Chapitre 1.4. : Les évolutions possibles d'un
droit
d'eau
Les évolutions possibles d'un droit d'eau, qu'il soit
fondé en titre ou sur titre vont être la conséquence soit
de sa cession (section 1.4.1.), soit de sa renonciation de la part du titulaire
de ce droit (section 1.4.2.), soit de sa prescription (section 1.4.3.), soit
enfin de la fin normale du titre (section 1.4.4.).
Section 1.4.1. : Cession du droit d'usage de l'eau
Le droit d'usage de l'eau est dans le commerce, il
peut-être cédé. C'est ce qu'a jugé la chambre civile
de la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 mai 1948. La cession
transfère au cessionnaire le droit d'usage tel qu'il était entre
les mains du cédant, avec ces prérogatives et limites.
La cession des chutes d'eau fondées en titre n'est, par
hypothèse, spécifiquement traitée par aucun texte. C'est
donc le droit commercial commun qui s'applique. Dés lors, toutes les
usines fondées en titre n'ayant pas subi de modifications, telles, que
la chute d'eau ne soit passée sous le régime de l'autorisation ou
de la concession, peuvent être vendues avec les droits à usage de
l'eau dans la limite de leur consistance légale.
La cession des chutes autorisées est
règlementée par l'article 16 de la loi du 16 octobre 1919, lequel
dispose que « Toute cession totale ou partielle d'autorisation, tout
changement
de permissionnaire doit, pour être valable,
être notifiée au préfet qui, dans les deux mois de cette
notification, devra en donner acte ou en signifier son refus motivé.
Cette disposition ne s'applique pas aux ventes en justice ». Elle
repose sur le principe de libre cession.
La cession des chutes concédées est
règlementée par l'article 12 de la loi du 16 octobre 1919, lequel
prévoit que « Toute cession totale ou partielle de concession,
tout changement de concessionnaire ne peut avoir lieu qu'après
approbation ». Le rachat par l'Etat d'une chute
concédée est le moyen pour lui de mettre volontairement fin
à la concession avant terme, et pour le concessionnaire de se retirer
volontairement de la concession.
Section 1.4.2. : Renonciation au droit d'usage de
l'eau
La Cour de Cassation a admis par un arrêt du 28 mars
193867 que le droit d'usage de l'eau est susceptible de renonciation
au profit d'un autre riverain, dans le respect, toutefois, des
intérêts des co-riverains sur le même cours d'eau. Il s'agit
en l'espèce d'une cession de droit réel par laquelle seront tenus
les successeurs, même à titre particulier, du cédant, dans
les conditions du droit commun.
Frédéric Zénati, Professeur à
l'Université Jean Moulin de Lyon III, écrit dans l'article «
renonciation aux droits réel par non-usage »68, que
« la renonciation, pas plus que l'abandon ne peuvent se
présumer, mais cette maxime ne signifie pas l'interdiction absolue d'une
preuve par la présomption. Elle s'interprète comme n'admettant la
renonciation tacite qu'en cas de manifestation de volonté non
équivoque ». Cette interprétation du droit est conforme
à la jurisprudence de la Cour de Cassation dont la troisième
chambre civile a jugé dans un arrêt du 1er avril 1992
en se fondant sur l'article 544 du code civil que « la renonciation
à un droit ne se déduit pas de la seule inaction de son titulaire
et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la
volonté de renoncer ». Les tribunaux apprécient
souverainement cette intention69.
67 Dalloz Hebdomadaire (DH) 1938, 338.
68 Publié à la revue trimestrielle du
droit civil (RTDC) de 1993 page 851.
69 Voir note sous tribunal civil de la Seine,
27/02/1935.
La jurisprudence dominante est donc clairement en faveur du
maintien de ces droits acquis même en cas de non-usage prolongé.
Le Conseil d'Etat en a jugé ainsi dès le 9 avril 1897 dans
l'arrêt « Ville de Montpellier >> malgré une absence
d'utilisation pendant plus de 40 ans. Cette décision est
confirmée le 2 février 2004 par l'arrêt «
Communauté de communes Vére-Grésigne >> puisque les
droits de l'usinier fondés en titre sont confirmés malgré
l'absence d'utilisation depuis 1928.
Notons que « l'usinier suspendant, même
totalement l'exercice de son droit demeure astreint à appliquer ou
à continuer à appliquer toutes dispositions nécessaires
à la préservation d'intérêt généraux
qui ne seraient pas ou plus sauvegardés du fait de cette suspension
(protection du milieu aquatique, sécurité des tiers,
écoulement des eaux) » comme l'écrit Jean Poiret dans
le tome 2 de son ouvrage « droit de l'hydroélectricité
>>.
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