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Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel

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par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU
Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005
  

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A. LE SYSTEME FONDÉ SUR LA NOTION DE PRÉTENTION

41. L'arrêt Lautour fournit une illustration très éclairante du système fondé sur la notion de prétention. A la suite d'un accident mortel survenu en Espagne entre des français, les ayants cause des victimes prétendaient engager la responsabilité du commettant sans faute de sa part. Les défendeurs leur opposaient que la loi espagnole déclarée applicable, imposait la démonstration de l'existence d'une faute. Les juges du fond ont condamné les défendeurs à réparation, au motif qu'ils n'ont pas rapporté la preuve de leur allégation (à savoir que le droit espagnol posait l'exigence d'une faute prouvée).

L'arrêt a encouru la censure de la Cour de cassation qui lui a fait grief de renverser la charge de la preuve. Dès lors que la prétention du demandeur à l'action en responsabilité relevait de la lex delicti et était ainsi soumise à la loi espagnole, c'est au dit demandeur qu'il incombait de rapporter, face à l'allégation contraire, la preuve que la loi espagnole lui permettrait d'atteindre le résultat par lui recherché.

Cette position de la jurisprudence Lautour fut ultérieurement précisée, pour admettre que toute énonciation du demandeur ne suffisait pas à maintenir le fardeau de la preuve sur celui-ci. Ainsi, lorsqu'un moyen de défense était séparable de l'allégation principale, soulevant une question de droit autonome (par exemple, la prescription opposée à une action en responsabilité), il constituait une prétention indépendante et c'était à celui qui l'invoquait d'en faire la preuve.108(*)

42. La Cour de cassation a plusieurs fois eu l'occasion de consolider la solution des arrêts Lautour et Thinet. Cependant, nous n'analyserons que la décision rendue dans l'affaire Bettan.109(*) L'espèce concernait deux demandes réciproques en divorce formées en France en 1975 par deux époux marocains de statut mosaïque, la demande principale émanant de la femme et la demande reconventionnelle du mari.

Conformément à la règle de conflit antérieure à la loi du 11 juillet 1975, la loi applicable était la loi mosaïque marocaine, loi nationale commune des époux. La Cour d'appel accueillit la demande de la femme mais rejeta celle du mari. Le pourvoi reprochait à la Cour d'appel d'avoir fait une application seulement partielle de la loi marocaine. Cette loi devait régir aussi bien les griefs de nature à entraîner le divorce que les faits justificatifs de ces griefs. Or en s'abstenant d'interroger la loi marocaine sur l'existence des règles gouvernant les faits justificatifs des griefs allégués par le mari, la Cour d'appel aurait substitué illégalement la loi française à la loi marocaine normalement compétente.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en indiquant expressément que c'était au mari (demandeur reconventionnel) qu'il appartenait de prouver que selon la loi mosaïque, les propos injurieux de la femme suffisaient à justifier le prononcé du divorce, même lorsqu'ils pouvaient trouver leur excuse dans le comportement du mari.

Selon M. LAGARDE, la Cour de cassation confirme à nouveau dans cet arrêt, la solution selon laquelle la charge de la preuve de la loi étrangère pèse sur le plaideur dont la prétention est soumise à cette loi, et non sur celui qui invoque cette loi, fut ce à l'appui d'un moyen de défense.110(*)

42. Relativement à la position du droit camerounais, la jurisprudence Lautour est applicable au Cameroun. C'est dire qu'il appartient au plaideur dont la prétention est soumise au droit étranger, d'établir la teneur de ce droit devant les juridictions camerounaises, faute de quoi sa demande sera rejetée pour défaut d'établissement de la loi étrangère compétente. Cette position semble avoir reçue confirmation dans la jurisprudence Malong. En effet, dans cette espèce, c'est l'une des parties qui a soulevé la compétence de la loi française en tant que loi personnelle des époux ; et on pourrait logiquement penser que c'est encore cette partie qui en a établi le contenu.

Il est certes possible de supposer que même si la partie ayant invoqué la compétence de la loi étrangère n'avait pas pris la peine d'en rechercher la teneur, le juge camerounais s'en serait chargé, eu égard à la facilité pour nos magistrats d'accéder à la législation française, et ce contrairement aux autres droits étrangers. Toutefois, du fait de l'absence de fiabilité d'une telle supposition, on pourrait retenir qu'il appartient aux parties, non seulement d'invoquer l'application du droit étranger normalement compétent, mais aussi d'en établir la teneur. Et ce n'est qu'à ce moment-là que le juge aurait l'obligation de résoudre le litige conformément aux dispositions du droit désigné.

Eu égard à cette imprécision observée au niveau de la jurisprudence Malong, les rédacteurs de l'Avant Projet de Code camerounais des personnes et de la famille ont essayé d'innover en la matière. En effet, l'article 8 de ce texte dispose que : « le contenu de la loi étrangère est établi devant les juridictions camerounaise par expertise et le juge peut, au besoin, faire état de sa connaissance de ladite loi ». A notre avis, cet article innove en ce qu'il précise que le juge doit s'impliquer dans la recherche du contenu du droit étranger compétent afin de résoudre le conflit, ce qui n'est pas le cas dans la jurisprudence actuelle.111(*) Seulement, cette disposition n'est pas suffisamment précise pour que les magistrats camerounais y voient une obligation pour eux de rechercher d' « office » le contenu de la loi étrangère. Ils pourraient tout aussi bien attendre que les plaideurs établissent le contenu de cette loi avant de recourir à un expert pour authentification du document. Donc, si l'intention des rédacteurs de ce texte est bien de faire reposer d'office le fardeau de la preuve du droit étranger sur le juge, avec la collaboration nécessaire des parties au litige, ils devraient le préciser avec clarté.

Le principe affirmé par la Cour de cassation dans l'arrêt Lautour n'était que la reprise de la règle qui prévaut pour la preuve des faits.112(*) On sait en effet que l'article 1315 du Code civil français règle la question de l'ordre de la preuve dans la formule suivante, dont il est convenu qu'elle exprime un principe général : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation ».

 L'article 9 du NCPC français reprend en substance le même principe en disposant qu' « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

La solution parait donc bien établie. Cependant, elle présuppose tout d'abord que la compétence de la loi étrangère ait été invoquée par l'une des parties ou soulevée d'office par le juge. Il s'agit là d'un principe qui n'a pas échappé à la critique doctrinale.

* 108 Civ. 1er., 24 janv. 1984, Soc. Thinet, JDI 1984.874, note BISCHOFF ; 21 juillet 1987, RCDIP. 1988. 329, note ANCEL (B.) : v. déjà Lyon, 19 avril 1977, RCDIP 1979. 788, note ANCEL (B.). Cité par AUDIT (B.), Droit international privé, Paris, Economica, 4e éd., 2006, p. 227.

* 109 Cass. civ 1er., 28 avril 1980, préc.

* 110 LAGARDE (P.) : note sous Cass. civ 1er., 28 avril 1980, Bettan c/dame Bettan, Rev. Crit. DIP 1981.94.

* 111 Cf. la jurisprudence issu des affaires Lautour et Malong, Préc.

* 112 Cf. MELIN (F.), La connaissance de la loi étrangère par les juges du fond. (Recherche sur l'infériorité procédurale de la loi étrangère dans le procès civil), AIX-EN-PROVENCE, PUAM., 2002, p.62.

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