Section 2.1.2. : Les différents motifs
légaux d'intervention
La remise en cause d'un droit d'eau intervient par le biais du
pouvoir réglementaire de l'administration. Or la mise en oeuvre de ce
pouvoir réglementaire est tantôt discrétionnaire,
tantôt légalement obligatoire pour l'autorité
compétente. Le Conseil d'Etat a par exemple jugé
que le maire commet une illégalité lorsqu'il
refuse de prendre un règlement de police nécessaire au maintient
de l'ordre ou de la salubrité83. Cet arrêt s'explique
par le fait que le maire est l'autorité administrative compétente
en matière, notamment, de police de l'ordre et de la salubrité
publique. Cette décision peut être transposée en
matière de police de l'eau, dès lors l'autorité
compétente en matière de police de l'eau pourrait voir sa
responsabilité engagée dans l'hypothèse où elle
refuserait de prendre les règlements qui s'imposent en la matière
notamment lorsque la loi prévoit une intervention en faveur de la
protection des écosystèmes (§ 2.1.2.1) ou de la
salubrité de l'eau (§ 2.1.2.2), ou lorsque le schéma
d'aménagement et de gestion des eaux lui-même prévoit des
actions (§ 2.1.2.3).
§ 2.1.2.1. / La protection des écosystèmes :
une compétence décentralisée
L'article L211-7 du code de l'environnement permet aux
collectivités territoriales (ainsi qu'aux EPTB, EPCI et syndicats) de
réaliser des travaux visant l'entretien et l'aménagement d'un
cours d'eau, la protection et la restauration des sites, des
écosystèmes aquatiques et des zones humides, l'exploitation,
l'entretien et l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants,...
dès lors que ces travaux présentent le caractère
d'intérêt général ou d'urgence, et qu'ils
s'intègrent dans le cadre du schéma d'aménagement et de
gestion des eaux s'il existe.
Cette disposition du code de l'environnement modifiée
par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006
permet ainsi à l'IIBSN et au SMVT de procéder chacun sur leur
bassin de compétence, aux travaux nécessaires au
rétablissement de la continuité écologique dès lors
que l'intérêt général sera établi par
l'adoption d'une déclaration d'intérêt
général par le préfet compétent. Ces travaux
comprennent notamment des interventions sur ouvrages hydrauliques entrant
pleinement dans le cadre de ce dispositif. Les collectivités peuvent
faire participer aux dépenses les riverains dans la mesure où ils
trouvent intérêts aux travaux ou bien dans la mesure où ils
les ont rendus nécessaires (L151-36 et L151-37 du code rural).
83 Arrêt du Conseil d'Etat du 23/10/1959, «
Doublet », Dalloz 1960, page 195.
Notons en outre que l'enquête publique nécessaire
à la déclaration d'intérêt général
vaut également enquête publique permettant la déclaration
d'utilité publique au cas ou une expropriation serait à
envisager. Cette disposition de l'article L151-37 du code rural permet
d'éviter d'avoir à effectuer deux enquêtes publiques et
ainsi de réduire les coûts et délais de
procédure.
L'article L151-37-1 du code rural permet aux
collectivités territoriales (et aux EPTB, EPCI, syndicats, ...)
d'instituer, dans le cadre de ces travaux, une servitude de passage sur les
propriétés riveraines du cours d'eau.
L'article L151-38 du code rural permet aux
départements, aux communes, leurs groupements et les syndicats
d'exproprier les propriétaire riverains, de leur droit d'eau,
exercé ou non, afin de procéder à des travaux
d'aménagement d'un bassin ou section de bassin hydrographique,
d'entretien et d'aménagement d'un cours d'eau, ...
La procédure d'adoption d'une déclaration
d'intérêt général est fixée aux articles
R214-88 à R214-105 du code de l'environnement ; laquelle soumet
l'enquête publique aux conditions fixées aux articles R11-4
à R11-14 ou R11-14-1 à R11-14-15 du code de l'expropriation pour
cause d'utilité publique.
Article L211-7 du code de l'environnement :
« I - Les collectivités territoriales et leurs
groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application
de l'article L5721-2 du code général des collectivités
territoriales sont habilités à utiliser les articles L151-36
à L151-40 du code rural pour entreprendre l'étude,
l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou
installations présentant un caractère d'intérêt
général ou d'urgence, dans le cadre du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux s'il existe, et visant :
1° L'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de
bassin hydrographique ;
2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau,
canal, lac, ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau,
à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ;
3° L'approvisionnement en eau
4° La maîtrise des eaux pluviales et de
ruissellement ou la lutte contre l'érosion des sols ;
5° La défense contre les inondations et contre la
mer ;
6° La lutte contre la pollution ;
7° La protection et la conservation des eaux
superficielles et souterraines ;
8° La protection et la restauration des sites,
des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des
formations boisées riveraines ;
9° Les aménagements hydrauliques concourant
à la sécurité civile ;
10° L'exploitation, l'entretien et
l'aménagement d'ouvrages hydrauliques existants
;
11° La mise en place et l'exploitation de dispositifs de
surveillance de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;
12° L'animation et la concertation dans le domaine de
la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques
dans un sous bassin ou un groupement de sous bassins, ou dans un système
aquifère, correspondant à une unité
hydrographique.
III - Il est procédé à une
seule enquête publique au titre de l'article L151-37 du code rural et des
articles L214-1 à L214-6 du présent code et, s'il y a lieu, de la
déclaration d'utilité publique ;
... ».
Article L151-36 du code rural :
« [...] Les personnes morales
mentionnées au premier alinéa (les départements, les
communes et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes) prennent en
charge les travaux qu'elles ont prescrits ou exécutés. Elles
peuvent toutefois, dans les conditions prévues à l'article L.
151-37, faire participer aux dépenses de premier établissement,
d'entretien et d'exploitation des ouvrages les personnes qui ont rendu les
travaux nécessaires ou qui y trouvent intérêt.
Lorsque le montant de la participation aux travaux est
supérieur au tiers de la valeur avant travaux du bien immobilier qui en
bénéficie, le propriétaire peut exiger de la personne
morale qu'elle acquière son bien dans un délai de deux ans
à compter du jour de la demande. A défaut d'accord amiable sur le
prix à l'expiration du délai, le juge de l'expropriation, saisi
par le propriétaire ou la personne morale, prononce le transfert de
propriété et fixe le prix du bien ».
« Le programme des travaux à réaliser
est arrêté par la ou les personnes morales concernées. Il
prévoit la répartition des dépenses de premier
établissement, d'exploitation et d'entretien des ouvrages entre la ou
les personnes morales et les personnes mentionnées à l'article
L151- 36. Les bases générales de cette
répartition sont fixées compte tenu de la mesure dans laquelle
chacune a rendu les travaux nécessaires ou y trouve un
intérêt. Le programme définit, en outre, les
modalités de l'entretien ou de l'exploitation des ouvrages qui peuvent
être confiés à une association syndicale autorisée
à créer. Le programme des travaux est soumis à
enquête publique par le préfet, selon une procédure
prévue par décret en Conseil d'Etat.
L'enquête publique mentionnée
à l'alinéa précédent vaut enquête
préalable à la déclaration d'utilité publique des
opérations, acquisitions ou expropriations nécessaires à
la réalisation des travaux.
Le caractère d'intérêt
général ou d'urgence des travaux ainsi que, s'il y a lieu,
l'utilité publique des opérations, acquisition ou expropriation
nécessaires à leur réalisation sont prononcés par
arrêté ministériel ou par arrêté
préfectoral.
...
Les dépenses relatives à la mise en oeuvre de
cette procédure sont à la charge de la ou des
collectivités qui en ont pris l'initiative ».
Article L151-37-1 :
« Il peut être institué une servitude de
passage permettant l'exécution des travaux ainsi que l'exploitation et
l'entretien des ouvrages. Le projet d'institution de servitude est soumis
à une enquête publique. L'enquête mentionnée à
l'article L. 151-37 peut en tenir lieu. Les propriétaires ou occupants
des terrains grevés de cette servitude de passage ont droit à une
indemnité proportionnée au dommage qu'ils subissent,
calculée en tenant compte des avantages que peuvent leur procurer
l'exécution des travaux et l'existence des ouvrages ou installations
pour lesquels cette servitude a été instituée. Les
contestations relatives à cette indemnité sont jugées
comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique
».
« Les départements, les communes ainsi que les
groupements de ces collectivités et les syndicats mixtes
créés en application de l'article L. 5721-2 du code
général des collectivités territoriales sont, ainsi que
leurs concessionnaires, investis, pour la réalisation des travaux, de
tous les droits et servitudes dont disposent les associations syndicales
autorisées.
...
Lorsqu'il s'agit d'un des aménagements
mentionnés aux 1° et 2° du I de l'article L.
211-7 du code de l'environnement (l'aménagement d'un
bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique et l'entretien et
l'aménagement d'un cours d'eau, y compris les accès à ce
cours d'eau), il peut être procédé à
l'expropriation des droits d'eau, exercés ou non, des
propriétaires riverains, à l'exclusion de ceux qui sont
exercés dans le cadre de concessions de forces hydrauliques, en
application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de
l'énergie hydraulique.
... ».
Article L151-39 :
« Lorsque le programme des travaux mentionnés
à l'article L. 151-37 a prévu que l'entretien et l'exploitation
des ouvrages sont confiés à une association syndicale
autorisée à créer, à laquelle seront remis ces
ouvrages, et au cas oil cette association ne peut être constituée
en temps utile, il pourra être pourvu à sa constitution d'office,
par décision préfectorale ».
Article L151-40 :
« Les dépenses d'entretien et de conservation en
bon état des ouvrages exécutés en application des articles
L. 151-36 à L. 151-39 ont un caractère obligatoire.
Les conditions d'application des articles L. 151-36 à
L. 151-39 sont fixées, en tant que de besoin, par décret en
Conseil d'Etat ».
|
Article R214-88 du code de l'environnement :
« Lorsque les collectivités publiques
mentionnées à l'article L. 211-7 recourent, pour des
opérations énumérées à ce même
article, à la procédure prévue par les deux derniers
alinéas de l'article L. 151-36 et les articles L. 151-37 à L.
151-40 du code rural, les dispositions de la présente section leur sont
applicables ».
Article R214-89 du code de l'environnement :
« I. - La déclaration d'intérêt
général ou d'urgence mentionnée à l'article L.
211-7 du présent code est précédée d'une
enquête publique effectuée, selon le cas, dans les conditions
prévues par les articles R. 11-4 à R. 11-14 ou R. 11-14-1
à R. 11-14-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
... ».
Article R214-90 du code de l'environnement :
« Lorsque la déclaration d'utilité
publique de l'opération est requise soit pour autoriser la
dérivation des eaux dans les conditions prévues par l'article L.
215-13, soit pour procéder aux acquisitions d'immeubles ou de droits
réels immobiliers, l'enquête mentionnée à
l'article R. 214-89 vaut enquête préalable à la
déclaration d'utilité publique ».
|
Cet article, rappelle, comme l'article L151-37 du code rural,
que l'enquête publique préalable à une déclaration
d'intérêt général vaut enquête
préalable à la déclaration d'utilité publique.
Cette disposition vise à simplifier la procédure et à en
réduire les coûts et les délais.
§ 2.1.2.2. / La salubrité publique
Contrairement à la protection des
écosystèmes qui est une compétence des
collectivités territoriales, la protection de la salubrité
publique dans le cadre de l'article L215-10 du code de l'environnement est une
compétence qui appartient au préfet, titulaire
des pouvoirs de police de l'eau.
L'article L215-10 du code de l'environnement fournit ainsi une
base légale à l'intervention de l'administration. Il autorise
l'Etat à modifier ou révoquer toute autorisation ou concession
(voire le II de l'article) sans indemnité, dans les quatre
hypothèses strictement énumérées en I parmi
lesquelles figure la salubrité publique. Les chutes d'eau fondées
en titre sont donc, du point de vue de ces hypothèses, assimilées
aux chutes autorisées avant ou depuis 1919, puisque cet article concerne
« toute autorisation..i. Ce pouvoir était
déjà reconnu antérieurement par le Conseil d'Etat dans
l'arrêt « Couplet » du 22 octobre 193084, dans
lequel il jugeait que « l'administration a le droit de régler
dans un but d'intérêt général le régime des
barrages ... si un moulin et le barrage existaient avant 1789 cette
circonstance ne fait pas obstacle à l'exercice des pouvoirs de
l'administration ».
L'article L215-10 du code de l'environnement prévoit
également des dispositions dont l'application est retardée dans
le temps. Ainsi, lorsque des usines ou moulins n'auront pas été
entretenus pendant plus de 20 ans à compter du 30 mars 1993, les
collectivités territoriales pourront, après mise en demeure par
le préfet, procéder aux travaux qui sont la conséquence de
la modification ou la révocation de la permission ou de l'autorisation,
et ce aux frais du permissionnaire ou titulaire de l'autorisation. Cette
disposition est également applicable tant aux ouvrages fondés en
titre qu'aux ouvrages fondés sur titre.
En outre l'article L215-10 du code de l'environnement
prévoit en son I bis qu'à compter du 1er janvier 2014,
l'Etat pourra, sans indemnité, révoquer ou modifier les
permissions ou autorisations des ouvrages établis sur les cours d'eau
classés au titre du I de l'article L214-17 du code de l'environnement
(ceux en très bon état écologique, ceux
identifiés par un SDAGE comme jouant le rôle de
réservoir biologique ,et ceux inscrit sur une liste de cours d'eau
dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des
sédiments et la circulation des poissons migrateurs), et ce
dès lors que leur fonctionnement ne permettra pas la préservation
des migrateurs amphihalins.
Enfin, le II de l'article L214-4 du code de l'environnement
reprend les hypothèses dans lesquelles l'autorisation peut être
retirée ou modifiée s'agissant des ouvrages soumis à
autorisations, en ajoutant l'hypothèse dans laquelle l'ouvrage est
abandonné ou ne fait plus
84 Publié au recueil Lebon, page 477.
l'objet d'un entretien régulier sans prévoir de
délais ou de mise en demeure comme dans l'article L215-10.
Rappelons que la modification ou la suppression d'un droit
ayant une existence légale par les pouvoirs publics n'est légale
que pour servir un intérêt public, c'est ce qu'a jugé le
Conseil d'Etat dans l'arrêt « Delhomme » du 27 mars
189785. Il en va de même en matière de chute
autorisée.
Article L215-10 du code de l'environnement :
« I. - Les autorisations ou permissions
accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines sur les
cours d'eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou
modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police dans les cas suivants :
1° Dans l'intérêt de la
salubrité publique, et notamment lorsque cette
révocation ou cette modification est nécessaire à
l'alimentation en eau potable de centres habités ou en est la
conséquence ;
2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations
;
3° Dans les cas de la réglementation
générale prévue à l'article L. 215-8 ;
4° Lorsqu'elles concernent les ouvrages
établissant ou réglant le plan d'eau ou les
établissements ou usines qui, à dater du 30 mars 1993,
n'auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans ; toute
collectivité publique ou tout établissement public
intéressé peut, en cas de défaillance du permissionnaire
ou du titulaire de l'autorisation, et à sa place, après mise en
demeure par le préfet, exécuter les travaux qui sont la
conséquence de la révocation ou de la modification de la
permission ou de l'autorisation, et poursuivre, à l'encontre du
permissionnaire ou du titulaire de l'autorisation, le remboursement de ces
travaux ;
I bis. - A compter du 1er janvier 2014, en
application des objectifs et des orientations du schéma directeur
d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés
au titre du I de l'article L. 214-17, les autorisations ou permissions
accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines peuvent
être modifiées, sans indemnité de la part de l'Etat
exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que leur fonctionnement
ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant
alternativement en eau douce et en eau salée.
|
85 Publié au recueil Lebon, page 487.
II.
- Les dispositions du I et du I bis sont
applicables aux permissions ou autorisations accordées en vertu des
articles L. 214-1 à L. 214-6, ou antérieurement à la mise
en vigueur de ces dispositions, ainsi qu'aux établissements ayant une
existence légale et aux entreprises concédées ou
autorisées en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à
l'utilisation de l'énergie hydraulique. Les
modifications apportées en application du I bis du présent
article aux concessions visées par la loi du 16 octobre 1919
précitée n'ouvrent droit à indemnité que si elles
entraînent un bouleversement de l'équilibre économique du
contrat.
III. - Les conditions d'application du 4° du I sont
fixées par un décret en Conseil d'Etat. »
Article L214-4 du code de l'environnement :
« II. - L'autorisation peut être retirée ou
modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police, dans les cas suivants :
1° Dans l'intérêt de la
salubrité publique, et notamment lorsque ce retrait ou cette
modification est nécessaire à l'alimentation en eau potable des
populations ;
2° Pour prévenir ou faire cesser les
inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique
;
3° En cas de menace majeure pour le milieu aquatique,
et notamment lorsque les milieux aquatiques sont soumis à des conditions
hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation ;
4° Lorsque les ouvrages ou installations sont
abandonnés ou ne font plus l'objet d'un entretien
régulier ;
II bis. - A compter du 1er janvier 2014, en application
des objectifs et des orientations du schéma directeur
d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau, parties de
cours d'eau ou canaux classés au titre du I de l'article L. 214-17,
l'autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la
part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le
fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la
préservation des espèces migratrices vivant alternativement en
eau douce et en eau salée ».
§ 2.1.2.3. / L'autorité du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux
Le plan d'aménagement et de gestion durable de la
ressource en eau et des milieux aquatiques du schéma
d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) peut «
établir un inventaire des ouvrages hydrauliques susceptibles de
perturber de façon notable les milieux aquatiques et prévoir des
actions permettant d'améliorer le transport des sédiments et de
réduire l'envasement des cours d'eau et des canaux, en tenant compte des
usages économiques de ces ouvrages » selon les articles
L212-5-1 et R212-46 du code de l'environnement. L'article L212-5-1 dispose en
outre en son 2° du II que le SAGE comporte un règlement,
instauré par l'article 77 de la LEMA, qui peut « définir
les mesures nécessaires à la restauration et à la
préservation de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, en
fonction des différentes utilisations de l'eau » (et article
R212-47 du code de l'environnement). Il prévoit aussi en son II -
3° que ce règlement peut « indiquer, parmi les
ouvrages hydrauliques fonctionnant au fil de l'eau figurant à
l'inventaire prévu au 2° du I, ceux qui sont soumis,
sauf raisons d'intérêt général, à une
obligation d'ouverture régulière de leurs vannages afin
d'améliorer le transport naturel des sédiments et d'assurer la
continuité écologique ».
L'article R213-48-1586 du code de l'environnement
défini le caractère franchissable d'un ouvrage, ainsi que ce
qu'est un ouvrage qui assure le transport sédimentaire : « Le
caractère franchissable d'un ouvrage s'apprécie pour l'ensemble
des espèces piscicoles susceptibles d'effectuer des migrations et qui
sont présentes dans le cours d'eau ou font l'objet d'un programme de
réintroduction. Un ouvrage est considéré comme
franchissable par les poissons s'il est équipé de dispositifs
permettant la dévalaison et la montaison des espèces piscicoles
ou s'il respecte les règles de gestion définies en application du
3° du II de l'article L212-5-1 (le plan d'aménagement et de
gestion durable du SAGE peut indiquer, parmi les ouvrages hydrauliques
fonctionnant au fil de l'eau figurant à l'inventaire prévu au
2° du I, ceux qui sont soumis, sauf raisons d'intérêt
général, à une obligation d'ouverture
régulière de leurs vannages afin d'améliorer le transport
naturel des sédiments et d'assurer la continuité
écologique). Un ouvrage équipé d'un seul de ces
dispositifs est considéré comme franchissable dans un seul sens
par les poissons.
86 Cité par l'article L 212-5-1.
Un ouvrage assure le transport des sédiments si ses
équipements et, s'il y a lieu, ses règles de gestion
définies en application du 3° du II de l'article L212-5-1, en
permettent l'évacuation régulière ».
L'article L212-1-XI du code de l'environnement pose que
« tous les programmes et toutes les décisions
administratives intervenant dans le domaine de l'eau doivent être
compatibles avec le SDAGE ». La compatibilité
signifie en droit l'absence de contrariété entre la norme
supérieure et la norme inférieure. L'appréciation se fait
au cas par cas et relève donc de l'appréciation souveraine des
juges du fond, qui peut être variable d'un cas d'espèce à
un autre. La loi du 21 avril 200487 est venue atténuer la
portée juridique des SDAGE. Avant cette date, toutes les autres
décisions administratives devaient prendre en compte les dispositions du
SDAGE et non pas seulement, comme c'est le cas à présent, les
décisions administratives intervenant dans le domaine de l'eau. Le
Conseil d'Etat a par exemple jugé dans l'arrêt « association
pour l'étude et la protection de l'Allier et de la nappe alluviale
» du 15 mars 2006 qu'une autorisation de carrière n'a pas à
être compatible avec un SDAGE.
Les documents locaux de planification urbaine (schéma de
cohérence territoriale, plan local d'urbanisme, carte communale) doivent
quant à eux être compatibles avec le SDAGE.
Le SAGE quant à lui doit être compatible
avec le SDAGE ou rendu compatible avec lui dans les 3 ans de la
modification de ce dernier. Le SAGE impose un rapport de
compatibilité avec toutes les décisions administratives
intervenant dans le domaine de l'eau et applicables sur son
périmètre. Il en est de même concernant les
documents locaux de planification urbaine, lesquels doivent être
compatible avec le SAGE. Notons que si une opération soumise à
enquête publique n'est pas compatible avec le SAGE, le préfet doit
soumettre le dossier à la commission locale de l'eau, laquelle dispose
de quatre mois pour modifier le règlement ou les documents
cartographiques du SAGE. Le silence gardé pendant quatre mois vaut
approbation, et la déclaration d'utilité publique de
l'opération emporte alors modification du SAGE.
Qu'en est-il de la réparation du titulaire du droit
évincé ?
87 Loi n° 2004-338 du 21 avril 2004.
Section 2.1.3. : L'absence d'indemnisation du titulaire du droit
évincé pour cause d'intérêt général
Le principe selon lequel « nul n'a de droit acquis au
maintient d'un règlement » permet à l'administration de
« retirer » les droits qu'elle avait précédemment
accordée. Cependant il ne s'agit pas là d'accorder à
l'administration un pouvoir discrétionnaire sans limite puisque les
administrés ont besoins de stabilité et de sécurité
juridique afin que leurs agissements soient fondés sur des
décisions qu'ils peuvent considérer comme « sûr
». Cela est d'autant plus vrai concernant les règlements d'eau,
lesquels créés des droits au profit des propriétaires
d'ouvrages auxquels ils s'appliquent. C'est pourquoi la loi est venue cadrer
l'utilisation de ce pouvoir règlementaire afin que ni la
discrétion absolue, ni l'intangibilité totale ne soient un mode
de gestion de la règlementation par l'administration. La loi du 8 avril
1898 est venue apporter une première restriction en posant en son
article 14 que les permissions pouvaient être
révoquées ou modifiées à tout moment, sans
indemnité, dans l'intérêt de la salubrité publique
ou pour prévenir ou faire cesser les inondations. La
jurisprudence a par la suite étendue l'application de cet article aux
usines fondées en titre88. Ce mouvement est conforté
par la loi du 16 octobre 1919 qui, même si elle confirme les droits des
usiniers fondés en titre, pose le principe selon lequel nul ne peut,
sans l'autorisation de l'Etat, disposer de l'énergie des marées,
des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement (sur ce point, A.
Hauriou, La mainmise de l'Etat sur l'énergie des cours d'eau non
navigables ni flottables, thèse, Toulouse, 1921). La loi du 7 mars
196389 (article 7) relative à la réalisation de
certains travaux d'équipement rural ensuite codifiée à
l'article 109 du code rural puis à l'article L215-10 du code de
l'environnement ajoute encore que « les autorisations ou
permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines
sur les cours d'eau non domaniaux peuvent être révoquées ou
modifiées sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses
pouvoirs de police » dès lors que c'est pour des
motifs d'intérêt général (salubrité publique,
lutte contre les inondations, protection de l'environnement, voire, à
compter du 30 mars 1993 , absence d'entretien pendant plus de vingt ans). Le
paragraphe II de cet article précise que cette disposition s'applique
également aux établissements ayant une
88 Dans les arrêts du Conseil d'Etat du 11
décembre 1935, « Cabrol », publié au recueil
Lebon p. 1173 ; du 12 février 1936, « Boussiaux »,
publié au recueil Lebon p. 189 ; du 5 novembre 1948, « Garnier
», publié au recueil Lebon p. 412 ; et du 16 mars 1960, «
Guignard », publié aux tables du recueil Lebon p. 1005.
89 Loi n°63-233 du 7 mars 1963.
existence légale. Il apparaît dès lors que
l'intérêt général soit une motivation suffisante
pour que soit révoquée ou modifiée sans indemnité
une autorisation ou permission voire même le fondement en titre d'une
usine ayant une existence légale.
Notons en outre que le Conseil d'Etat a jugé dans
l'arrêt << Sieur Terrien >> du 22 décembre 1950
« qu'en vertu de l'article 14 [de la loi du 8 avril 1898],
les permissions peuvent être révoquées ou modifiées
sans indemnité, soit dans l'intérêt de la salubrité
publique, soit pour prévenir ou faire cesser des inondations, soit enfin
dans le cas de la réglementation générale prévue
par l'article 9 ; qu'a plus forte raison aucune indemnité ne saurait
être réclamée en cas d'atteinte portée pour un but
d'intérêt général à un ouvrage
irrégulièrement établi sans autorisation ».
L'absence d'indemnité, lorsque c'est l'intérêt
général qui est poursuivit, s'applique donc aux usines tant
fondées en titre, que fondées sur titre, et a fortiori
à celles irrégulièrement établies.
Pour illustration jurisprudentielle, le Conseil d'Etat a par
exemple confirmé le bienfondé d'une décision enjoignant
à l'exploitant d'une usine fondée en titre de supprimer les
« vannelles » installées en haut du barrage et de
nature à créer des dangers d'inondation en aval (CE 10
décembre 1982, << Lorette >>90). De même,
le juge administratif suprême a confirmé une décision
n'autorisant la remise en état d'une usine fondée en titre
qu'à la condition que la hauteur du barrage soit abaissée d'un
mètre afin de prévenir les inondations (CE 11 octobre 1985,
<< Lemoine c/ Ministre de l'Agriculture >>91 ; dans le
même sens, CAA Marseille 9 avril 2004, << SARL Saten >>).
Le juge civil est allé dans le même sens puisque
la première chambre civile de la Cour de Cassation a jugé
notamment dans un arrêt du 20 octobre 1942, << de Duras c/ Cie
hydroélectrique de la Cure >>92 que « par sa
nature la force motrice produite par l'écoulement d'eaux courantes
n'étant pas susceptible d'appropriation, ne peut être l'objet que
d'un droit d'usage ». Cette jurisprudence semble désormais
consacrée puisque l'article L210-1 du code de l'environnement issu de
l'article 1er de la loi du 3 janvier 1992 dispose que «
l'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et
règlements ainsi que des droits
90 Publié au Cahier Juridique de
l'Electricité et du Gaz, mars 1983, Jurisprudence p. 99.
91 Publié au Cahier Juridique de
l'Electricité et du Gaz, novembre 1986, Jurisprudence p. 401.
92 Publié au Sirey 1944.I.93.
antérieurement établis » lesquels
sont ceux fondés en titre. Dès lors ils ne peuvent être,
eux aussi, que des droits d'usage, selon Pierre
Sablière93.
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