II - LES POINTS CONFERES AUX THESES CAMEROUNAISES
Il s'agit ici des zones litigieuses sur lesquelles la cour a
fait valoir les arguments du Cameroun. Ces points sont au nombre de trois : le
point N° 3) La rivière Kohom, le point N° 6) Kotcha (Koja), et
le point N° 13) Le franchissement du Mayo Yim. Nous rappellerons, autant
que faire se peut, les thèses en conflit (A) avant d'exposer le
raisonnement de la cour (B).
A- L'EXPOSE DES ARGUMENTS EN CONFLIT
Pour mieux rendre compte de la teneur de ces arguments, il
convient de procéder point par point.
1- Au point litigieux N°3) La rivière
Kohom
Dans cette partie de la frontière, c'est le paragraphe
19 de la déclaration Thomson-Marchand qui était applicable et
c'est autour de son interprétation que se déchiraient les
parties195.
a) Pour le Nigeria « le paragraphe 19 de la
déclaration Thomson-Marchand est défectueux car il présume
que la rivière Kohom prend sa source dans le mont Ngosi ; ce qui ne
serait pas le cas ». Selon lui, ceci est la conséquence d'une
erreur commise par les rédacteurs de la déclaration
Thomson-Marchand. Que la rivière prenant sa source dans le mont Ngosi
est la Bogaza et non le Kohom. La frontière devrait donc suivre le cour
de la Bogaza196. Telle ne sera naturellement pas le point de vue du
Cameroun.
b) Pour le Cameroun, les monts Ngosi constituent une
chaîne de montagne et non un sommet déterminé, si bien que
tant la rivière Kohom que la rivière Bogaza y prendraient leur
194 Arrêt, p. 95, par. 184.
195 Arrêt, p. 72, par. 97.
196 Arrêt, p. 73, par. 98.
source. Et que les termes de la déclaration
Thomson-Marchand sont assez clairs pour identifier cette rivière Kohom
(des Kirdis), différente de celle identifiée par le
Nigeria197.
1- A Kotcha (Koja), point litigieux N°6
Comme au point précédent, c'est la
déclaration Thomson-Marchand qui fixe la frontière ici. Mais
cette fois, à travers ses paragraphes 26 et 27 qui brillent par leur
extrême concision:
« 26) puis la frontière passe par le mont Mulikia
(appelé aussi Lourougoua).
27) Du sommet du mont Mulikia elle atteint la source du
Tsikakiri, laissant Kotcha à l'Angleterre et Dumo à la France;
puis elle longe une ligne jalonnée provisoirement par quatre bornes par
MM. Vereker et Pition en septembre 1920 »198.
Les avis des parties vont diverger quant à
l'interprétation à donner à ces dispositions.
a) Pour le Nigeria, « les
paragraphes 26 et 27 de la déclaration Thomson-Marchand ci-dessus
présenteraient un problème dans la mesure où, sur les
quatre bornes mises en place en 1920 qui y sont indiquées, une seulement
pourrait éventuellement être identifiée aujourd'hui.
» A cet effet, il priait la cour de retenir la frontière passant la
ligne de partage des eaux, sauf à proximité de Koja village
nigérian qui s'est étendu de part et d'autre de
celleci199. Qu'est-ce qu'en pensait alors le Cameroun?
b) Le Cameroun pour sa part estimait que la
ligne frontière demandée par le Nigeria à proximité
de Koja est contraire à la déclaration Thomson-Marchand et que le
texte de celle-ci devrait être respecté200. Cette
attitude camerounaise bien que pas vraiment dynamique présente
l'avantage d'être au moins juridique. C'est le même schéma
argumentatif que l'on retrouve au point litigieux N°13).
197 Arrêt, p. 73, par. 99.
198 Arrêt, p. 78, par. 120.
199 Arrêt, p. 78, par. 121.
200 Arrêt, p. 79, par. 122.
2- Au point litigieux N° 13) Le
franchissement du Mayo Yim
Selon la C.I.J, la frontière est définie à
ce point par les paragraphes 48 et 49 de la déclaration
Thomson-Marchand201.
a) L'avis du Nigeria était que, ces paragraphes de la
déclaration Thomson-Marchand sont trop vagues, surtout en ce qui
concerne le point où la frontière traverse le Mayo
Yim202. Le Cameroun avait une vue diamétralement
opposée.
b) Les deux paragraphes de la déclaration
Thomson-Marchand en question ne nécessitant aucune clarification de la
part de la cour, il n'y avait là qu'un problème de
démarcation. Telle était l'argument de la Partie
camerounaise203. Face à ce conflit d'arguments et contre
arguments, la Cour validera les thèses camerounaises sur l'ensemble de
ces trois points. Il nous semble alors important d'examiner le contenu de son
raisonnement.
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