Section 1.4.3. : Prescription du droit d'usage de
l'eau
La prescription trentenaire de droit commun s'applique
également au droit d'usage de l'eau. Ainsi, pour être
réalisée, la prescription suppose le constat d'une contradiction
formelle aux droits du riverain par des ouvrages extérieurs et
apparents, permanents tendant à l'appropriation de l'eau et/ou de son
lit (voir en ce sens l'arrêt de la chambre civile de la Cour de Cassation
du 25 avril 196370). Il apparaît, au surplus, selon la
doctrine, que le droit d'usage préférentiel étant
considéré comme l'accessoire du droit de propriété
du lit, la prescription sur le lit d'un cours d'eau emporte celle du droit
d'usage préférentiel, dès lors, c'est l'ensemble du droit
de riveraineté qui fait l'objet d'une prescription. Selon une doctrine
bien établie, relayée notamment dans l'ouvrage de Picard «
traité des eaux >>71, la contradiction sus
évoquée, susceptible de s'opposer au droit de riveraineté,
résultera soit de la construction de travaux apparents et permanents,
tendant à l'appropriation exclusive ou presque totale du cours d'eau, et
constituant pour le propriétaire inférieur, un empêchement
matériel à l'exercice de son droit, soit d'actes judiciaires,
soit d'actes extrajudiciaires fait à la requête de l'auteur de
pareils ouvrages. Cette analyse doctrinale est conforme à la
jurisprudence puisque
70Publié au bulletin civil, 1, n° 213.
71 Picard, « traité des eaux >>,
tome 2, 2e édition, J. De Rotschild, 1896.
la Cour de Cassation a jugé par un arrêt du 11
janvier 188172 que « si les eaux courantes d'un ruisseau
sont choses communes aux riverains et si les droits de ceux-ci constitues une
faculté naturelle qui ne saurait périr par le non usage si
prolongé qu'on le suppose, ce principe ne fait pas obstacle toutefois
à ce que la prescription puisse être invoquée par le
riverain qui s'est attribué pendant plus de trente ans la jouissance
exclusive du cours d'eau par des ouvrages apparents constituant une
contradiction manifeste aux droits des autres riverains, et un obstacle
matériel à l'exercice des facultés qui leurs sont reconnus
par la loi ». La Cour de Cassation, sans remettre ici en cause le
principe selon lequel les droits du riverain d'un cours d'eau constitue une
faculté naturelle qui ne saurait périr par le non usage si
prolongé qu'on le suppose, fait application de la prescription afin
transférer ces droits au riverains qui s'est attribué pendant
plus de trente ans la jouissance exclusive du cours d'eau par des ouvrages
apparents.
Il faut noter cependant que cette prescription ne produit pas
d'effet à l'égard de l'administration puisque les travaux
réalisés sans autorisation ne lui sont pas opposables.
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