B- CONTENU DU RAISONNEMENT DE LA COUR
Il convient, pour le cerner, d'explorer les développements
effectués par la Cour sur chacun de ces points respectivement.
1- A la rivière Kohom
a) En effet, la Cour a eu d'énormes
difficultés pour identifier le cours de la rivière Kohom par
lequel doit passer la frontière comme le prévoit le paragraphe 19
de la déclaration Thomson-Marchand. Ayant admis avec le Nigeria que
c'est bien la rivière Bogaza qui prend sa source dans le mont Ngosi, et
non la rivière Kohom, la Cour essayera de déterminer le
tracé que les rédacteurs de la déclaration
Thomson-Marchand ont entendu donner à la frontière dans cette
région en la faisant passer par la rivière dénommée
« Kohom »204.
Constatant l'insuffisance de cet instrument
«pertinent» de délimitation, la Cour fera recours
à un croquis établi en mars 1926 par des fonctionnaires
français et britannique. Cette comparaison faite, elle estime alors que
le cours du Kohom par lequel la déclaration Thomson-Marchand fait passer
la frontière est celui indiqué par le Cameroun.
b) Ainsi, toujours en s'appuyant sur ce croquis
de 1926, elle constate que la frontière
passe au nord des monts Matakam comme le fait la ligne
réclamée par le Cameroun, et
201 Arrêt, p. 87, par. 156.
202 Arrêt, p. 88, par. 157.
203 Arrêt, p. 88, par. 158.
204 Arrêt, p. 73, par. 100.
contrairement à celle prônée par le
Nigeria qui passe nettement au sud de ces monts. Après un argumentaire
rejoignant largement les arguments du Cameroun, la Cour va tenter de se
rattraper à respecter la déclaration Thomson-Marchand en
cherchant à assurer la jonction entre la source de la rivière
Kohom telle qu'identifiée par elle même et la rivière
Bogaza qui prend sa source dans le mont Ngosi205.
A la fin, c'est par des données astronomiques que la
C.I.J détermine la source de la rivière Kohom qu'elle
décrit comme située par 130 44' 24» de longitude
est et 100 59' 09» de latitude nord. De ce point, la
frontière passe par une ligne droite orientée vers le sud et
rejoignant le mont marqué à une altitude de 861 mètres,
mont situé par 130 45' 45» de longitude est et
100 59' 45» de latitude nord, avant de suivre le cours de la
rivière Bogaza dans la direction sud-ouest jusqu'au sommet du mont
Ngosi206
Ainsi, la délimitation opérée par la cour
dans cette zone de la frontière terrestre semble très
ambiguë. Néanmoins malgré la coloration
d'équité qu'elle présente, cette délimitation est
«plus proche des thèses Camerounaises
»207. On peut dès lors affirmer que c'est de
façon indirecte que cette partie est reconnue au Cameroun. Comment cela
s'est-il alors passé à Kotcha ?
2- A Kotcha (Koja)
a) Contrairement aux développements
qu'elle a opérés dans la zone de Kohom, la position de la Cour
à Kotcha brille par une clarté et un synthétisme hors du
commun. Tout d'abord, elle a tenu à préciser, en défaveur
du Nigeria, qu' « elle n'a pas compétence pour modifier une
ligne frontière délimitée, même dans
l'hypothèse où un village auparavant situé d'un
côté de la frontière se serait étendu au delà
de celle-ci »208. C'était là une
façon brave et nette pour la cour, de mettre fin aux
velléités expansionnistes du « géant
»209 Nigeria.
b) Dans sa conclusion, la Cour donne
ostensiblement raison au Cameroun lorsqu'elle décide que « dans
la région de Kotcha visée aux paragraphes 26 et 27 de la
déclaration Thomson-Marchand, la frontière passe par la ligne de
partage des eaux, et cela y compris à proximité directe du
village de Kotcha, où les terres cultivées se trouvant du
côté
205 Arrêt, pp. 73-74, par. 101.
206 Arrêt, p. 74, par. 102. Voir aussi le croquis n°5
de l'arrêt en annexe.
207 L'expression est du président de la cour, M. GUILLAUME
lui même. Propos recueilli in Mutations, N° 762 du vendredi 11
octobre 2002, p.2
208 Arrêt, p. 79, par. 123.
209 Le Nigeria est un géant d'Afrique. Voir supra.
Camerounais de la ligne de partage des eaux demeurent en
territoire camerounais »210. C'est toujours de cette
façon qu'elle a donné raison au Cameroun dans la zone du
franchissement du Mayo Yim.
3 - Au franchissement du Mayo Yim
a) La décision de la Cour est
caractérisée ici par un laconisme très poussé. Elle
souligne tout d'abord que si le Nigeria a contesté dans son contre
mémoire le tracé de la frontière au niveau du
franchissement du Mayo Yim visé au paragraphe 49 de la
déclaration Thomson-Marchand, il n'est plus revenu sur cet argument sur
le reste de la procédure. Encore qu'il n'a pas rejeté l'argument
du Cameroun selon lequel le problème dans cette région
était un problème de démarcation211.
b) Qu'à cet effet, ne jugeant plus nécessaire
de préciser les coordonnées de la frontière dans ce
secteur, la Cour conclut tout simplement que « dans la région
du franchissement du Mayo Yim, la frontière suit le tracé
visé aux paragraphes 48 et 49 de la déclaration Thomson-Marchand
»212 ; ce qui n'est que la confirmation de l'argumentation
camerounaise.
Ainsi, la Cour donne raison directement aux thèses
camerounaises sur trois points litigieux. Néanmoins comme nous l'avons
vu plus haut, les arguments du Nigeria ont le plus été pris en
compte sur certains points. Toutefois, à côté de cette
reconnaissance alternative des thèses des parties, la Cour, dans un
effort de neutralité, a dégagé des solutions issues de son
inspiration propre sur d'autres points litigieux de la frontière
terrestre.
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