A- LES THESES EN CONFLIT
Le travail de la Cour était plus difficile et
difficultueux sur cette partie du reste de la frontière terrestre
à cause certainement de la densité des arguments contradictoires
des parties au point par point.
Aussi, restant fidèle à la démarche de la
Cour, nous exposerons ces thèses nigerocamerounaises point par point.
1- Au point litigieux N°2) La rivière
Keraua
a) Sur ce point, le Nigeria admet l'applicabilité du
paragraphe 18 de la déclaration Thomson-Marchand, mais soulève
très tôt son caractère défectueux étant
donné que des deux bras que cette rivière a aujourd'hui, ce texte
ne précise pas celui par lequel passe la frontière. Selon lui, la
frontière devrait suivre le chenal oriental170
b) la position du Cameroun est toute différente. Pour
lui, « le problème viendrait du fait que le cours de la
rivière Kerawa a été dévié par le Nigeria
qui a construit un chenal artificiel ... afin de déplacer le lit de la
rivière et par conséquent le tracé de la frontière
». Qu'il convient dès lors de dire que, la frontière
devrait passer par le chenal occidental171.
170 Voir arrêt, p. 71, par. 93.
171 Voir arrêt, p. 72, par. 94.
2- Au point N° 09) Le Maio Senche
Faut-il encore souligner que la position du Nigeria (a)
était différente ici de celle du Cameroun (b) ? Pas vraiment,
mais venons-en aux faits.
a) Le Nigeria admet que ce point est bel et bien
défini par le paragraphe 35 de la déclaration Thomson-Marchand et
que « la frontière dans ce secteur doit suivre la ligne de
partage des eaux. Il fait observer que de la ligne réclamée par
le Cameroun dans cette région décale la frontière par
rapport à la ligne de partage des eaux que cette ligne doit suivre en
vertu du paragraphe 35 de la déclaration Thomson-Marchand ...
»172. Qu'en pensera le Cameroun?
b) Le Cameroun, comme le souligne la Cour173 ,
maintient quant à lui que «la représentation de la ligne
de partage des eaux dans la traversée des monts (Atlantikas) et (de) la
localisation du village de Batou » dont il est question dans cette
région est exclusivement un problème de démarcation.
3- Au point N° 10) Jimbare et Sapeo
Sur ce point, la Cour a d'abord présenté les
arguments du Nigeria avant ceux du Cameroun.
a) Pour le Nigeria, les paragraphes 35
à 38 de la déclaration Thomson-Marchand étaient
défectueux. Aussi, la Cour devait préciser et modifier le
tracé de la frontière terrestre dans cette zone dans la mesure
où le texte des paragraphes 37 et 38 de la déclaration
Thomson-Marchand et la carte qui l'accompagne se contredisent.
Que depuis 1920, le responsable du district britannique W.D.K.
Mair et le représentant de l'administration française, le
capitaine Louis Pition avaient élaboré une «proposition
conjointe Mair-Piton » (12 Novembre). Celle-ci sera reprise dix ans
plus tard dans un procèsverbal signé le 16 octobre 1930 par R.
Logan, responsable du district britannique, et J. Le Brun, représentant
de l'administration française : « Procès-verbal Logan-Le
Brun» . Et que enfin, ces textes visaient à corriger les
imperfections de la déclaration Thomson-Marchand, et en vertu des quels
Sapeo a toujours été administré par le Nigeria. Face
à un exposé aussi fourni, le Cameroun va esquisser quelques
réflexions axées autour de l'applicabilité de la
déclaration Thomson-Marchand174.
172 Arrêt, p. 82, par. 136.
173 Dans le paragraphe 137. P.82
174 Voir arrêt, pp. 83-84, par. 141.
b) Pour le Cameroun, bien que les
développements du Nigeria soient valables pour l'identification du pic
visé, dans le paragraphe 35 de la déclaration Thomson-Marchand,
le seul texte applicable selon lui est cette déclaration; étant
donné que la proposition conjointe Mair-Pition et le
procès-verbal Logan-Le Brun n'avaient jamais été retenus
par la France et la Grande- Bretagne, ni reportés dans la
déclaration Thomson-Marchand. Que contrairement à l'argument
nigérian, d'après lequel le préfet du département
de la Bénoué aurait été saisi de la situation sur
le terrain par le sous-préfet de l'arrondissement de Poli par une lettre
du 17 mars 1979, il faut retenir qu' « un simple sous-préfet
n'avait pas bien compris la situation juridique réelle ». Que
dès lors, seule la déclaration Thomson-Marchand doit être
appliquée175-
4- Au point N° 11) Nomberou (Namberou)-Banglang
Comme au point n010, il s'agissait encore ici d'un
débat autour de la validité d'un
fragment défectueux de la déclaration Thomson-
Marchand et notamment son paragraphe
38176.
a) Le Nigeria a considéré que ce paragraphe 38
de la déclaration, était défectueux en ce qu'il
décrit la frontière comme empruntant une vallée nord-est,
puis sud-est, alors que la seule vallée présente dans la
région est orientée nord-ouest, puis sud-ouest. Et que cette
erreur aurait été constatée dans le procès-verbal
Logan-Le Brun de 1930 et corrigée177. Cette réflexion
qui semble plus favorable au Cameroun comme le montrera la Cour n'a pas
été retenue par lui ; certainement par souci d'attachement
à la lex lata.
b) l'argumentation camerounaise présentée par
le Cour sur ce point brille par sa concision: « le Cameroun estime
pour sa part qu'il convient de s'en tenir à la définition de la
frontière contenue dans les paragraphes 37 et 38 de la
déclaration Thomson-Marchand. »178
5- Au point N°16) Bissaula-Tosso
Ici, c'est l'ordre en conseil de 1946 qui était sujet
à interprétations.
a) Pour le Nigeria, cet instrument juridique
devait être interprété du fait que la rivière
Akbang possède plusieurs affluents parmi lesquels, seul
l'affluent sud doit être considéré
175 Arrêt, p. 84, par. 142.
176 Voir arrêt, p. 85, par. 147.
177 Arrêt, pp. 85-86, par. 148.
178 Arrêt, p. 86, par. 149.
parce que coupant la route Kentu-Bamenda comme l'exige le
texte de l'ordre en conseil. Le Nigeria a ajouté que le tumulus de
pierres visé par le texte aurait été
retrouvé179. Telle ne sera pas la démarche
camerounaise.
b) Dans une attitude défensive, le
Cameroun démontrera que l'interprétation
que le Nigeria fait du texte est erronée, que l'Akbang
se situe à l'est, et que le tumulus de pierres n'aurait jamais
été retrouvé contrairement à ce que
prétendait le Nigeria. Que dès lors, le problème demeure
un simple problème de démarcation180.
Après avoir rappeler les thèses en conflit, la Cour
va donner raison aux arguments du Nigeria sur l'ensemble de ces points.
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