'en
trouverait dépourvu de valeur juridique puisque le règlement le
plus récent l'emporte sur le règlement antérieur
conformément à la hiérarchie des normes.
Si les moulins et usines fondés en titre et
fondés sur titre peuvent sembler constituer la part la plus importante
des ouvrages hydrauliques sur nos rivières, le traitement des ouvrages
irréguliers ou soumis à une législation nouvelle reste
très important de part la précarité du statut juridique
qu'ils présentent et leur impact souvent important sur le milieu
aquatique.
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